Vendredi, 08 décembre 2023
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Ont-elles vraiment le choix ?

Abir Taleb, Mardi, 17 mars 2020

L’instinct maternel, les Egyptiennes y croient dur comme fer. Pourtant, il est aussi alimenté par les stéréotypes sociaux. Au point que la maternité est souvent loin d’être une décision personnelle.

Dans les rayons des magasins de jouets, les articles sont bien séparés : rayons pour garçons aux couleurs vives et énergétiques, bleu, vert et rouge en général, avec leur lot de jeux guerriers, de voitures, de vaisseaux spatiaux, de pistolets, etc. ; et rayons pour filles, avec une domination du rose et du violet, de poupées, de princesses aux robes féeriques, de dînettes, d’ustensiles de cuisine, mais aussi du fameux « baby born », une poupée bébé plus vraie que nature, qui fait pipi, met des couches, prend le biberon, pleure ou gémit. Dès la petite enfance, les rôles sont clairement séparés. Une ségrégation sexiste qui perdure, qui incruste les stéréotypes de genre assignés aux petites filles et aux petits garçons. Des rôles culturellement et socialement construits. Avec en tête de ces rôles, celui de mère. Le « baby born » en est l’exemple parfait. A deux ou trois ans déjà, la fillette joue à la maman, elle prend « son bébé » dans les bras, le berce, le change, lui donne le biberon, parfois même tente de lui donner le sein pour imiter sa mère. Plus grande, on la charge de s’occuper de ses cadets, si elle en a. Plus tard, jeune fille, on la presse de se marier, et, une fois mariée, d’enfanter, et vite.

Bref, les filles sont bel et bien conditionnées à être mères. Si l’instinct maternel existe, il est surtout alimenté par les modèles sociaux transmis à la maison, à l’école, dans tout l’entourage quoi. Et les mamans, pour justifier leur manière d’éduquer, de dire à leurs filles, à tort et à travers : « Tu comprendras quand tu seras mère ». Comme si c’était automatique. Comme si la maternité était une continuité normale, un processus qui va de soi. « On dirait que la grossesse est un événement public, voire imposé. La plupart des femmes qui retardent la décision de faire un enfant ou celles qui osent dire qu’elles ne veulent pas avoir d’enfants se sentent obligées de justifier leur choix et de trouver une raison logique. Et, soit leur entourage n’y croit pas, soit elles sont mal vues parce qu’elles n’adhèrent pas au schéma traditionnel où la maternité est la raison d’être de la femme », souligne ainsi la sociologue Nadia Radwane.

Pourtant, l’avènement de la contraception était censé bouleverser les codes et permettre aux femmes (ou plutôt aux couples) de choisir quand avoir des enfants. Plus d’un demi-siècle après, la maternité est-elle aujourd’hui dans la société égyptienne une décision et un choix délibérés ? Pas si sûr.

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