Al-Ahram Hebdo : Comment évaluez-vous le dossier de la protection juridique de la femme contre la violence et à quel point reflète-t-il l’attention accordée par l’Etat à l’égard de ce dossier ?
Maya Morsi : Le dossier de la protection juridique de la femme contre la violence occupe une place particulière et vient en top des politiques et stratégies de l’Etat égyptien. Cette attention se traduit dans les articles de la Constitution de 2014, qui garantit la protection des droits de l’homme en général et ceux de la femme en particulier, comprenant 20 articles concernant la femme. Le dossier de la protection législative a connu un progrès remarquable sous une administration politique qui soutient le renforcement du rôle de la femme et en émancipation et qui ne cesse d’exiger des services publics de développer et d’adopter des lois et des procédures exécutives adéquates visant à protéger la femme de toute sorte de violence, comme l’avait annoncé le président de la République lors de nombreux événements nationaux et internationaux.
De plus, les stratégies élaborées récemment sont une feuille de route en ce qui concerne la protection de la femme contre la violence, telle la stratégie nationale du renforcement du rôle de la femme égyptienne 2030, ratifiée par le président comme un document d’action gouvernementale pour les prochaines années. Un outil de protection contre toute forme de violence et de discrimination exercée envers la femme. En plus de la stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard de la femme et qui comprend quatre axes : la prévention, la protection, la poursuite judiciaire et l’intervention. Ce qui sert à mobiliser l’opinion publique vis-à-vis la violence contre la femme et augmenter la conscience par rapport aux lois qui soutiennent la femme ainsi que les procédures visant à sa protection. Et ce, sans compter les stratégies nationales de lutte contre l’excision, le mariage précoce, la traite humaine 2016-2021 et l’immigration illégale 2016-2026.
Les propos du président Abdel-Fattah Al-Sissi lors de la cérémonie de la femme égyptienne en 2019 est une preuve de son soutien à la cause de la protection de la femme : « Je salue les stratégies nationales adoptées par le gouvernement pour lutter contre la violence exercée à l’égard de la femme et je lui demande de promulguer les lois adéquates qui garantissent cette protection de toute sorte de violence morale et physique, tout en tenant compte que le mariage précoce avant l’âge exigé par la loi, ou le fait de priver la femme de son droit à l’éducation ou à obtenir la pension en cas de divorce sont tous des formes multiples de violence contre la femme ». Le président a également abordé le sujet lors de la célébration des Nations-Unies du 25e anniversaire de la déclaration de Pékin sur l’égalité entre les deux sexes et le renforcement de la femme. « La protection des droits humains ne peut être réalisée pleinement sans la protection des droits de la femme et son émancipation », a-t-il dit.
— Quels sont les principales réalisations dans le domaine de la protection juridique de la femme en Egypte ?
— Le dossier de la protection juridique de la femme contre la violence a connu un essor ces dernières années. En 2015, une coopération entre le Conseil national de la femme et l’Agence centrale pour la mobilisation publique et les statistiques (CAPMAS) ainsi que le programme des Nations-Unies pour la population a eu comme fruit un sondage détectant le coût économique de la violence basée sur le genre, le premier dans le monde arabe, et qui a révélé que la facture économique des crimes de violence contre la femme coûte annuellement à l’Etat 2 milliards et 17 millions de L.E. Le bureau de plaintes dépendant du Conseil national de la femme a été créé en l’an 2000 avec des départements dans toutes les villes d’Egypte, la création d’une unité de lutte contre la violence envers la femme au sein du ministère de la Justice, ainsi que l’ouverture de 22 unités pareilles dans les universités en 2020 et des unités d’égalité de chances dans les ministères et qui visent à recenser toute sorte de discrimination contre la femme dans le secteur du travail. En mai 2019, le comité national de l’élimination de l’excision a été créé sous la présidence commune du Conseil national de la femme et celui de l’enfance et la maternité regroupant des représentants des différents ministères concernés, des instances juridiques, d’Al-Azhar, des trois Eglises et des représentants de la société civile et des partenaires de développement. La création du comité national de coordination et de lutte contre la traite humaine et l’immigration illégale. Le ministère de la Solidarité sociale assume la responsabilité de développer des centres d’accueil dans huit gouvernorats, en coordination avec les ONG et les institutions publiques.
L’Etat a lancé le projet du logement digne pour la construction de 250 000 logements destinés aux habitants des bidonvilles et zones défavorisées. Le Conseil national de la femme a pour sa part élaboré un plan de développement des caractéristiques démographiques de ces nouveaux quartiers. Le projet « villes dignes » lancé en 2011 dans trois zones parmi les plus démunies au Caire et à Guiza s’est étendu pour couvrir la ville d’Alexandrie et de Damiette pour appliquer des initiatives locales d’élimination de la violence contre la femme et les filles et soutenir leur participation politique et économique. Un ensemble de services de base a été lancé destiné aux femmes et filles victimes de violence comprenant un protocole médical, le trajet d’assistance que doivent suivre les cas, un guide d’assistance juridique, un guide de procédures et de réponse policière efficace, un guide pour le bureau des plaintes de la femme, un guide pour la création d’unités de lutte contre la violence dans les universités, un guide pour le personnel médical, aux assistants sociaux, les mesures de prévention dans les centres d’accueil, et ce, en coopération entre le Conseil national de la femme et les ministères de Justice, le Parquet, le ministère de l’Intérieur, de la Santé, de la Solidarité sociale, des ONG et des associations de l’Onu. De nombreuses initiatives et campagnes médiatiques ont été lancées pour la sensibilisation de l’importance de lutte contre la violence envers la femme, telles que « le e au féminin est ta force », « Ne laisse aucune station t’arrêter » et la campagne « des trains sûrs » en coopération avec le ministère du Transport. D’autres campagnes ont déjà été lancées par le Conseil de la femme sur les réseaux sociaux pour lutter contre la cyberviolence et les crimes électroniques contre les femmes en collaboration avec des partenaires locaux et internationaux afin de promouvoir l’usage des systèmes de protection de la vie privée. En plus de la campagne annuelle des 16 jours d’activisme pour lutter contre la violence exercée à l’égard de la femme à partir du 25 novembre dernier et jusqu’au 10 décembre. D’autres programmes ont été lancés visant à améliorer les compétences en coopération avec les institutions de l’application de la loi, tels le Parquet et le ministère de la Justice.
Trois unités d’assistance médicale ont été inaugurées dans les facultés de médecine du Caire, de Aïn-Chams et à Mansoura pour offrir des soins médicaux et l’assistance psychologique nécessaire aux femmes en toute discrétion.
— Comment l’Etat a-t-il géré le dossier de la protection de la femme contre la violence apeurant la pandémie de coronavirus ?
— Le gouvernement égyptien a été le premier au monde à publier une feuille de politiques et programmes répondant aux besoins de la femme égyptienne sous la pandémie. L’Egypte a occupé la première place au Moyen-Orient et en Asie de l’ouest au niveau des mesures prises pour soutenir les femmes lors de la crise sanitaire avec 21 mesures appliquées par l’Egypte. Le Conseil national de la femme a effectué un sondage mesurant l’opinion des Egyptiennes autour du coronavirus, en collaboration avec le centre de sondage Bassira et ONUfemmes. Le sondage a révélé que la pandémie avait opéré un changement dans le style de vie comparé à la période qui l’avait précédée. Il a abordé des sujets, tel l’impact de la pandémie sur la violence conjugale (7 % des femmes interviewées ont subi la violence de la part de leurs partenaires). Le sondage a également révélé une hausse de 33 % dans les problèmes conjugaux. L’Assemblée nationale de l’Onu a adopté à l’unanimité un projet égyptien sans précédent sur la protection des droits des femmes et filles des répercussions du coronavirus, et ce, durant les activités du troisième comité de l’Assemblée générale de l’Onu concernée par les droits de l’homme, des questions sociales, humaines et culturelles. Le projet égyptien met l’accent sur les besoins des femmes et filles durant la pandémie et aborde les répercussions économiques et sociales sur leurs droits. Il propose une vision pratique pour consolider l’action nationale et internationale sous la crise. Il vise aussi à alléger le poids des conséquences de la pandémie sur les femmes, de lutter contre toute violence à leur égard, de leur fournir tous les services médicaux et sociaux nécessaires et de garantir leur accès aux plans nationaux et internationaux de lutte contre la pandémie. Ainsi, le bureau des plaintes de la femme au Conseil national a été muni d’outils et d’équipements, une formation a été fournie à son personnel pour recevoir les plaintes à travers la ligne 15115 qui oeuvre 24h/7. Le bureau a également commencé en 2020 à recevoir les plaintes liées à la traite humaine. La ligne d’urgence du Conseil national de l’enfance et la maternité 16000, la ligne d’assistance psychologique aux personnes confinées chez elles 0800880700 et le 0220816831. Le service de communication avec le bureau du procureur général pour dénoncer des cas de violence sur WhatsApp 0111755959, le numéro de relations publiques du ministère du Transport 15047 pour recevoir des plaintes de harcèlement dans les moyens de transport public et les trains, le numéro de plaintes du Conseil des ministres 16528, le numéro du ministère de la Solidarité sociale 16528, et celui de l’assistance psychologique 08008880700.
— Quels sont, selon vous, les secteurs qui nécessitent plus d’efforts dans le domaine de la lutte contre la violence faite aux femmes ?
— Un travail assidu est en cours pour la promulgation d’une loi compréhensive de protection de la femme contre toute sorte de violence. Il est digne de signaler que l’Egypte a ratifié la déclaration universelle des droits de l’homme, le pacte international des droits civils et politiques, le pacte international des droits économiques, sociaux et culturels, en plus de la convention de l’élimination de toute sorte de discrimination contre la femme en 1981. L’Egypte tient à respecter ses engagements désignés par ces conventions internationales qu’elle a ratifiées. Elle tient aussi à présenter des rapports internationaux expliquant les efforts déployés dans le domaine de l’émancipation de la femme. Ces conventions ont été inclues dans les lois égyptiennes comme le stipulent les articles 93 et 151 de la Constitution.
Quant aux lois nationales, la loi pénale incrimine toute sorte de violence contre la femme, y compris la violence physique ou psychologique (insulte, humiliation, …).
La sanction liée au harcèlement a été endurcie et sa définition précisée selon la loi. La loi 78 de 2016 a accentué la peine imposée à celui qui pratique l’excision et celui qui le lui demande. En ce qui concerne le viol, la peine varie entre l’exécution et 25 ans de prison. Ainsi qu’une peine de prison renforcée à celui qui pratique l’avortement. Les sanctions imposées aux maris refusant de payer la pension après le divorce ont été endurcies. D’autres lois ont été promulguées, telle la loi 175 de l’an 2018 qui aborde la violence exercée contre la femme dans les réseaux sociaux. Quant au mariage précoce, l’article 80 de la Constitution offre une protection à celles qui ont moins de 18 ans de toute sorte de violence ou abus. Des sanctions ont été ajoutées à la loi pénale pour punir ceux qui privent la femme de son droit à l’héritage. Des lois incriminent la traite humaine, d’autres offrent des services médicaux aux femmes prisonnières. En 2020, une loi garantissant la protection des témoins et victimes de la violence a été promulguée.
— Quel est le rôle du Conseil national de la femme dans ce domaine ?
— Le Conseil national de la femme représente le mécanisme national concerné de l’émancipation de la femme, comme l’indique la Constitution et la loi 30 de l’an 2018. Il oeuvre pour la protection, la consolidation des droits et libertés de la femme, le renforcement de son rôle, l’instauration des principes et valeurs de l’égalité des chances et la lutte contre la discrimination. Le Conseil donne son avis à l’égard des projets de lois, de statuts, de l’inclusion des conventions et accords internationaux et régionaux liés aux femmes. Il reçoit et examine les plaintes concernant la violation des droits et libertés de la femme, en la transférant aux institutions concernées, offre l’assistance juridique nécessaire et dénonce toute sorte de violation. Le bureau de plaintes dépendant du Conseil joue un rôle important, ainsi que ses branches dans les différentes villes, en étant la chaîne officielle permettant à toute femme égyptienne de dénoncer toute sorte de pratique discriminatoire dont elle a été victime, il présente également des consultations juridiques gratuites aux femmes, en la représentant devant les tribunaux, l’aidant à exécuter les jugements. Il coopère avec de nombreux partenaires nationaux pour apporter de l’aide aux femmes. Le Conseil a créé une unité spécialisée dans la lutte contre la violence. Elle s’occupe du suivi de l’application de la stratégie nationale 2020-2050 et d’inclure tous les plans proposés comme étant une partie de la stratégie nationale du renforcement du rôle de la femme 2030 en plus des autres cadres institutionnels fournis par l’Etat pour offrir la protection nécessaire à la femme contre la violence.
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