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Matériel informatique : La ruée vers les articles de seconde main

Manar Attiya, Dimanche, 25 octobre 2020

Système d’enseignement hybride, cours à distance et sur Zoom … Imposées par le Covid-19, les nouveautés de cette année scolaire ont poussé de nombreux ménages à se précipiter vers les marchés d’occasion des articles informatiques devenus nécessaires pour quasiment l’ensemble des 23 millions d’élèves et des 3 millions d’étudiants. Reportage.

Matériel informatique  : La ruée vers les articles de seconde main

Matériels informatiques d’occasion, ordinateurs désuets, laptops utilisés, imprimantes en fin de vie, PC avec et sans écran, disques durs, processeurs, cartes mères, souris, claviers, clés USB, scanners, casques, photocopieuses, serveurs, unités centrales, écrans plats ou tablettes… La liste est longue. Toutes sortes d’équipements informatiques en état de marche sont revendues sur le marché de seconde main, ce qui fait des heureux parmi les moins favorisés. Dans ce marché, il y a l’embarras du choix à petit prix et des ordinateurs de tous calibres. Nous sommes au sein d’un centre commercial entièrement consacré aux articles informatiques de seconde main. Une centaine de mains s’affairent à trier écrans, disques durs, serveurs, photocopieuses, etc. Encore loin des mastodontes de la grande consommation classique, ce centre attire tout de même environ 10000 visiteurs par jour. Désigné comme le premier et le plus ancien centre commercial en Egypte, mall Al-Bostane a été inauguré au début des années 2000. Constitué de quatre étages, il est situé dans le quartier de Bab Al-Louq, au centre-ville. Ce centre commercial est ouvert 24h sur 24, 7 jours sur 7. Destiné aux articles réparés, recyclés et restaurés, ce centre offre ses services à tout individu désirant revendre un matériel informatique devenu obsolète ou acheter du matériel électronique d’occasion.

Une aubaine pour tous ceux qui ne peuvent pas se permettre ce genre de produits neufs, devenus une nécessité absolue, alors que les prix galopants ont poussé de nombreux Egyptiens à faire leurs achats dans des marchés informatiques de seconde main. L’affluence est encore plus grande cette année, au début de l’année scolaire, à cause du système hybride appliqué aux écoles et aux universités, Covid-19 oblige. Accompagnée de son fils Oussama, 14 ans, Hadir achète un ordinateur portable d’occasion pour l’aider à faire son travail ou suivre ses cours de la maison. Au lieu d’acheter un portable tout neuf à 25000 L.E., Hadir préfère lui acheter un d’occasion à 4000 L.E. « Avant, j’achetais les articles informatiques nécessaires neufs à mon fils aîné dans les magasins connus », confie Hadir qui ne se sent pas très à l’aise dans ce marché des articles d’occasion au point d’essayer de se cacher derrière d’énormes lunettes de soleil. Tout en essayant de dénicher un micro casque PC, Hadir explique comment les choses ont changé depuis la flambée des prix. « Actuellement, je ne peux plus me permettre d’acheter des articles flambant neufs. Pour moi, bien manger est essentiel pour rester en bonne santé. Et vu la cherté des prix, il n’est plus possible de s’offrir des équipements informatiques neufs. Donc, je suis obligée d’avoir du matériel informatique bon marché et qui convient à mes revenus », dit Hadir qui préfère ne révéler que son prénom. Elle estime appartenir à la « classe moyenne supérieure ». D’après elle, si une de ses connaissances la voyait faire ses achats dans des marchés destinés aux « pauvres », elle risquerait de mettre à mal sa réputation. « Je fais tout mon possible pour ne pas être reconnue. J’y vais, soit très tôt le matin, ou tard le soir, et toujours en portant mes lunettes de soleil », confie cette femme divorcée, tout en se retournant anxieusement pour s’assurer qu’aucun visage familier n’est présent dans ce marché.

Cela fait un an que cette comptable dans le secteur privé, mère de deux enfants, a décidé de franchir le pas et d’abandonner les luxueux centres commerciaux pour aller acheter ses articles dans les marchés d’occasion. Comme elle, des Egyptiens de la classe moyenne, ouvrière et à faibles revenus, comptent exclusivement sur ces marchés pour acheter tout ce dont ils ont besoin. Pas loin, Souad, une infirmière de 40 ans, essaie de marchander avec un des commerçants le prix d’une photocopieuse. En déployant des trésors de persuasion, elle réussit à le persuader en l’obtenant à moitié prix. Mohamad Abassiry, marchand de 55 ans, accepte à contrecoeur. Il aurait préféré gagner davantage d’argent, mais il sait que sa cliente ne peut pas payer plus, surtout qu’elle a quatre enfants à charge.

Un boom ces dernières années

En fait, le mall Al-Bostane n’est pas l’unique endroit où l'on achète du matériel informatique de seconde main. Il existe aussi d’autres endroits comme le centre Al-Sakhawy, situé sur la rue Al-Khalifa Al-Maämoune à Héliopolis et le centre Al-Arich qui se trouve au fond de la rue Haram. Ce genre de centres de vente d’équipements informatiques d’occasion a vu le jour au début des années 2000 et s’est nettement répandu depuis. Mais c’est au cours des cinq dernières années que ces centres sont devenus en vogue à cause de la hausse générale des prix. Et cette année, la pandémie de Covid-19 a pesé sur les budgets, mais a aussi provoqué un recours beaucoup plus large à l’enseignement en ligne, ce qui requiert un matériel informatique à la portée de tous.

Mais d’où vient ce matériel informatique de seconde main? Il y a ceux qui sont importés et ceux revendus par certaines grandes entreprises ou certains particuliers. « J’importe les ordinateurs d’occasion arrivés des grandes entreprises étrangères à 200 ou 300 L.E. l’unité. Dans les entreprises, les vieux ordinateurs sont mis au rebut tous les deux ans, ils sont remplacés par des équipements neufs et plus performants. Mais ils restent en très bon état. Une fois remis à neuf, les ordinateurs d’occasion peuvent fonctionner encore 10 ans », explique Achraf Ibrahim, un commerçant de 50 ans, qui a de l’expérience en matière de matériel informatique. Il ajoute: « J’importe un conteneur chargé de 1000 ordinateurs, et je les revends aux alentours de 1000 L.E. l’unité, selon le modèle, la marque et l’évaluation de la performance ». Un commerce juteux donc, bien qu’il subisse lui aussi la hausse des prix. « Il y a quelques années, on gagnait beaucoup d’argent. Le taux de vente d’ordinateurs d’occasion était estimé à 30%, avec un délai de garantie de 6 mois », confie-t-il. Mais, les temps ont changé. Le prix du matériel informatique d’occasion a augmenté et le budget des clients est maigre. « Nous ne pouvons pas nous permettre d’augmenter nos prix car nos clients disposent d’un budget limité », dit-il.

L’embarras du choix

Le marché de seconde main en matière d’appareils technologiques est particulièrement florissant, pas seulement parce que la demande est forte, mais aussi parce que l’offre l’est aussi. En effet, les nouveautés arrivent très vite, le dernier cri d’hier devient vite désuet, même s’il reste toujours très performant, certains changent leurs ordinateurs tous les ans ou tous les deux ans. Cela donne lieu à une offre importante, et souvent, de qualité. Pour répondre aux besoins en termes d’évaluation des performances d’efficacité et de fiabilité, les entrepôts situés à Mansouriya, Obour et à Abou-Rawach proposent des ordinateurs de table ou portables remis à neuf et aux capacités vérifiées. Donc, pour acheter des appareils informatiques d’occasion, un particulier, comme l’ingénieur Gasser Hanafy, s’adresse à ces entrepôts et informe les commerçants au sujet des prix, puis fait la comparaison entre le prix du vieux et du neuf: « Un ordinateur d’occasion en parfait état de marche, modèle 17 Ram 8 Hard 500, est vendu à 2000 L.E. alors que le prix d’un tout neuf coûte 4200 L.E. Un autre de seconde main, haute performance, modèle 13 Ram 4 Hard 500, est vendu à 2200 L.E. alors que le prix d’un neuf atteint les 3000 L.E. Celui d’un ordinateur d’occasion, modèle 17 Ram 16 Hard 1 Tira, s’élève à 4 500 L.E. alors qu’un nouveau de même performance est vendu à 8 000 L.E. ».

L’affluence est encore plus grande en ces premières semaines de la rentrée scolaire. Certains élèves et étudiants ne se rendent à leurs établissements que deux ou trois fois par semaine, le reste se fait à distance. L’ordinateur n’est plus un luxe, et les familles font tout leur possible pour acheter les équipements nécessaires à leurs enfants et à des prix abordables.

Le choix se fait donc en fonction des besoins de chacun. Un simple usager n’a pas besoin des modèles dernier cri super-performants. Chacun choisit selon les critères qui lui sont nécessaires (meilleur modèle de processeur, fréquence et rapidité d’exécution d’une tâche, mémoire vive de l’ordinateur, capacité et type de Ram, taille et définition d’écran, type de processeur carte graphique, etc.). « Au lieu d’acheter un ordinateur portable neuf, j’en achète deux d’occasion pour mes deux enfants, ils sont encore jeunes et n’ont pas besoin d’appareils ultra-sophistiqués, et comme ça, chacun a son propre ordinateur, c’est bien plus simple surtout s’ils doivent suivre des cours sur Zoom », affirme Mohamad, un client. En effet, « un élève ou un étudiant peut avoir besoin d’un ordinateur de performance simple : 15 Ram Giga 8 Hard 500 ou bien 17 Ram 16 Hard 1 Téra, et ce, pour travailler sur Word ou Excel, alors que les étudiants en architecture, design et de publicité ou ayant recours à la fabrication de l’image de synthèse 3D, industries graphiques de la vidéo et du multimédia, ont besoin d’un appareil d’occasion 17 3D Max », précise Gasser Hanafy, expert en informatique.

Nouvelle réalité

Les professeurs eux aussi s’adaptent. « Il existe de nombreuses plateformes en ligne qui permettent de télécharger les ressources du travail en classe, ainsi que des plateformes de visioconférence que l’on peut utiliser pour organiser des cours en direct avec les élèves. Grâce à la technologie, nous pouvons faire en sorte que l’apprentissage à distance se rapproche autant que possible d’un cours en présentiel », explique Hany Nabih, professeur de maths. Et d’ajouter: « Je poste des liens vidéo pour que les élèves puissent les visionner avant ou après un cours en ligne ». Ainsi, le Covid-19 a imposé une nouvelle réalité qui a changé la vie des élèves, des professeurs et des familles. L’informatique puis Internet ont révolutionné le monde il y a quelques décennies, leur usage dans l’enseignement à distance à cause du coronavirus a bouleversé les ménages .

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