Debout au milieu de son champ, Radi est en train de labourer la terre pour semer le blé. Il s’est mis à l’oeuvre quelques jours plus tôt, alors qu’il devait normalement commencer vers la mi-novembre. « Heureusement, je suis les nouvelles et je suis en contact avec les inspecteurs agricoles. Ils nous ont conseillé de labourer la terre plus tôt cette année », explique Radi, paysan du gouvernorat du Fayoum. Il répète comme un perroquet des expressions comme « réchauffement climatique » et « émission de carbone », dont il ne saisit pas réellement le sens, mais il est conscient que ces phénomènes auront un impact sur l’agriculture. Partout en Egypte et un peu plus tôt que d’habitude, les paysans ont commencé à semer le blé, parce que l’année dernière, la récolte de cette céréale avait été retardée de 25 jours car les épis de blé n’étaient pas arrivés à maturité. Cette année donc, les paysans ont commencé un peu plus tôt. D’après Rabie Moustapha, consultant agricole, le blé n’est pas la seule récolte qui subit l’impact du réchauffement climatique. « C’est vrai que cet impact ne se fait pas trop sentir car le pays se trouve au centre de la planète et non pas sur les extrémités comme les Etats-Unis, par exemple, mais tout de même, le secteur agricole en Egypte connaît des changements », dit Rabie Moustapha. En fait, la terre devrait connaître une hausse des températures de 2 degrés d’ici 2050. Cette hausse aura un impact sur les quantités de pluie et le taux d’humidité. Des facteurs, explique Rabie Moustapha, qui affecteront directement le secteur agricole. Les saisons des récoltes seront décalées, puisque le climat n’est plus le même et ne conviendra plus à certaines récoltes. L’activité des insectes comme les abeilles et les mouches, mais aussi celle des parasites et des bactéries vont changer pour les mêmes raisons. « Les plantes ont une horloge biologique. De plus, chaque récolte a besoin d’une température et d’un taux d’humidité déterminés, ainsi que d’une certaine quantité d’eau et de lumière. Si les conditions climatiques changent, les rendements des cultures ne seront plus les mêmes. Il faut souligner aussi que certains terrains agricoles se trouvent en dessous du niveau de la mer et peuvent disparaître complètement en cas d’inondations. La région du Fayoum, par exemple, est menacée », dit Rabie Moustapha.
Le secteur agricole est l’un des plus affectés par les changements climatiques.
Agir pour réduire l’impact climatique
Pour sa part, Abbas Sharaky, professeur de géologie et de ressources hydriques à l’Université du Caire, explique : « Nous savons que du temps du prophète Joseph, l’Egypte a connu une alternance de périodes de sécheresse et de prospérité. Et ce à quoi nous assistons aujourd’hui est une vague qui dure depuis des milliers d’années. Depuis toujours, nous avons des périodes chaudes et d’autres froides. La différence est que de nos jours, le comportement et le mode de vie de l’homme ont changé, ce qui a accéléré le rythme et l’impact des changements climatiques. Ce qui arrivait en 1 000 ans arrive maintenant en 100 ans ». Et d’ajouter que pour réduire l’impact des changements climatiques sur l’agriculture, il faut agir en ayant recours à la science. « S’adapter est la seule solution pour éviter l’impact du réchauffement planétaire. C’est ce que nous avons commencé à faire en Egypte », commente Samia Al-Marsafawi, responsable d’une unité de recherches en météorologie agricole. D’après elle, l’agriculture est l’un des secteurs les plus affectés par le phénomène des changements climatiques. Les recherches ont montré que le réchauffement planétaire affectera négativement les rendements des cultures agricoles. En Egypte, cependant, des stratégies ont été mises en place pour surmonter le déficit en matière de productivité. L’une des méthodes consiste à développer de nouvelles cultures qui tolèrent la chaleur, la salinité et la sécheresse. On peut par exemple développer de nouvelles variétés dont la période de croissance est courte pour réduire les besoins en eau, et changer les dates de culture en fonction des conditions météorologiques. On peut aussi réduire les cultures qui consomment beaucoup d’eau ou au moins ne pas augmenter la superficie de ces cultures (comme le riz et la canne à sucre). Il faut prévoir des cultures alternatives qui consomment moins d’eau et dont la saison de croissance est moins longue. Il faut aussi irriguer les récoltes au bon moment et ne pas gaspiller l’eau pour préserver chaque goutte. « Pour nous, l’agriculture c’est la vie. Les Egyptiens attendaient autrefois la saison des récoltes pour payer leurs dettes et marier leurs enfants. Aujourd’hui, il faut changer les dates selon les nouvelles saisons de culture », dit Radi.
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