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Pour un financement efficace de l’action climatique

Dr Mahmoud Mohieddine , Mercredi, 21 septembre 2022

Pour un financement efficace de l’action climatique

Le taux de 3% s’est répété à plusieurs reprises dans un nombre de rapports portant sur l’action climatique. Les émissions nocives causées par le continent africain tournent autour de 3% du total. Le chiffre de 100 milliards de dollars promis pour affronter la crise du climat depuis 2009 ne dépasse pas les 3% du total des besoins supplémentaires nécessaires annuellement pour que les Etats en développement puissent financer la baisse des émissions nocives, le transfert vers les sources d’énergie renouvelable et aussi pour assumer les coûts de l’adaptation aux effets de la détérioration du climat, dans les secteurs de l’agriculture, de la production alimentaire, de la protection de l’eau des fleuves et des océans contre la pollution, du maintien et du renforcement des infrastructures dans les villes et dans les zones rurales et côtières.

Le taux de 3% est également apparu dans un rapport dernièrement publié par le Centre mondial d’adaptation à Rotterdam portant sur le financement de l’adaptation en Afrique. Dans ce rapport, le taux de 3% désigne la contribution du secteur privé au financement des efforts d’adaptation au climat dans le continent africain dont le total a atteint 11,4 milliards de dollars, sachant que selon les estimations, les besoins annuels effectifs dépassent de 7 fois ce chiffre jusqu’en 2030.

La population de l’Afrique constitue 17% de la population mondiale, c’est-à-dire 1,4 milliard de personnes dont 40 % ne dépassent pas l’âge de 15 ans, avec une espérance de vie de 52 ans, qui est la moins élevée au monde. Le fait que le taux d’émissions nocives de l’Afrique ne dépasse pas 3% ne signifie pas qu’il faut se réjouir en pensant que ceci tient au fait que le continent suit les normes de l’action climatique. Ce chiffre est plutôt une preuve de la baisse de la production et de l’activité économique et consommatrice. Effectivement, le continent souffre du manque de services élémentaires, puisque 600 millions d’habitants sont privés des services d’électricité, sachant que 3 sur 4 personnes privées d’électricité dans le monde sont des Africains. C’est dans le continent africain qu’existent les taux les plus élevés d’extrême pauvreté dont souffrent aujourd’hui dans le monde plus que 865 millions de personnes. Bien que l’Afrique soit le continent qui contribue le moins aux émissions nocives, c’est en toute évidence le continent qui en souffre le plus et qui est le plus exposé aux effets du réchauffement climatique de la terre, responsable de la hausse des taux de désertification, de tempêtes, d’inondations et de sécheresse. Par conséquent, l’immigration forcée et le déplacement des populations, fuyant les effets de la détérioration du climat sur leur vie, sont en hausse continue.

Le financement des projets du climat souffre de nombreux défauts. Ce financement peut être décrit d’insuffisant, inefficace et injuste. Son insuffisance revient au fait que le financement qui a atteint 385 milliards de dollars ne représente même pas un sixième du financement nécessaire à la réalisation des objectifs de l’action climatique jusqu’en 2030. De plus, ce financement ne suffit pas à maintenir la hausse de la température de la terre à 1,5 % au-dessus de sa moyenne avant la Révolution industrielle.

Le financement du climat est également qualifié d’incompétent, parce que son processus peut durer 3 ans depuis l’étape d’évaluation des besoins des Etats concernés jusqu’à la disponibilité du financement nécessaire, ce qui signifie que les services essentiels continueront à être absents, comme les sources d’énergie, ou que les crises dureront plus longtemps à cause des répercussions de la détérioration écologique et climatique. Quant à l’injustice, ses preuves sont flagrantes. Les Etats qui causent le moins de détérioration au climat sont obligés de recourir à l’emprunt pour remédier à cette détérioration: plus de 60% du financement sont basés sur les emprunts. Le financement de l’action climatique est également biaisé contre l’adaptation, celle-ci ne profitant que de 15 à 25% du total du financement accordé par les institutions de financement, qui préfèrent le financement des programmes relatifs aux émissions et à la génération de l’énergie renouvelable, ce qui menace les investissements du secteur privé qui est le plus capable d’assumer les investissements dans le domaine de l’allègement.

Le rôle du secteur privé

Le rapport sur le financement de l’adaptation en Afrique montre que ce financement dans les différents domaines en Afrique constitue 97 % du financement général, réparti entre 30% de prêts faciles, 23% de crédits commerciaux et 42% de dons. Le secteur privé en assume 3% seulement. Il semble que l’utilité de l’investissement dans les projets d’adaptation n’est pas encore comprise par le secteur privé. Dans certains pays, il y a des efforts de collaboration entre le secteur gouvernemental et le secteur privé, mais la contribution du secteur privé reste insuffisante au niveau des projets d’adaptation.

Dans le cadre de l’initiative adoptée par la présidence égyptienne de la COP27 avec les comités économiques régionaux de l’Onu et les champions du climat, des opportunités sont apparues pour l’exécution de projets pouvant être financés par le secteur privé en Afrique, en Asie et en Amérique latine et dont les bases de données seront développées et exposées à la COP27 à Charm Al-Cheikh en novembre prochain.

Les indices de l’action climatique et de son financement dévoilent un besoin pressant de s’engager dans une réforme de la structure financière mondiale consacrée au financement du développement et du climat. La séparation voulue entre deux camps, celui du développement et celui du climat, leur a nui, causant l’éparpillement des financements et portant préjudice aux politiques financières et d’investissement, en particulier dans les Etats en développement. La COP27 est appelée à élaborer des rapports de suivi du financement international de l’action climatique, y compris la promesse des 100 milliards de dollars faite au Sommet de Copenhague. Ces rapports doivent mettre en lumière les traits de l’avenir du financement de l’action climatique et du développement après 2025, et aussi proposer des moyens et des mécanismes pratiques afin d’alléger la dépendance quant à l’emprunt international, de renforcer le rôle des investissements privés et de réviser les mécanismes de la baisse des dettes en investissant leurs revenus dans les domaines de l’action climatique, de la nature et de la diversité biologique. Il est également prévu que le sommet présente des exemples de créativité financière et de développement des marchés du carbone conformément aux besoins des Etats en développement, en plus de rapports sur l’investissement dans les domaines de l’environnement, les dimensions sociales et les règlements nécessaires pour interdire le «  blanchiment vert » et la tricherie dans l’emploi des investissements.

A ce propos, il est nécessaire d’assurer que les budgets des Etats et leurs dépenses publiques soient en concordance avec les priorités du développement et les visions du plan 2030, ainsi que les objectifs de l’action climatique. Le budget de l’Etat ne signifie pas uniquement des chiffres et des comptes portant sur les ressources de l’Etat et ses dépenses, mais également l’expression pratique des méthodes de développement de l’Etat et de ses priorités. C’est à travers le budget de l’Etat que la société prend connaissance des volets des dépenses des impôts et des autres ressources de l’Etat et que le secteur privé et les partenaires du développement découvrent les domaines d’investissement et de collaboration.

Publié dans Asharq Al-Awsat

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