Un jeune homme de 25 ans, le visage empreint de tristesse et les larmes aux yeux, se tient auprès du lit sur lequel est allongé son neveu qui a un an et demi et dont le corps est sans vie. Blessé dans une attaque aérienne, lui et ses parents ont survécu. Mais 17 membres de sa famille ont été tués, dont sa soeur de 4 ans et son neveu. L’enfant a été opéré, mais, selon Abdul Rahman Koraim, médecin à l’hôpital Al-Chifa de Gaza, il est mort parce qu’il n’a pas été secouru rapidement en raison de l’effondrement du fonctionnement de l’hôpital. « Les blessés ne cessent d’affluer. L’hôpital est plein à craquer et nous ne pouvons pas sauver tout le monde car nous travaillons dans des conditions très difficiles, ce qui rend la situation plus catastrophique », a déclaré le médecin, joint par téléphone. Mais l’appel téléphonique a été coupé à plusieurs reprises à cause de la mauvaise qualité des lignes et la situation dramatique qui sévit à Gaza.
Depuis plus de trois semaines et en raison de l’agression continue d’Israël et des bombardements violents, la bande de Gaza risque l’effondrement total et à tous les niveaux, dont le plus important est le secteur de la santé et des hôpitaux. Alors que les établissements hospitaliers étaient déjà en mauvais état, aujourd’hui, la situation est dramatique. L’afflux massif des blessés dépasse la capacité de prise en charge des structures médicales et chirurgicales, sans compter la pénurie de médicaments et de fournitures médicales. Les coupures d’électricité et d’eau par Israël mettent à dure épreuve la capacité des hôpitaux se trouvant dans la bande de Gaza car ils ne sont plus en mesure d’accueillir un grand nombre de malades et de blessés.
Alors que les premiers camions d’aide humanitaire sont arrivés à Gaza, tous chargés de nourriture et de fournitures médicales, ils ne sont pas suffisants pour répondre aux besoins importants des civils et des hôpitaux. Aucun approvisionnement en carburant n’a été effectué car Israël a refusé de l’inclure. Alors que les hôpitaux dépendent désormais de générateurs qui ont besoin de carburant pour fonctionner et qui peuvent s’arrêter à tout moment en cas de pénurie.
Conditions extrêmes
Un état de panique constant aux alentours : on crie, on pleure, on court pour secourir les blessés qui sont transportés par des proches ou dans des ambulances dont les sirènes ne cessent de retentir. A l’intérieur, tout le monde court dans toutes les directions, essayant d’aider de n’importe quelle façon pour sauver une vie humaine. Quelques moments d’accalmie, lorsque les martyrs sont enveloppés dans des linceuls, se recueillir, pleurer et prier devant les dépouilles avant d’aller les enterrer. Puis, une autre attaque aérienne tue et blesse d’autres victimes, alors tout le monde court à nouveau vers les hôpitaux. Et c’est la même situation qui se répète devant les 8 principaux hôpitaux qui fonctionnent actuellement à Gaza, et au fur et à mesure que les jours passent, après qu’un certain nombre d’autres d’hôpitaux ont été mis hors service en raison d’un manque de leur capacité à prendre en charge les blessés.
Faute d’anesthésie, certains blessés subissent une douleur intolérable.
Les hôpitaux débordent et les lits ne peuvent plus accueillir ce grand nombre de blessés, obligeant certains à se coucher au sol, dans les couloirs et les salles d’attente. Certains blessés reçoivent des soins médicaux puis repartent, d’autres subissent des interventions chirurgicales, mais sans avoir de lits pour passer la nuit et rester sous observation médicale. D’autres meurent avant qu’un médecin ne puisse les examiner. C’est ce que raconte Bashar Murad, directeur exécutif du Croissant-Rouge palestinien. Il continue à décrire une scène dont il est le témoin en disant que l’endroit est tellement encombré que certaines opérations chirurgicales mineures ou des transfusions de sang aux blesses graves ont lieu à même le sol, dans les couloirs.
Nédal Islam, médecin, poursuit en disant que de nombreuses opérations sont actuellement menées sans anesthésie en raison du manque de produits pour anesthésie générale ou même locale. Parfois, les membres de certains blessés sont amputés parce qu’il n’y a ni de place, ni de matériel, ni de temps pour les soigner. « Les stocks de carburant commencent à s’épuiser dans les hôpitaux qui risquent d’être privés d’électricité, ce qui entraînera davantage de victimes. Par exemple, les pouponnières et les services de soins intensifs pédiatriques vont s’arrêter. En plus, il ne sera plus possible d’effectuer des opérations sans machine à oxygène, et les malades pourront mourir suite à l’arrêt d’équipements de maintien de la vie », dit Islam qui a dû mettre fin à l’entretien téléphonique car on est venu lui dire que sa maison avait été bombardée.
Seuls 8 sur les 29 hôpitaux de Gaza sont toujours opérationnels.
Délibérément pris pour cible
A l’extérieur des hôpitaux, des tentes sont occupées par des blessés qui attendent leur tour pour être soignés, mais aussi des cadavres qui ne trouvent pas de place dans les morgues et qui attendent d’être enterrés. Il y a également des familles qui ont fui leurs maisons et sont venues ici, croyant que les hôpitaux sont, comme les écoles, des endroits sécurisés. Mais Israël leur a prouvé qu’il n’y avait pas d’endroit sécurisé à Gaza après que l’armée de l’occupation a bombardé la cour de l’hôpital Al-Ahli, causant des centaines de morts et de blessés.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), seuls 8 sur les 29 hôpitaux existant à Gaza fonctionnent actuellement. Certains ont été bombardés et d’autres sont hors service. Le ministère palestinien de la Santé a demandé à tous ceux qui exercent une profession dans diverses spécialités de la santé, en plus des ambulanciers, de se porter volontaires pour aider le personnel médical des hôpitaux. Il a également révélé aux médias qu’il avait observé plus de 250 cas d’attaques contre le personnel médical et 69 attaques aériennes contre des établissements de santé. Il a annoncé que 73 membres du personnel médical avaient été tués et plus de 100 blessés, en plus des 50 ambulances qui ont été ciblées avec leurs équipages. « Nous savons tous que le droit international humanitaire protège les hôpitaux, les écoles, les civils et les travailleurs humanitaires, mais Israël ne reconnaît ni ces lois ni aucune autre », a déclaré Islam, médecin de 32 ans.
Catastrophe sanitaire
La situation ne fait que s’aggraver. L’OMS et la Croix-Rouge mettent en garde contre les épidémies en raison du manque d’hygiène et des produits sanitaires et désinfectants. Elles craignent également ne pas être en mesure de communiquer régulièrement avec leurs employés en raison des coupures récurrentes du réseau téléphonique et d’Internet dans la bande de Gaza.
Islam confirme que lui et ses collègues vivent et travaillent dans des conditions très difficiles. Ils soignent des blessures très graves et se sentent impuissants car ils manquent de moyens. « En plus de notre travail, nous sommes obligés de parler avec les familles, les consoler et les rassurer. Nous-mêmes, nous avons besoin d’être soutenus, car nous vivons loin de nos maisons et de nos familles. Nous ne les voyons pas durant des jours et nous pouvons même être surpris à l’hôpital en voyant un des membres de nos familles compter parmi les morts ou les blessés », confie-t-il. Comme tous les Gazaouis, Islam dit avoir grandi avec le bruit des bombardements et la peur des guerres qui se répètent, mais ce qui se passe cette fois-ci, il ne peut pas le décrire avec des mots tellement c’est atroce.
Et dans les hôpitaux de Gaza, les professionnels du monde hospitalier sont hantés par une autre crainte, celle de découvrir des proches parmi les victimes… .
L’afflux massif des blessés dépasse les capacités hospitalières.
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