Selon l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), le tourisme est un secteur qui « est à la fois très vulnérable aux changements climatiques et une source d’émissions de gaz à effet de serre ». A ce sujet, le tourisme en Egypte souffre gravement de l’impact des changements climatiques, surtout que 80 % des touristes en Egypte optent pour des stations balnéaires. « L’Egypte possède plus de 2 000 kilomètres de littoral sur la Méditerranée et la mer Rouge qui sont fortement exposés à l’élévation du niveau de la mer provoquant leur dégradation et l’érosion des plages, ainsi qu’aux catastrophes naturelles extrêmes telles les pluies torrentielles et les inondations », explique Saber Osmane, PDG de la fondation « Le climat de la terre pour le développement durable ». Il ajoute que les infrastructures situées au bord de la mer risquent d’être perdues en causant également des dégâts énormes pour l’économie du pays.
En outre, le développement du tourisme balnéaire de masse engendre une pression anthropique sur le littoral qui aggrave sa fragilité. Un autre impact aussi négatif sur le tourisme en Egypte est l’élévation de la température qui affecte les saisons touristiques. En fait, la haute saison du tourisme en Egypte se concentre en hiver. Or, cette saison est devenue de plus en plus courte en raison du réchauffement climatique. Par ailleurs, la saison du tourisme arabe en Egypte en été est affectée par la chaleur extrême qui frappe le pays, autrefois connu pour son climat modéré. Ce développement pourrait pousser les touristes arabes à se diriger vers d’autres destinations au climat modéré en été.
En même temps, le secteur du tourisme souffre d’une pénurie d’eau. En fait, le secteur dépend de la qualité et de la disponibilité des ressources en eau pour remplir les piscines et irriguer les terrains de golf, ainsi que pour les usages quotidiens des touristes. « Le gaspillage de l’eau et sa pollution à cause des activités humaines peuvent coûter cher au secteur du tourisme dans le futur proche », avertit Osmane. D’après lui, le secteur du tourisme en Egypte dépend également de la qualité des eaux de baignade dans les zones côtières connues par leurs eaux cristallines d’azur. L’élévation du niveau de la mer réduit la superficie des plages et augmente le risque d’inondation, voire de pollution. Les données recueillies ces dernières années montrent que le recul des plages se poursuit à des vitesses comprises entre 0,1 et 0,5 m/a. « On prévoit que les plages reculent d’un mètre pour chaque élévation d’un centimètre du niveau de la mer. Selon ce scénario, la perte potentielle de plages est de 20 à 80 mètres d’ici 2090 », estime Osmane.
Les effets sur les récifs coralliens
Le tourisme de plongée risque aussi d’être durement touché par l’impact du réchauffement climatique sur les récifs coralliens. A savoir que l’augmentation de la température de la mer à cause du réchauffement climatique et des émissions de carbone élève aussi son acidité et affecte profondément la biodiversité marine. Ainsi les récifs coralliens de la mer Rouge qui attirent des milliers de plongeurs des quatre coins du monde sont menacés par le réchauffement climatique. Le secteur risque de perdre une grande partie de son revenu provenant de ce genre important de tourisme qui rapporte à l’Egypte environ 7 milliards de dollars par an.
« L’Egypte risque de perdre plus de 90 % de son revenu du tourisme lié aux récifs coralliens d’ici 2100. Les coraux sont des écosystèmes fragiles menacés de disparition partout dans le monde à cause du changement climatique, des tempêtes, de la pollution ou encore de la surpêche », avertit Khaled Allam, expert du projet de renforcement de l’organisation et de la gestion des réserves naturelles égyptiennes et auteur d’une étude présentée en marge de la 26e Conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques. D’après l’étude, les récifs coralliens vivent et prospèrent à des températures comprises entre 25°C et 40°C et si cette limite est dépassée, les récifs blanchissent et finissent par mourir.
En outre, les activités humaines ont également leur part de l’impact négatif sur le développement des récifs de la mer Rouge. Il s’agit notamment des méthodes de pêche illégales et destructives. D’après Nasser Kamel, secrétaire général égyptien de l’Union pour la Méditerranée, certaines régions du monde sont plus en danger que d’autres. « La mer Rouge connaît un réchauffement de 20 % plus élevé que la moyenne mondiale ».
« Bien que la situation des récifs coralliens en Egypte ne soit pas la pire parmi la liste des pays touchés par la hausse des températures dans le monde, on pense qu’elle sera gravement affectée en termes financiers, car l’Egypte se classe au premier rang mondial en termes de pays disposant des revenus les plus élevés du tourisme de plongée », alerte Allam. Ainsi, le risque que courent les récifs coralliens en Egypte inquiète les professionnels du tourisme, ainsi que les scientifiques.
C’est ainsi que Islam Mohsen, 37 ans, instructeur de plongée, déplore les effets du réchauffement climatique sur la mer Rouge. « On voit le corail, sous nos yeux, se décolorer et devenir tout blanc », se lamente-t-il. En fait, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) avait prévenu en 2018 ce scénario catastrophique et avait averti dans un rapport que sans des mesures radicales pour stabiliser la hausse des températures, 70 à 90 % des récifs coralliens disparaîtront dans les décennies à venir. Il s’agit d’un phénomène universel, puisque le rapport du Status of Coral Reefs of The World 2020, publié par le Programme des Nations-Unies pour l’Environnement (PNUE), rapporte qu’en 1998 seulement, 8 % des coraux du monde ont disparu.
L’Egypte, quant à elle, a lancé en mai dernier la stratégie 2050 pour lutter contre le réchauffement climatique et atténuer son impact dans tous les domaines. Cette stratégie repose sur la réduction des émissions de carbone en adoptant des plans de développement durable à basse émission, l’aptitude à gérer les crises engendrées par les changements climatiques, la formation de cadres capables de gérer ces crises, ainsi que la création d’un système de suivi, d’évaluation et de mesure des procédures adoptées afin de lutter contre les changements climatiques et leurs impacts.
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