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JO 2024 : Il était une fois...

Fouad Mansour , Mardi, 23 juillet 2024

D’Ahmed Hassanein pacha à Ferial Abdel-Aziz, en passant par Khedr El-Touni, Farid Simaika ou encore Al-Sayed Nosseir, l’histoire de l’Egypte aux JO a été tracée par des champions d’exception. Retour sur le parcours de certains d’entre eux. Dossier.

Ahmed Hassanein pacha

Ahmed Hassanein pacha, l’aventurier

 Officiellement, la première participation égyptienne aux Jeux Olympiques (JO) remonte à 1912 à Stockholm, avec un seul athlète, l’escrimeur Ahmed Hassanein pacha. Le Comité Olympique Egyptien (COE), créé deux ans auparavant, envoie Hassanein pour disputer les compétitions d’escrime en fleuret et en épée. Il est le seul Egyptien à avoir fait le voyage à Stockholm, et devient ainsi le premier Egyptien à participer aux JO, selon le site officiel du COE. Il est éliminé au premier tour des deux compétitions. Le jeune de 23 ans, qui a appris l’escrime dans les clubs du Caire, était étudiant au Balliol College à l’Université d’Oxford en Angleterre. De retour en Egypte, il continue à s’entraîner dans le célèbre Club égyptien d’escrime qui existe encore aujourd’hui au centre du Caire.

Malheureusement, les JO de 1916 n’ont pas eu lieu à cause de la Première Guerre mondiale. En 1920, Ahmed Hassanein pacha participe, à 31 ans, aux JO d’Anvers en Belgique où il gagne 5 de ses 8 matchs au tour préliminaire. Il est éliminé en quarts de finale. A Anvers, il est le seul Egyptien sur les 20 athlètes qui ont disputé les compétitions dans 6 disciplines sportives (football, escrime, lutte, athlétisme, haltérophilie, gymnastique) à passer le premier tour.

Après les JO d’Anvers, il se lance dans l’exploration des déserts égyptiens. Il devient le premier homme à traverser le désert de Libye. Selon Michael Haag, auteur du livre The Definitive Biography of Ahmed Hassanein, son périlleux voyage de 8 mois en 1923 le conduit sur les rives occidentales de la Grande Mer de sable. Il a découvert les oasis perdues d’Arkenu et d’Ouainat à l’extrême sud-ouest de l’Egypte où il fut étonné de trouver des dessins d’animaux. Il se trouvait au coeur d’un désert aride, mais ce qu’il avait trouvé et photographié était la preuve d’une existence humaine florissante il y a 10 000 ans.

En septembre 1924, il écrit un article sur ses voyages dans le National Geographic Magazine. Le travail de Hassanein lui vaut le titre de « bey » et la médaille de la British Royal Geographical Society en1924.

Il n’oublie pas l’escrime et prend part, à 35 ans, aux JO de Paris en 1924. Epuisé physiquement et presque sans entraînement, il perd ses 9 rencontres et est éliminé au premier tour. Heureusement, ses jeunes compatriotes et protégés du Club d’escrime, Joseph Mizrahi et Krikkor Agathon, se qualifient pour les quarts de finale après avoir gagné 5 rencontres chacun.

Hassanein ne cesse de surprendre. En 1930, il tente de devenir le premier homme à voler en avion en solo entre Londres et Le Caire. Il travaille dans la diplomatie égyptienne et épouse la fille de la première femme du roi Fouad.

De 1925 à 1936, il est conseiller du roi Fouad, qui le nomme tuteur de son fils Farouq. Il est nommé chef de divan et chambellan du roi Farouq et devient probablement l’homme le plus influent d’Egypte. Il tombe amoureux de la reine Nazli, mère du roi Farouq, qu’il épouse en secret en 1942. Il meurt 4 ans plus tard dans un mystérieux accident de voiture après avoir été percuté par un camion de l’armée britannique sur le pont Qasr Al-Nil au Caire.

 Al-Sayed Nosseir, le premier championolympique égyptien et arabe

 Né à Tanta en 1905, l’haltérophile Al-Sayed Nosseir devient le premier Egyptien à remporter une médaille d’or aux JO. Il découvre l’haltérophilie au célèbre mouled d’Al-Sayed Al-Badawi à Tanta. Soulever les poids était l’une des attractions des mouleds en Egypte et beaucoup d’haltérophiles de renom y participaient. Il remporte la médaille d’or dans la catégorie des moins de 82,5 kg à Amsterdam en 1928 en battant le Français Louis Hostin en soulevant 355 kg au total. Il devient ainsi le premier champion olympique égyptien et arabe. Au cours de sa carrière, Nosseir a remporté deux Championnats du monde et a battu 12 records du monde : quatre à l’arraché, quatre à l’épaulé-jeté et quatre au total. Il a raté les JO de 1932 à Los Angeles boycottés par l’Egypte.

 En 1914, le premier drapeau olympique est hissé à Alexandrie

 Les anneaux entrecroisés, symbole le plus reconnaissable des Jeux Olympiques (JO), ont fait leur apparition sur le premier drapeau olympique hissé au stade de Chatby à Alexandrie (Egypte) lors d’une manifestation sportive commémorant la fondation des JO modernes.

C’est dans une lettre de juillet 1913 que Pierre de Coubertin, fondateur des JO modernes, a dessiné les anneaux entrecroisés pour la première fois. Le représentant égyptien au CIO, Angelos Bolonachi, lui propose de les mettre sur un drapeau en vue des festivités attendues en Egypte. Le dossier de candidature d’Alexandrie pour organiser les JO de 1916 avait perdu contre celui de Berlin, mais la ville égyptienne espérait quand même remplacer Berlin pour organiser les Jeux en 1916 après le déclenchement de la Première Guerre mondiale.

Ce drapeau est exposé actuellement au Musée Olympique de Lausanne.

Le déclenchement de la Première Guerre mondiale n’a pas permis d’utiliser ce drapeau dans les JO avant 1920 à Anvers.

Représentant l’union des cinq continents et le rassemblement des athlètes du monde entier aux JO, ces anneaux sont devenus l’un des symboles les plus reconnus du monde et la passation du drapeau olympique d’une ville à l’autre est l’une des grandes traditions de la clôture des Jeux.

 1920 : L’Egypte, première sélection non européenne aux JO moderns

 Anvers en 1920, l’Egypte représente la première sélection non européenne aux JO. Elle est éliminée au premier tour, mais après un duel acharné avec l’Italie, l’une des meilleures sélections de l’époque (2- 1). L’Italie ouvre le score à la 25e minute, grâce à sa star Adolfo Baloncieri, considéré comme l’un des plus grands footballeurs et meneurs de jeu italiens de l’histoire de la Squadra Azurra, aux côtés de Giuseppe Meazza et Valentino Mazzola. L’attaquant d’Ahly Zaki Osman égalise peu après, avant que Guglielmo Brezzi ne redonne l’avantage aux Italiens à la 57e minute. Dans un match dit « de consolation », l’Egypte défait le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, 4 buts à 2. Le défenseur de Zamalek Sayed Abaza signe un doublé, alors que la légende Hussein Hegazi et l’attaquant de Tersana Hassan Allouba marquent chacun un but.

 Ibrahim Mostafa, le pionnier des sports de combat

 Né en 1904 à Alexandrie, Ibrahim Mostafa devient en 1928 le premier Egyptien à gagner une médaille dans un sport de combat. Menuisier de jeune âge, il a découvert la lutte dans un club arménien d’Alexandrie où il allait souvent pour voir les matchs. Un entraîneur du club, l’Italien Aldo Bianchi, le repère et le convainc de venir s’entraîner vu son gabarit. Il rejoint le club arménien, puis il est transféré au club de l’Olympique d’Alexandrie. En peu de temps, en 1924 il gagne tous les Championnats d’Egypte. Lors de son premier tournoi international, les JO de 1924, il termine 4e dans la catégorie des poids mi-lourds. De retour à Alexandrie, il continue à travailler comme menuisier tout en s’entraînant. En 1928 à Amsterdam, il remporte la médaille d’or dans cette épreuve. L’année suivante, à l’invitation de la Fédération suédoise de lutte, Mostafa fait une tournée en Europe et participe à plusieurs tournois internationaux. De retour en Egypte, il devient entraîneur et prépare son fils, Adel Ibrahim Mostafa, aux JO de 1948 et de 1952. Mostafa meurt à l’âge de 64 ans suite à une crise cardiaque, alors qu’il entraînait la sélection égyptienne de lutte durant les JO de 1968 à Mexico City.

 Farid Simaika, l’incroyable destin du roi du plongeon

 Farid Simaika reste jusqu’à aujourd’hui le seul égyptien à jamais gagner deux médailles lors d’une même édition des JO. Il est né le 12 juin 1907 à Alexandrie dans une famille copte de renom. Son père était directeur des douanes du port d’Alexandrie. Et son oncle, Marcus Simaika, qui portait le titre de pacha, était le fondateur du célèbre Musée copte du Caire. Simaika était membre du club Sporting d’Alexandrie et était déjà champion d’Egypte de plongeon. Il détenait également une licence égyptienne de pilote d’avion. En 1926, il décide de déménager aux Etats-Unis où il est suivi par Big Jim Ryan, le célèbre entraîneur américain.

A l’âge de 21 ans, il remporte deux médailles en plongeon aux JO d’Amsterdam en 1928 : une médaille d’argent en haut vol 10 m et l’autre de bronze en tremplin 3 m.

Sa médaille d’argent a été obtenue après l’un des incidents les plus curieux des JO. A l’épreuve du haut vol, il termine premier devant l’Américain Pete Desjardins. Il reçoit la médaille d’or, le drapeau égyptien est hissé, et l’hymne national égyptien est joué avant que le jury n’annonce une « erreur » et n’attribue la victoire au plongeur américain.

A la fin de l’événement, on a annoncé que Simaika avait obtenu le meilleur score (99,58 points), mais qu’une majorité de juges (5 contre 4) avaient décidé que Desjardins était le gagnant car possédant la meilleure moyenne générale sur les huit plongeons. Furieux, son entraîneur, Big Jim Ryan, estimait que Semeika avait fait l’objet d’un racisme flagrant.

Simaika a ensuite remporté le Championnat américain de plongeon en 1930, 1931 et 1932, en battant à chaque fois Desjardins. Il revenait beaucoup en Egypte où il avait acquis un statut de star, à tel point d’être invité au mariage du roi Farouq. Il ne participe malheureusement pas aux JO de 1932 à Los Angeles, que l’Egypte boycotte en raison de différends avec le Comité olympique international. Il aurait été facilement le premier médaillé d’or olympique en sports nautiques. Il est jusqu’à aujourd’hui le seul Egyptien médaillé d’un sport nautique aux JO.

En 1933, Simaika prend part à des spectacles aquatiques à Chicago et en 1934, il commence à parcourir le monde organisant des expositions de plongée avec ses collègues olympiques, dont le champion de plongeon Harold Smith. En 1937, le duo rejoint le Billy Rose Aquacade à Cleveland et ensuite à New York. L’un de leurs numéros, destiné à un court métrage de Metro Golden Mayer intitulé « Double Diving », a été donné en tandem les yeux bandés.

En 1942, il reçoit la nationalité américaine et s’engage dans l’armée américaine afin de devenir pilote, son rêve d’enfance. Son avion est touché près des îles Célèbes dans le Pacifique Sud durant la Seconde Guerre mondiale. Semeika a apparemment survécu à l’accident mais aurait été décapité par les Japonais, selon des soldats qui ont trouvé son corps. Farid Simaika a reçu la Distinguished Flying Cross pour ses services. Aujourd’hui, une rue principale du quartier d’Héliopolis au Caire porte son nom. En 1982, il fait son entrée dans la très célèbre International Swimming Hall of Fame à Miami, aux Etats-Unis.

 El-Touni, le plus grand de tous les temps ?

 Qui est le plus grand athlète égyptien de l’histoire des JO ? Plusieurs noms viennent immédiatement à l’esprit : Ibrahim Chams et Karam Gaber, tous deux vainqueurs de deux médailles (dont une d’or) en 1948 et 1992 respectivement, Ferial Abdel-Aziz, première femme de l’histoire médaillée d’or en 2020, Khedr El-Touni, le légendaire haltérophile et champion olympique en 1936, et les deux premiers champions olympiques de 1924 El-Sayed Nosseir et Ibrahim Mostafa.

Bien qu’il n’ait gagné qu’une seule médaille et qu’il n’ait pas été le premier à gagner une médaille dans sa discipline, Khedr El-Touni est considéré par beaucoup comme le meilleur, étant donné que sa victoire aux JO a été obtenue dans des conditions particulières.

Berlin 1936. Le nationalisme allemand est à son apogée. Hitler est au pouvoir. Il demande d’organiser les JO pour montrer au monde la « suprématie allemande ». Un intérêt spécial est accordé à l’haltérophilie. Le champion olympique allemand Rudolf Ismayr, médaillé d’or en 1932 à Los Angeles et qui venait d’être champion du monde, est invité par le Führer lui-même, selon le New York Times, à prononcer le serment olympique au nom de tous les athlètes. Il le fait en portant le drapeau nazi face à un public en liesse. Hitler décide de se déplacer pour assister aux compétitions d’haltérophilie dans la catégorie des -75 kg, dont le grand favori est Rudolf Ismayr, alors l’un des symboles de la propagande nazie suivi d’un autre Allemand vice-champion du monde. Hitler était venu assister à une démonstration de force des deux géants de l’haltérophilie allemande et mondiale. Mais 6 mois avant les compétitions olympiques, une nouvelle en provenance du Caire annonçait qu’un jeune Egyptien a battu le record mondial de l’Allemand Ismayr lors d’une petite compétition dans la capitale égyptienne. La nouvelle n’a pas été prise au sérieux et la Fédération internationale a refusé de valider le nouveau record égyptien le jugeant improbable. Le jeune Egyptien n’était autre que Khedr El-Touni, qui deviendra l’une des sensations des JO.

Face à un public enflammé, El-Touni ne déçoit pas. Il bat 3 records olympiques et mondiaux avant de décrocher la médaille d’or. Il terrasse les deux champions du monde allemands. Sa performance est considérée comme l’une des plus grandes surprises de l’histoire olympique.

Après avoir gagné l’or dans la catégorie des poids moyens, il continue à concourir seul pendant plus de 45 minutes et réalise un poids total de 35 kg supérieur à celui du médaillé d’argent Ismayr. L’Egyptien soulève au total 387,5 kg contre 352,5 kg pour l’Allemand. Non seulement El-Touni a supplanté tous ses concurrents des poids moyens, mais en plus il a soulevé un poids de 15 kg supérieur à celui du médaillé d’or des poids mi-lourds, le Français Louis Houstin. Un exploit que seul El-Touni a réalisé à ce jour. C’est le tristement célèbre Hitler lui-même qui lui remet la médaille et donne son nom à une rue du village olympique. L’Egypte termine première de la compétition d’haltérophilie battant les Allemands chez eux et obtient 2 des 5 médailles d’or au menu. Khedr El-Touni remportera ensuite 3 titres mondiaux (1946, 1949 et 1950).

Malheureusement, l’annulation des Jeux de 1940 et de 1944 en raison de la Seconde Guerre mondiale prive El-Touni de deux médailles d’or presque assurées. Il participe aux JO de 1948, mais la maladie l’empêche de défendre avec succès son titre et il termine 4e. El-Touni enregistre en tout 16 records du monde, dont seuls 11 ont été reconnus.

El-Touni était numéro un sur la liste des 50 plus grands haltérophiles de l’histoire publiée par la Fédération internationale d’haltérophilie, jusqu’à ce que le Turc Naim Süleymanglu le détrône en 1996. A 39 ans, El-Touni est mort électrocuté dans sa maison dans la banlieue de Hélouan.

 Ferial, Sara, Hedaya et les autres, la révolution féminine en marche


Ferial Ashraf Abdel-Aziz, première championne olympique égyptienne de l’histoire.

 Ferial Ashraf Abdel-Aziz est devenue en août 2021 la première Egyptienne à jamais remporter une médaille d’or dans l’histoire des JO. Elle profite de l’introduction du karaté comme discipline olympique à Tokyo pour la première fois pour s’emparer du titre olympique dans le poids des +61 kg.

La médaille d’or de Ferial concrétise la révolution sportive féminine en marche depuis 1984. Avant 1984, aucune sportive égyptienne n’avait participé aux JO. Six joueuses ont participé aux compétitions dans 4 disciplines sportives pour la première fois à Los Angeles en 1984. A Tokyo, elles étaient 47 femmes dans 19 disciplines et elles ont remporté 3 médailles dont une d’or.

Notons que l’Egypte n’a pas obtenu de médailles olympiques féminines en 120 ans entre 1896 et 2016. En 2016, l’haltérophile égyptienne Sara Ahmed est devenue la première femme égyptienne à décrocher une médaille après avoir remporté le bronze dans l’épreuve des 69 kg en soulevant un poids total de 255 kg.


Hedaya Malak, médaillée aux JO de Rio 2016 et de Tokyo 2020.

L’haltérophile Abeer Abdel-Rahman a, quant à elle, reçu plus tard une médaille d’argent rétrospectivement pour les JO de Londres 2012, et une médaille de bronze pour les JO de Rio 2016 après l’annulation des résultats de ses concurrentes pour dopage, quelques années après la fin de la compétition. Enfin, Hedaya Malak est la seule femme égyptienne à remporter deux médailles (de bronze) en taekwondo en 2016 et 2020. La karatéka Giana Farouk a aussi gagné une médaille de bronze à Tokyo 2020.

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