Al-Ahram Hebdo: Vous êtes capitaine de la sélection saoudienne, du club saoudien d’Al-Hilal et l’un des meilleurs défenseurs centraux des pays arabes. Vous avez décidé de mettre fin à votre carrière de footballeur alors que vous étiez en pleine forme …
Ossama Houssaoui : C’était une décision très difficile pour moi d’arrêter de jouer après plus de 20 ans. Suite à cette décision, j’ai reçu beaucoup d’appels téléphoniques de journalistes, d’experts de football et de supporters qui me demandaient de bien réfléchir, car ils pensaient que je pouvais jouer encore 2 ans supplémentaires. Mais je leur ai dit que ma décision était définitive. Aujourd’hui, j’ai 34 ans, je ne suis pas jeune. Dès que j’avais commencé à jouer sous les couleurs du club saoudien d’Al-Wehda, puis tout au long de ma carrière, j’avais en tête d’arrêter le football en étant en bon état physique et technique, pour que les supporters gardent de bons souvenirs de moi, et c’est ce que je viens de faire. J’arrête ma carrière de footballeur tout en étant capitaine de l’équipe de Hilal et de la sélection nationale saoudienne. J’ai réussi à participer avec mes coéquipiers à qualifier l’Arabie saoudite à la Coupe du monde 2018 en Russie. Mon dernier match avec les Verts était contre l’Egypte en Coupe du monde, nous avons fait un grand match et gagné 2-1.
—Vous avez écrit sur votre page de Twitter un message pour les supporters disant que la fin de votre carrière de footballeur marquerait le début d’une nouvelle carrière, qui serait plus belle pour vous. De quelle nouvelle carrière parliez-vous ?
—Je vais exercer dans le domaine de l’administration et de la gestion sportive. Je veux contribuer à la promotion du sport saoudien en général et du football en particulier. J’ai déjà commencé, et je suis en ce moment au Caire pour assister aux cours du programme de la gestion sportive que le Centre International des Etudes du Sport (CIES) organise à l’Université du Caire en partenariat avec la Fédération internationale de football (FIFA). Je veux bien connaître les outils de la bonne gestion sportive, afin de pouvoir servir au mieux le sport de mon pays.
— Revenons à votre dernier match de votre carrière de joueur, contre l’Egypte en Coupe du monde. Votre mission durant le match n’était pas facile, puisque vous étiez le défenseur central chargé de marquer Mohamad Salah …
— (Il sourit). Oui, tout à fait. Ce n’est pas facile pour un défenseur de marquer Mohamad Salah tout au long du match. Salah est un joueur phénoménal. Contre un grand joueur comme lui, si le défenseur perd le duel une seule fois, il le payera cash. (Il sourit de nouveau). Pendant le match, j’ai perdu 2 fois le duel contre lui. La première, il m’a dépassé et a marqué direct un but. Et la deuxième fois, il a tiré juste à côté du poteau. Notre coach argentin, Juan Antonio Pizzi, nous a demandé avant le match de prendre du plaisir en jouant, d’oublier que nous jouons contre de grands joueurs égyptiens comme Salah, Ahmad Hégazi, Trézéguet et Al-Nenni, et de développer notre jeu sans la moindre pression. Alors, nous avons joué le match sans stress, sachant en plus que nous étions déjà éliminés suite à nos défaites aux deux premiers matchs de poule face à la Russie et à l’Uruguay. Nous avons joué contre les Pharaons au Mondial sans la moindre pression et sans craindre d’affronter Salah, Hégazi, Trezeguet et Al-Nenni. Franchement après le match, j’étais fier d’avoir pu freiner Salah. Malgré notre victoire contre les Pharaons au Mondial, l’Egypte reste l’une des meilleures nations de football de la région, elle a une grande chance de remporter la CAN 2019.
— Suivez-vous le football égyptien ?
— Oui bien sûr. Le Championnat égyptien est de haut niveau, les grands clubs égyptiens ont des supporters dans tous les autres pays arabes, notamment en Arabie saoudite. Déjà, les joueurs égyptiens qui ont évolué en Arabie saoudite au cours des dernières années ont laissé de très bonnes impressions, tels Emad Metaeb, Hussein Al-Sayed, Chikabala, Mohamad Awad, Al-Hadari, Ahmad Ali et Mohamad Abdel-Chafi, dit « Chiffo ». Ce dernier est l’une des stars du club Ahli Jeddah, et il connaît une grande popularité en Arabie saoudite grâce à sa bonne performance et à son bon comportement. C’est un joueur discipliné et très poli.
— D’après vous, pourquoi peu de joueurs saoudiens partent en Europe, comme les footballeurs égyptiens, algériens, tunisiens et marocains qui, eux, évoluent dans les grands Championnats européens?
— Je pense qu’il y a deux raisons à cela : la première est le système adapté en Arabie saoudite d’avoir le droit de faire jouer 8 joueurs étrangers dans chaque équipe. Ce système limite la présence des joueurs saoudiens au sein des équipes du Championnat saoudien. Il y a beaucoup de jeunes talentueux en juniors et en cadets, mais qui n’ont pas la chance d’intégrer les équipes A de leurs clubs à cause de ce système. La Fédération saoudienne de football doit modifier ce système pour donner plus d’opportunités aux joueurs saoudiens d’évoluer avec leur club et de montrer leur capacité. En jouant régulièrement, ils pourraient être remarqués par de grands clubs européens, et ils partiraient jouer en Europe. Le deuxième point c’est que lorsque des joueurs saoudiens reçoivent des propositions avec de petits clubs en Europe, ils les refusent, car pas assez payés. Ils sont très bien rémunérés en Arabie saoudite et préfèrent donc rester dans leur club saoudien.
— Comment jugez-vous votre propre expérience en Europe, sous les couleurs du club belge d’Anderlecht ?
— C’était une expérience très courte. J’ai passé seulement 6 mois avec Anderlecht, en 2012. Je n’ai participé qu’à 3 matchs et j’ai remporté avec le club la Supercoupe de la Belgique. Malgré ce court séjour, j’ai acquis beaucoup d’expériences, car j’ai fréquenté les grands joueurs européens. J’ai vu comment ils vivaient, comment ils s’entraînaient, se préparaient physiquement et mentalement pour les grands matchs.
— La Fédération saoudienne de football a envoyé des joueurs saoudiens en Espagne, avant la Coupe du monde, pour gagner en expérience. Ce choix a été critiqué par les uns et apprécié par les autres. Comment jugez-vous cette expérience ?
— Malgré les critiques, je pense que c’était une bonne idée, car les joueurs ont vécu dans des ambiances à 100 % professionnelles, avant de jouer au Mondial. Ils ont découvert les systèmes d’entraînement, les ambiances des matchs et même les régimes alimentaires des grands joueurs, ce qui les a bien préparés avant de jouer en Coupe du monde.
—Vous avez dit que les grands clubs égyptiens avaient des supporters en Arabie saoudite, alors vous supportez quel club en Egypte? Ahli, Zamalek ou un autre ?
— Franchement je suis zamalkaoui, je supporte le club Zamalek. Lorsque j’étais petit, je supportais Ahli, car j’aimais beaucoup les frères Hossam et Ibrahim Hassan qui jouaient avec les Rouges. Mais dès qu’ils sont partis d’Ahli à Zamalek, je suis devenu zamalkaoui, et je le suis encore. Les joueurs de Zamalek sont très techniques et le jeu de cette équipe est spectaculaire, même si, malheureusement, les résultats ne sont pas très bons ces dernières années. Il y a beaucoup de Saoudiens qui supportent le club Zamalek, car ils aiment leur style de jeu.
— Vous avez aimé Zamalek grâce aux frères Hassan. Est-ce qu’ils sont toujours vos joueurs préférés ?
— Je les aime beaucoup et j’aime leur esprit combattant sur le terrain et le fait qu’ils n’aiment pas perdre, qu’ils se donnent au fond pour gagner. Mais mon joueur égyptien préféré est la star Mohamad Abou-Treika. Je le respecte sur les deux niveaux, sportif et humain. Sur le plan technique, je pense aussi que Chikabala est l’un des meilleurs joueurs égyptiens. J’ai eu la chance de jouer contre lui dans le Championnat saoudien. C’est un très bon joueur et j’ai pris beaucoup de plaisir à jouer contre lui. C’est difficile pour un défenseur de faire son marquage.
— Il y a beaucoup d’entraîneurs égyptiens qui ont assumé la responsabilité technique des équipes saoudiennes, soit des clubs ou de la sélection nationale, au cours des 20 dernières années. Avez-vous déjà joué sous la direction de l’un de ces coachs égyptiens ?
— Oui, j’ai eu la chance de m’entraîner et de jouer sous la direction du grand technicien égyptien, Mohamad Ali, lorsque j’étais jeune joueur. Franchement, il m’a beaucoup appris et j’étais très triste lorsqu’il est décédé en 2005. Beaucoup de joueurs de ma génération ont été formés sous sa direction. Il est inoubliable. Les joueurs égyptiens ont vraiment laissé des traces dans le football saoudien. Il y a des entraîneurs qui ont fait des parcours exceptionnels, tel Mohsen Saleh par exemple, qui a réalisé de très bons résultats en Arabie saoudite.
— Finalement, comment jugez-vous l’expérience de l’homme d’affaires saoudien, Turki Al-Cheikh, avec le club égyptien Pyramids ? Est-ce que vous êtes pour ou contre les investissements de l’Arabie saoudite dans le sport égyptien ?
— L’expérience du club Pyramids est une grande réussite. En témoignent les bons résultats réalisés par le club dans le Championnat égyptien, et sa place avancée dans le tableau du classement. Aujourd’hui, le club Pyramids est devenu en quelques mois l’un des meilleurs d’Egypte et des pays arabes. Il a réussi à soutenir les deux piliers du football Egyptien : Ahli et Zamalek. Même s’il ne remportera pas le titre, il terminera parmi les 4 premiers et ce sera déjà un exploit. Maintenant, tous les clubs égyptiens craignent de jouer contre Pyramids, ce qui est déjà une réussite en soi. Je pense que ce succès va ouvrir la porte à d’autres hommes d’affaires souhaitant investir en Egypte dans les différents secteurs du football égyptiens, et non pas seulement dans les clubs.
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