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Jihad Al-Harazine : L’occupation est le premier responsable de la violence

Osman Fekri , Mercredi, 15 juin 2022

Jihad Al-Harazine, membre du Comité central du mouvement Fatah, analyse l’escalade dans les territoires palestiniens occupés et les perspectives d’une reprise du processus de paix.

Jihad Al-Harazine

Al-Ahram Hebdo : Les Territoires palestiniens occupés ont été victimes d’une escalade avec les forces israéliennes depuis le mois du Ramadan. Comment évaluez-vous la situation aujourd’hui ?

Jihad Al-Harazine : Les événements successifs observés dans les Territoires palestiniens au cours des deux derniers mois ont été impressionnants, car ils ont enflammé à nouveau le conflit dans la région, surtout avec le ciblage délibéré de tout ce qui est palestinien, ainsi que les incursions répétitives des colons sur les lieux saints islamiques et chrétiens, sans oublier la liquidation des jeunes Palestiniens, les arrestations, la démolition de maisons, la confiscation de maisons et de terres et l’expansion de la colonisation sous les yeux de la communauté internationale qui n’en fait que peu de cas, alors qu’elle a énergiquement réagi au conflit en Ukraine. Je suis convaincu que cela engendrera une réaction violente de la part de la jeunesse palestinienne dans une tentative d’alléger la pression et de répondre aux attaques israéliennes. L’occupation sera le premier responsable de cette violence à cause de la protection qu’elle fournit aux colons et aux extrémistes dans leurs pratiques inhumaines et racistes.

— Pensez-vous que l’armée israélienne soit rendue responsable de l’assassinat de la journaliste Shireen Abu Akleh ?

— L’assassinat de la martyreShireen Abu Akleh a été filmé ainsi que les attaques contre son cercueil sur sa route vers l’église. Les rapports de la médecine légale ont également prouvé que Shireen a reçu une balle d’une distance de 150 mètres, la distance qui la séparait des forces de l’occupation. De plus, seul Israël possède les balles explosives internationalement prohibées qu’il utilise contre les citoyens palestiniens en tout lieu, et avec l’une d’elles, Shireen a été tuée. Il est donc clair que c’est l’occupation qui a assassiné Abu Akleh de sang-froid dans une tentative de faire taire la voix de la vérité qui transmettait au monde entier les pratiques des forces d’occupation.

— Quelles sont les positions du Fatah et de l’Autorité palestinienne vis-à-vis de la situation actuelle en Cisjordanie, à Jérusalem et dans la bande de Gaza ?

— Depuis le début, c’est le Fatah qui mène la confrontation quotidienne avec l’occupation dans tous les Territoires palestiniens, en particulier en Cisjordanie et à Jérusalem où il protège les lieux saints islamiques et chrétiens. Le Fatah est la soupape de sécurité pour le peuple palestinien. Il se dresse contre l’occupation et ses plans et essaye de les contrecarrer. D’autre part, l’Autorité palestinienne joue pleinement son rôle à travers le processus politique et diplomatique dirigé par le président Mahmoud Abbas et les dirigeants palestiniens en menant des consultations et des contacts avec les dirigeants du monde entier et des organisations internationales et régionales pour réaffirmer les droits des Palestiniens, tenter de freiner les attaques israéliennes contre les Territoires palestiniens, appeler la communauté internationale à se tenir aux côtés du peuple palestinien et de ses droits légitimes et faire face aux agressions israéliennes contre le peuple palestinien. Sans oublier que l’Autorité palestinienne s’efforce de fournir des services intégraux au peuple palestinien. Les deux parties se complètent donc.

— Pensez-vous qu’il soit encore possible de mettre fin à la division palestinienne et de parvenir à la solution de deux Etats, sous les auspices des Etats-Unis et de l’Europe ?

— Mettre un terme à la division palestinienne née du coup d’Etat du Hamas en 2007 nécessite en premier lieu une volonté réelle. Les factions palestiniennes ont signé plus d’un accord à cet effet dont le dernier en date est l’accord d’octobre 2017 parrainé par Le Caire. Cet accord apporte des solutions détaillées selon un calendrier déterminé. Mais rien ne fut car le Hamas tient à des engagements extérieurs et se désengage de tout effort pour la réconciliation. Le fait qui a beaucoup nui à la cause palestinienne ainsi qu’aux Palestiniens. Si le Hamas en avait vraiment la volonté, la division aurait été terminée en quelques heures. La meilleure solution pour mettre fin au conflit est la solution de deux Etats qui permet la coexistence et la coopération entre Palestiniens et Israéliens. Mais Israël refuse. Il ne veut ni la solution de deux Etats ni celle d’un seul Etat et cherche à préserver le statu quo avec davantage de colonies, de judaïsation, de confiscations de terres, d’arrestations et d’assassinats. Le président Abbas avait présenté au Conseil de sécurité en février 2018 une initiative de paix qui appelle à la fin de l’occupation et à l’engagement de négociations fondées sur les résolutions internationales sous les auspices du quartet international afin de parvenir à un accord qui mette fin à la dernière occupation qui existe dans le monde, qui donne au peuple palestinien sa liberté et qui rétablisse ses droits légitimes.

— Comment évaluez-vous la position du Hamas et des autres factions palestiniennes dans la bande de Gaza ?

— C’est le statu quo. Chacune tente de préserver ses privilèges et la division palestinienne perdure loin des tentatives sérieuses de réconciliation.

— La politique américaine vis-à-vis des Palestiniens s’est-elle améliorée depuis l’arrivée du président Joe Biden au pouvoir ?

— Avec l’investiture de Biden et tout au long de sa campagne électorale, les promesses ont changé, depuis la reprise de l’aide américaine aux Territoires occupés et à l’Unrwa, la réouverture du consulat américain à Jérusalem, jusqu’à la réouverture du bureau de l’OLP à Washington et l’affirmation de la solution des deux Etats. Les choses ont bien changé par rapport à l’Administration de Donald Trump. Les contacts ont repris avec les responsables américains depuis l’accession de Biden au pouvoir, notamment le secrétaire d’Etat, Anthony Blinken. L’Administration actuelle condamne la colonisation israélienne et a foi en la solution de deux Etats. Donc, les rapports sont beaucoup meilleurs sous l’Administration Biden que sous Trump.

— Quel impact la guerre Russie-Ukraine a-t-elle eu sur la cause palestinienne ?

— Les conséquences de la guerre entre l’Ukraine et la Russie sur la cause palestinienne sont dangereuses. Nous sommes devant un peuple qui souffre depuis plus de 74 ans d’expulsions, d’occupation, d’arrestations, de meurtres et d’embargo. Malgré cela, le monde n’a pas bougé à l’égard de notre cause comme il l’a fait vis-à-vis de celle de l’Ukraine. Le monde a adopté une politique de deux poids deux mesures. Ce qui a nui davantage aux prétendus défenseurs des droits de l’homme, des libertés et de la démocratie qui n’ont pas fait un effort pour tendre la main au peuple palestinien ou bien pour le protéger ou lui procurer la protection internationale. Ils se sont contentés de réitérer les communiqués de dénonciation et de condamnation. D’autre part, la guerre en Ukraine a jeté une ombre sur les conjonctures économiques et sociales des Palestiniens qui souffrent d’embargo et de faillite économique.

— Comment évaluez-vous la position de l’Egypte dans l’accalmie? Comment concevez-vous le rôle de l’Egypte et ses derniers mouvements à différents niveaux pour soutenir la cause palestinienne ?

— La direction égyptienne fait de son mieux pour soutenir le peuple palestinien. Il agit sur plusieurs volets, dont celui mené sur le plan politique par le président Abdel-Fattah Al-Sissi et le ministère des Affaires étrangères, qui mettent la cause palestinienne sur l’agenda international. Le président Sissi a abordé la cause palestinienne dans tous les forums internationaux et régionaux et a incessamment souligné la nécessité de mettre un terme à l’occupation et de restituer ses droits au peuple palestinien. L’Egypte travaille également avec le groupe de Munich réunissant l’Egypte, la Jordanie, la France et l’Allemagne afin de donner une impulsion au processus de paix. L’Egypte, en collaboration avec les Nations-Unies et l’Administration américaine, oeuvre également afin de reconstruire ce que l’occupation a détruit, à travers l’initiative du président Al-Sissi d’un montant de 500 millions de dollars. Il y a également le troisième volet d’aide consistant à des aides alimentaires et médicales. Enfin, le quatrième volet consiste à coordonner directement avec le leadership palestinien, avec une participation jordanienne, afin d’unifier les positions arabes vis-à-vis de la cause palestinienne. Bref, l’Egypte a toujours apporté un soutien inconditionné au peuple palestinien. 

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