Les salafistes ne ratent aucune occasion pour défendre l'application de la charia.
« Tous nos problèmes seront résolus lorsqu’on appliquera la charia ». C’est la philosophie de Zeinhom. Originaire de Haute-Egypte, dans sa famille, on ne connaît que l’éducation islamique. Tous ses proches sont diplômés d’instituts religieux. L’idée de l’application de la charia a toujours occupé son esprit, il passait son temps à observer et à détecter tous les aspects de la vie pour constater que la charia en était absente.
« Moi, je l’ai appliquée depuis bien longtemps chez moi, mais j’attends la voir partout guider les personnes au pouvoir. Surtout après les promesses du président pour lesquelles nous, les salafistes, l’avons élu », dit Zeinhom. Aujourd’hui, il est déçu par les Frères musulmans arrivés au pouvoir et qui ne tiennent pas parole.
Zeinhom n’a pas terminé son éducation, mais il a insisté pour inscrire ses enfants dans des écoles azharites. Il a obligé sa femme à porter le niqab, a interdit à sa famille de regarder la télévision sauf les chaînes religieuses … « Les oulémas nous ont expliqué qu’il ne faut ni se révolter contre le président, ni s’opposer à ses idées, car c’est contre la charia ». Mais cette idée ne l’a pas empêché de célébrer la chute de Moubarak car « enfin, on a pu voir accéder au pouvoir un président islamiste, qui suivra la parole de Dieu et qui ne considère pas la religion comme simple décor, comme ce fut le cas sous Moubarak qui utilisait de temps en temps quelques versets du Coran pour nous rappeler qu’il était musulman », exprime Zeinhom. Il tient à faire la différence entre musulman et islamiste. Car pour lui, il ne suffit pas d’appartenir à l’islam, il faut imprégner tous les aspects de la vie de ses concepts. Il s’attendait à voir les programmes scolaires changer, toutes les femmes porter le voile du jour au lendemain, les banques islamiques remplacer celles existantes, bref, tous les aspects de la vie qui sont contre la charia disparaître. « J’ai tant attendu et je ne comprends pas comment le pouvoir peut se permettre de reporter l’application de la charia, pour ne pas déranger les athées », dit Zeinhom.
Il souffre de diabète, d’hypertension et d’insuffisances hépatiques, avec en plus de nombreuses interventions chirurgicales passées, mais rien ne l’empêche de manifester. Il lui arrive souvent d’étouffer et de s’évanouir à cause de son état de santé, mais son devoir est d’être là pour défendre l’islam. Il n’a donc pas hésité à passer des jours entiers loin de chez lui pour soutenir Morsi lorsqu’il était candidat à la présidentielle. Il a rejoint le groupe de sa campagne électorale, fabriquait lui-même les pancartes, écrivait les slogans et mobilisait son quartier pour venir assister aux manifestations en faveur de Morsi. « Je rêvais que le cheikh Hazem Abou-Ismaïl soit le président, mais puisque cela n’a pas été possible, l’arrivée de Morsi au pouvoir est satisfaisante, car il représente les Frères musulmans et donc il sera honnête et n’hésitera pas à appliquer la charia », dit Zeinhom.
Portant toujours sa djellaba courte, un manteau par-dessus et un petit bonnet sur la tête, Zeinhom n’a pas seulement participé aux manifestations de soutien du président Morsi. Il était de même aux premiers rangs de toutes les manifestations ayant trait à la charia. On pouvait le voir dans les manifestations qui avaient lieu à Guiza, organisées par les courants islamistes et scandant le slogan « Oui à l’application de la charia, non aux libéraux qui veulent détruire le pays ».
Cela fait deux ans seulement que le rêve d’un Etat islamiste lui a effleuré l’esprit. C’est suite à la révolution, la chute du régime de Moubarak que les cheikhs ont commencé à lui expliquer que ce rêve est de plus en plus imminent. « J’ai beaucoup souffert sous le régime de Moubarak, et j’étais sûr que toutes nos souffrances étaient dues à l’éloignement des gens de l’islam. J’avais envie de ne plus voir Moubarak au pouvoir, mais je ne pouvais pas participer à une révolution contre lui », dit Zeinhom, qui prononce difficilement les mots puisqu’il a perdu la majorité de ses dents.
« Comment oser accueillir des Iraniens ? »
Aujourd’hui, et après l’arrivée de Morsi, Zeinhom ne nie pas que rien n’avait changé. Bien au contraire, « ma situation est plus difficile, nos conditions de vie se sont aggravées et on arrive à peine à subsister ». Mais, ce fidèle au président ne lui reproche pas la situation actuelle. « Tous nos problèmes sont dus aux manifestations de l’opposition qui sont organisées par les ennemis de la religion et du pays ». C’est ainsi qu’il tente de convaincre tous ceux qui lui reprochent d’avoir élu Morsi. Zeinhom ne rate aucune occasion pour défendre le président et tenter d’avancer quelques arguments justifiant ses décisions. Mais ce qui l’a le plus choqué, c’est la dernière visite du président iranien, suivie d’une délégation touristique. Une idée inconcevable pour ce salafiste farouche. « Comment oser accueillir des Iraniens en Egypte, même si c’est sous le prétexte du tourisme ? Comment accepter que des chiites, ennemis des sunnites, se baladent dans notre pays ? », s’indigne Zeinhom.
Cette décision a, en fait, été un tournant pour lui. Aujourd’hui, il est prêt à descendre dans la rue, se révolter contre un président qu’il avait lui-même élu il y a à peine quelques mois. Tout ce qui l’en empêche, c’est qu’il n’a pas encore reçu l’ordre de ses cheikhs qui annoncera le début de la révolution contre Morsi. « J’espère que le prochain président sera élu parmi les oulémas salafistes, ce sont eux qui connaissent le vrai islam », lâche Zeinhom.
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