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JO-2024: Et si ce n’était pas seulement du sport

Amira Doss , Samedi, 27 juillet 2024

Les 33es Jeux Olympiques (JO) réunissent, du 26 juillet au 11 août à Paris, 10 500 athlètes de 206 pays. L’événement sportif le plus important de la planète est plus que jamais marqué par la politique cette année. Explications.

olympiques
Les athlètes olympiques palestiniens et les membres de la délégation arrivent à l’aéroport Charles-de-Gaulle de Roissy-en-France, au nord de Paris. Photo : AFP

Des millions de personnes de l’Afrique à l’Asie, de l’Europe aux Amériques auront les yeux fixés ce vendredi 26 juillet sur leurs écrans, admirant des athlètes défilant aux couleurs de leurs drapeaux nationaux lors d’une parade fluviale sur la Seine à Paris. Quatre heures de spectacle devant plus de 300 000 personnes, l’événement tant attendu se déroule pour la première fois en dehors d’un stade. C’est au bord de la Seine que le coup d’envoi des Jeux Olympiques (JO) prendra place.

A quelques heures de l’ouverture, le président français, Emmanuel Macron, en visite au Village olympique pour vérifier les derniers préparatifs, annonce : « Les JO qui s’ouvrent à Paris vendredi seront un moment de trêve politique. Ce sont les jeux qui seront au coeur de la vie du pays et le monde sera en France grâce à eux ». Une déclaration qui ouvre le débat sur le contexte dans lequel se déroulent les JO cette année. Y a-t-il vraiment une trêve politique pour laisser place au sport durant ces JO de Paris ? Soucieux de « rassembler le monde », le Comité olympique a annoncé ces derniers mois vouloir éviter tout boycott et toute exclusion pour réunir aux JO de Paris des délégations du monde entier. En effet, d’après la charte olympique, toute « propagande politique » est interdite, que ce soit sur le terrain de jeu ou sur les podiums.

Cependant, déjà avant l’ouverture, l’ombre des conflits politiques planait sur cette manifestation sportive. L’accueil chaleureux de la délégation israélienne par des politiciens français, la Russie qui participe sous bannière neutre suite à son invasion de l’Ukraine et la Palestine qui fait tout pour être présente malgré la guerre atroce menée contre son territoire et qui a coûté la vie à plus de 39 000 civils. Tout laisse à croire que la politique sera omniprésente à ces JO et qu’il ne s’agira pas uniquement de sport.

Lors de sa participation aux réunions des chefs de la diplomatie des pays membres de l’Union européenne à Bruxelles, le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a martelé : « La délégation israélienne est la bienvenue aux JO. Je tiens à le dire au nom de la France ». Ses déclarations sont venues en réaction aux propos tenus par le député français Thomas Portes lors d’un rassemblement de soutien au peuple palestinien quelques jours avant la compétition. « La délégation et les sportifs israéliens ne sont pas les bienvenus aux JO de Paris », a annoncé Portes, évoquant la présence du président israélien à la cérémonie d’ouverture, en plus des 88 athlètes qui représenteront Israël à ces Jeux.

D’ailleurs, de nombreuses figures avaient proposé que les athlètes israéliens concourent sous bannière neutre, comme c’est le cas de la Russie.

Cette option (sous bannière neutre) est la solution adoptée par le Comité olympique qui a voulu écarter toute possibilité de cohabiter à Paris avec des sportifs russes, biélorusses et ukrainiens. Le comité a tenté graduellement d’orchestrer une réintégration progressive des Russes aux compétitions, sous strictes conditions, sous drapeau neutre et en leur interdisant de parader sur la Seine lors de la cérémonie d’ouverture. « Ces athlètes neutres seront placés sous une surveillance permanente et risquent l’exclusion immédiate des JO en cas de manifestation de soutien à l’offensive en Ukraine », a annoncé Thomas Bach, patron du Comité International Olympique (CIO), à l’AFP.

Seuls 15 athlètes russes sont présents à Paris contre 330 aux JO de 2020 à Tokyo. La Russie, punie, vit cette mise à l’écart comme une humiliation. Le président russe a annoncé que la télévision russe ne diffusera pas les JO. Une décision saluée par l’Assemblée législative russe. C’est la première fois en 40 ans que les JO seront absents de la télévision russe. « 15 athlètes, cela ne justifie absolument pas une couverture médiatique. La Russie est scandalisée par les conditions discriminatoires, injustes et inacceptables sans précédent imposées par le CIO aux athlètes russes », a déclaré le porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova.

Cette politique de deux poids, deux mesures a incité les opposants à la participation d’Israël à agir. « Israël ne doit pas défiler à la cérémonie d’ouverture, le drapeau israélien ne doit pas flotter sur les stades et les arènes olympiques. Les sportifs israéliens doivent participer à titre individuel avec un uniforme blanc, sous le drapeau et l’hymne olympiques », a déclaré Adrien Quattenens, député de la France insoumise, représentant l’avis de nombreux élus ayant dénoncé la participation d’Israël.

« Cette grande manifestation sportive doit être un lieu de prise de position en faveur de la justice et de l’égalité. Alors qu’Israël commet une véritable opération génocidaire à Gaza et détruit l’écrasante majorité de l’infrastructure de l’enclave palestinienne, une délégation de plus de 80 athlètes israéliens vient concourir aux JO », écrivent les représentants de la campagne « Marchons pour la Palestine » en manifestant devant le siège du CIO. D’autres associations, telles que Urgence Palestine, ont lancé une campagne intitulée : « Israël hors des JO de Paris, non aux ambassadeurs du génocide à Gaza ».

D’après eux, il est indispensable de dénoncer cette scandaleuse opération de « sportwashing ». La participation d’Israël aux JO alors qu’il continue à massacrer quotidiennement des civils transgresse les valeurs olympiques.

Pour la Palestine, les JO sont une tribune

La délégation palestinienne, elle, voit dans l’événement beaucoup plus qu’une simple compétition sportive. Pour les 8 athlètes palestiniens présents à Paris, il s’agit avant tout d’une tribune. La délégation, qui s’est exprimée le 14 juillet en Cisjordanie, a annoncé vouloir faire de cet événement « une tribune pour dénoncer la guerre à Gaza ». « Le départ de nos athlètes pour les JO intervient à un moment très sombre de notre histoire », a déclaré la ministre d’Etat aux Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne, Varsen Shahine.

Les athlètes palestiniens se considèrent comme des symboles de la résistance. « Représenter la Palestine aux JO de Paris, c’est déjà une victoire, un vrai miracle », a déclaré Jibril Rajoub, président du Comité olympique palestinien. Pour lui, les athlètes doivent se servir de la couverture médiatique pour montrer à l’opinion publique l’atrocité de la guerre à Gaza et faire entendre la voix du peuple palestinien.

Ils sont haltérophiles, rameurs, cavalières ou nageuses sous les couleurs du drapeau palestinien et la participation de ces sportifs, au-delà des médailles, a le goût d’une victoire politique.

A Gaza, les sportifs, comme tous les Palestiniens, ont payé le lourd tribut du conflit. « La scène sportive a perdu de nombreuses figures : athlètes, coachs, personnel de clubs, etc. Parmi elles, l’entraîneur de l’équipe olympique de football, Hani Al-Masdar, et la star du volleyball Ibrahim Qusaya », a annoncé Nader Jayousi, directeur technique du Comité olympique palestinien. Dans son pays, non seulement le sport est à l’arrêt, mais la vie elle-même.

A Paris, la participation de la délégation palestinienne sera, une fois de plus, un acte de résistance. Sur les terrains de jeux, ce n’est pas seulement le sport que les athlètes palestiniens mettront en lumière, c’est surtout leur identité, leur cause et leur lutte.

 

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