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Amr Nassar : Je suis confiant dans le fait que les produits égyptiens perceront sur le marché chinois

Névine Kamel, Mardi, 13 novembre 2018

L’Egypte a participé à la Foire internationale des importations de Chine du 5 au 10 novembre, à Shanghai. Dans un entretien accordé à Al-Ahram Hebdo, Amr Nassar, ministre du Commerce et de l’Industrie et membre de la délégation égyptienne, revient sur l’importance du marché chinois pour l’Egypte et les défis que doivent relever les exportations égyptiennes.

Amr Nassar

Shanghai,

De notre envoyée spéciale —

Al-Ahram Hebdo : Quelle est l’importance du choix de l’Egypte en tant qu’invitée d’honneur parmi près de 150 pays partici­pant à la première Foire des importations de Chine ?

Amr Nassar : Le choix de l’Egypte en tant qu’invitée d’honneur reflète sa valeur politique et économique sur le terrain et les bonnes relations entre les deux pays. Pour la première fois, il y a une exposition concernant les importations vers la Chine, alors que nous avons toujours parlé d’im­portations en provenance de Chine. L’exposition traduit plusieurs aspects, dont le plus important est le début de l’ouverture de la Chine au monde en raison de l’amélioration de son économie et du niveau élevé de ses revenus. Le marché chinois est immense et représente une énorme opportunité pour tous les pays. La part de l’Egypte sur ce mar­ché dépendra de la capacité des pro­ducteurs locaux et je suis confiant dans le fait que les produits égyp­tiens perceront sur le marché chinois, en raison de leur qualité et de leur compétitivité.

— Quelle est l’importance du marché chinois pour l’Egypte ?

— Le ministère attache une grande importance aux relations entre l’Egypte et la Chine, et ce, aux niveaux commercial, industriel et des investissements. Par conséquent, le ministère collabore avec le minis­tère de l’Investissement et de la Coopération internationale ainsi qu’avec tous les ministères concer­nés, afin de renforcer la coopération avec la Chine, notamment en ce qui concerne les projets prioritaires convenus par les deux pays dans le cadre du comité technique visant à accroître les capacités de production.

Les visites présidentielles réci­proques entre l’Egypte et la Chine témoignent de la force de ces rela­tions bilatérales et de la volonté de les développer, ce qui s’est traduit par le développement de relations communes dans divers domaines, notamment celui des échanges com­merciaux. L’Egypte a commencé à augmenter ses exportations vers le marché chinois, notamment pour ce qui est des cultures agricoles. Concernant ces dernières, nous avons conclu un protocole permet­tant l’exportation du raisin vers la Chine en novembre 2017. Le raisin est ainsi devenu le deuxième produit agricole égyptien le plus exporté en Chine après les agrumes. Les expor­tations d’agrumes vers la Chine ont, elles, augmenté de 240 %, passant de 23 millions de dollars en 2016 à 78,3 millions en 2017. D’autres produits agricoles égyptiens devraient entrer sur le marché chinois à l’avenir, en particulier les dattes, pour lesquelles nous terminons actuellement les pro­cédures techniques nécessaires à l’exportation.

— Vous accordez un intérêt par­ticulier au continent africain. Quelle est l’importance de ce mar­ché longtemps négligé par l’Egypte ?

— Nous regardons l’Afrique avec une perception différente. Ce n’est pas simplement un marché vers lequel nous voulons exporter des matières premières, mais aussi un partenaire avec lequel nous pouvons partager nos expériences, et nous souhaitons coopérer avec les pays africains de manière à ce que les deux côtés en bénéficient. Pourquoi ne pas se servir de leurs matières premières et les transformer dans des usines égyptiennes sur place ? Nous voulons faire comprendre au monde que les investissements en Afrique ne se feront que par nous et que l’Egypte sera la porte d’entrée de l’Afrique pour la période à venir.

Les secteurs privés égyptien et africain jouent un rôle important dans le développement du commerce extérieur, pour attirer davantage d’investissements en Egypte et dans les pays africains. Une action conti­nentale commune est donc néces­saire, plutôt que des transactions bilatérales.

La zone de libre-échange conti­nentale des trois grands blocs afri­cains, avec un pouvoir d’achat de plus de 1 300 milliards de dollars, devrait promouvoir la coopération économique entre un grand nombre de pays africains en tant que pre­mière phase de la zone de libre-échange africaine. Il est également possible de mettre en oeuvre des pro­jets industriels conjoints dans les domaines du transport et de la logis­tique, des infrastructures, de l’élec­tricité, de l’alimentation, de l’ingé­nierie et du cuir.

L’Egypte reconnaît l’importance de l’Afrique ; elle accueillera d’ailleurs trois événements africains en décembre : la Conférence afri­caine de l’investissement les 8 et 9, la réunion des ministres africains du Commerce les 12 et 13 et la Foire commerciale interafricaine du 11 au 17 décembre.

— Le ministère a adopté une nouvelle stratégie industrielle depuis votre nomination. Quelle est son approche et quels sont les résultats obtenus ?

— Le plan du ministère s’articule autour de plusieurs axes, dont le plus important est l’exploitation des capacités actuelles dans les usines existantes, avant l’expansion de nou­velles usines. Pour réaliser une crois­sance industrielle rapide, il faut d’abord exploiter pleinement toutes les ressources que je possède. Les usines en Chine travaillent avec trois permanences par jour. Nous essayons de nous renseigner pour exploiter nos ressources d’une telle manière. Nous travaillons également à identi­fier les industries dans lesquelles nous avons des avantages compéti­tifs pour nous développer.

— Quels sont les défis les plus importants auxquels sont confron­tées les exportations égyptiennes et comment le ministère s’efforce-t-il d’y faire face ?

— Nous nous concentrons actuel­lement sur la fabrication de produits égyptiens dotés d’avantages concur­rentiels et sur les marchés les plus attractifs pour nos produits, raison pour laquelle le ministère a identifié les secteurs d’exportation dans les­quels nous possédons une expertise et les marchés sur lesquels nous pourrons nous lancer à l’avenir. Notre objectif est de nous concen­trer sur trois régions d’exportation, à savoir l’Afrique, l’Asie centrale et l’Europe de l’Est. Parlant des défis, il s’agit en fait de la concurrence féroce avec les pays qui sont au même niveau économique que nous et qui reçoivent un soutien impor­tant pour les exportations, tels que la Chine, l’Inde, la Turquie.

— Quelle est la situation en matière de paiement des arriérés de soutien à l’exportation ?

— Après la libéralisation du taux de change en 2016, la valeur des subventions allouées à l’exportation a doublé et la dévaluation de la livre par rapport au dollar a entraîné une diminution d’environ 50% de la valeur de la subvention effective, à un moment où les subventions n’ont pas augmenté. Nous essayons, avec l’Etat, de payer ces arriérés pour encourager les exportateurs et pour soutenir leur compétitivité et leurs investissements. C’est une de mes tâches principales et les arriérés devront être remboursés prochainement.

— Et que dire du dossier des usines en difficulté? Ne devrait-on pas le résoudre pour rassurer l’investisseur ?

— Il s’agit d’un dossier complexe et les données de ces usines ont révélé que les principales causes de l’échec de la plupart d’entre elles sont des problèmes de financement ou une étude de faisabilité erronée, problème qui risque de se reproduire si elles sont refinancées, ainsi que des cas de défaillance dus à une mauvaise gestion. Lorsque toutes ces usines seront exclues, il en restera très peu et le ministère s’emploiera à former une équipe de modernisation de l’industrie pour résoudre leurs problèmes.

— Quel est le plan du ministère pour stimuler la croissance industrielle ?

— Nous essayons actuellement de nous concentrer sur les industries qui nous apportent une forte valeur ajoutée, et non sur des produits dont les composantes sont importées, principalement dans le cadre du programme d’approfondissement industriel. Nous déployons tous nos efforts pour réduire la facture de l’importation, ce qui aura un impact positif sur le déficit de la balance commerciale, surtout que nous importons 40% des composantes des produits transformés.

— Le ministère participe-t-il à des expositions internationales pour stimuler les exportations ?

— Nous participons à des expositions là où se trouvent nos clients. Toutes les expositions internationales ne sont donc pas importantes pour nous. Elles ne sont plus le seul moyen d’accroître les exportations en présence du commerce électronique, mais nous souhaitons attirer des expositions internationales en Egypte, afin d’aider les producteurs locaux qui n’ont pas la capacité de participer à des expositions à l’étranger.

Des négociations sont en cours avec certains pays ainsi que des expositions internationales telles que Big Five, Interbac en Allemagne et Premier Vision pour l’hébergement en Egypte.

— Quelle est la position du ministère concernant l’accord de libre-échange avec la Turquie ?

— Cet accord ne jouit pas d’une situation exceptionnelle. Comme tous les autres accords bilatéraux, l’accord de libre-échange avec la Turquie est réexaminé périodiquement. S’il s’avère être dans l’intérêt de l’Egypte, il ne sera pas touché. Le commerce n’a aucun lien direct avec la politique.

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