Al-ahram hebdo : Les salaires maximum et minimum n’ont jamais été appliqués, ni lors des différents gouvernements formés au lendemain du 25 janvier, ni sous les Frères musulmans. Quand ce dossier sera-t-il finalisé ?
Achraf Al-Arabi : La justice sociale ne doit en aucun cas se limiter à la simple application des salaires maximum et minimum. Le problème des salaires dans le secteur public ne date pas d’aujourd’hui. Il n’est pas facile de le régler en quelques mois. La justice sociale ne verra pas le jour si elle n’est pas accompagnée d’une justice salariale qui mettra un terme à l’écart énorme existant entre les secteurs privé et public.

Nous déployons des efforts énormes au sein du gouvernement afin de régler la question des salaires maximum et minimum. Une étude est en cours d’élaboration afin d’accorder des primes. Les nouveaux salaires seront appliqués à tous les secteurs. Aucun secteur ne sera exclu du processus. Nous avons tenu à fixer un salaire maximum réalisant un équilibre entre deux objectifs. Le premier consiste à assurer un revenu décent aux familles et le second à ce que la limite maximum ne soit pas un obstacle à l’emploi de la force de travail qui souffre d’un taux important de chômage.
Tous ces détails seront soumis à une discussion sociale. La loi du salaire minimum n’a pas changé depuis 1984, qui le fixe à 305 L.E. Depuis la révolution de janvier, les primes ont atteint 200 %. Ce qui veut dire que le salaire mensuel minimum a atteint 750 L.E.
— Un chiffre a-t-il été fixé ? Certains parlent de 800, d’autres de 1 200. Souhaitez-vous aussi que dans le secteur public le salaire maximum soit au plus 35 fois le salaire minimum ?
— Les concertations techniques se poursuivent et le chiffre n’a pas encore été fixé. Nous l’annoncerons d’ici une semaine. Il a été, en effet, convenu que le salaire maximum sera de 35 fois le salaire minimum dans le public. Nous attendons toujours les différentes propositions émanant du secteur privé et des Chambres de commerce. Notre problème concerne le salaire maximum puisque le secteur privé comprend des compétences exceptionnelles qui sont toujours à la recherche de salaires exorbitants. Même chose pour une certaine tranche du secteur public comme les banques, l’Organisme du pétrole et les télécommunications, entre autres. Ainsi il faut rechercher des solutions à ces exceptions pour que la loi soit complémentaire.
— Qu’en est-il du Conseil supérieur des salaires ? Quel est son rôle, est-il en mesure de régler ce problème ?
— Le gouvernement tente de réviser la composition du Conseil supérieur des salaires qui comprend 8 membres appartenant au secteur public, 4 membres représentant les ouvriers et 4 autres représentant le patronat. Ce conseil a vu le jour en 2003. Sa formation n’est pas équilibrée. Le remodelage de ce conseil doit reposer sur une représentation équitable de la société qui doit être la suivante : 6 membres du secteur public, 6 membres du patronat et 6 membres employés du secteur privé. Il comprendra également un certain nombre de jeunes et d’experts qui seront chargés du contrôle et qui veilleront à l’application de la loi avec la participation de la société civile.
— Les minimum et maximum salariaux feront-ils l’objet d’un décret du Conseil des ministres ou bien d’un projet de loi ?
— Nous avons estimé qu’il conviendrait mieux de promulguer une loi, au lieu d’une décision du Conseil supérieur des salaires afin que ce principe soit respecté par tout le monde. Tous les détails seront annoncés au cours de la semaine prochaine.
— Quel est le nombre des employés dans les secteurs privé et public ?
— Le secteur public compte six millions de fonctionnaires et le secteur privé emploie 18 millions de personnes. Le problème est compliqué pour le secteur public parce que le salaire constitue 20 % seulement du total des revenus. Les 80 % qui restent sont des primes et peuvent varier. Comme je l’ai dit, le dossier est tellement compliqué qu’il fera l’objet d’un dialogue de la part de la société pour aboutir à une loi applicable à tous.
— Comment allez-vous régler le problème du chômage qui est l’une des raisons du déclenchement de la révolution de janvier ?
— Les revendications principales de la révolution étaient une vie décente et une justice sociale. Leur réalisation a besoin des efforts de tous. Mais il est difficile de réaliser ces revendications en l’absence de stabilité, de sécurité et surtout de prestige de l’Etat. Comment peut-on exercer la démocratie dans un pays qui a perdu son prestige et sa sécurité ? Grâce à la sécurité, l’investissement pourra fonctionner et la production s’améliorera. C’est ainsi que nous pourrons lutter contre le chômage.
Nous avons également préparé un plan pour encourager l’investissement et recruter davantage de main-d’oeuvre. Parallèlement, une panoplie de plans consiste à inciter les investissements privés dans certains secteurs, comme la construction, le pétrole, le tourisme et l’industrie, afin de relancer l’activité économique avec des investissements à hauteur de 17 milliards de L.E. dans l’objectif de réaliser un taux de croissance de 3,5 % en 2013-2014.
— Après la destitution de Morsi, des pays du Golfe, comme l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et le Koweït ont octroyé au gouvernement égyptien des crédits et des aides. Pourront-ils contribuer à atténuer efficacement la crise économique ?
— Ces prêts et aides auront une large influence sur les programmes de réformes économiques. En réalité, l’Arabie saoudite, le Koweït et surtout les Emirats arabes unis contribueront au programme de réformes. Actuellement, des rencontres avec la partie émiratie ont lieu pour se mettre d’accord sur les procédures concernant la construction de 50 000 logements dans les différents gouvernorats, destinés aux catégories à revenu limité. Nous travaillons également avec la partie émiratie sur des méga-projets de bonification de terres agricoles afin de lancer des projets d’infrastructures sur 23 000 feddans. Outre d’autres projets dans divers domaines.
— Quelle est aujourd’hui la position de l’Egypte vis-à-vis du prêt du FMI ? Et quelle est la réalité de la situation économique actuelle ?
— La position économique actuelle est rassurante. Plus la conjoncture politique est stable, plus on est en mesure de mieux négocier le prêt et d’appliquer des réformes économiques meilleures susceptibles de réduire le déficit budgétaire. La stabilité des taux de change prouve que la situation économique est rassurante. Des indices prévoient une hausse des réserves monétaires, ce qui peut nous aider lors de la reprise des négociations avec le FMI. L’approbation du FMI n’est pas urgente bien qu’elle représente un certificat de confiance.
— Qu’en est-il du dépôt bancaire du Qatar ? Sommes-nous en mesure de le restituer au cas où il le demanderait ? Et qu’en est-il des autres pays du Golfe ?
— Le Qatar poursuit ses investissements à travers les bons du Trésor. Le dépôt évalué à 2 milliards de dollars sera transformé en investissements. Le gouvernement koweïtien est en contact permanent avec l’Egypte en ce qui concerne les aides économiques depuis le 30 juin dernier. Le Koweït entend transférer deux milliards de dollars. Ces aides ne sont pas uniquement sous forme de donations. Le plus important est d’attirer les investissements pour relancer l’économie. Comme nous l’avons déjà dit, les aides qui nous sont parvenues de nos frères saoudiens, émiratis et koweïtiens nous permettront de passer la période transitoire sans dégâts.
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