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De Davos à Charm Al-Cheikh

Mercredi, 14 septembre 2022

Ceux qui ont assisté au Forum économique mondial de Davos ont remarqué des différences quant aux précédentes réunions. La première concerne la date du forum, tenu cette année au printemps et non en janvier   comme ce fut le cas depuis des décennies. De plus, certains ont avancé qu’à cause du réchauffement climatique, le climat en janvier sera pareil à celui de mai et qu’il n’y aura plus de neige en hiver. Selon les rapports scientifiques, nous ne sommes pas sur la bonne voie permettant de garder la température de la Terre à 1,5 degré Celsius de plus par rapport à l’époque d’avant la révolution industrielle. C’est le seuil que les savants ont fixé pour la continuité de la vie sur la Terre, bien qu’il y ait tout de même des dangers dépassant ceux que nous vivons aujourd’hui, alors que nous sommes encore au seuil de 1,1 degré, comme les inondations, la sécheresse et les incendies de forêts.

La une des publications répandues dans les   couloirs du forum reflétait les crises et les tensions géopolitiques actuelles. Sous le titre « Le monde après la guerre », la revue Foreign Affairs a montré le drapeau de l’Ukraine couvrant   presque la totalité du globe terrestre, comme expression de l’étendue de l’impact de la guerre, alors que Foreign Policy a voulu   se distinguer par des titres sur La Compétition du siècle, entre les Etats-Unis et la Chine.

La   couverture la plus choquante était celle du   magazine britannique The Economist, avec une illustration où les grains de blé sont remplacés par des crânes humains, sous le titre La Prochaine catastrophe alimentaire. Quant aux publications africaines et asiatiques, elles étaient plus pragmatiques, s’intéressant aux moyens pratiques de dépasser les crises actuelles.   Les crises énergétique, alimentaire et économique, en particulier l’inflation, les risques de la dette internationale et les craintes de récession ont dominé les séances, tandis que les débats ont focalisé sur les implications des crises géopolitiques et de la guerre en Ukraine.

Revenant sur la crise alimentaire actuelle   marquée par la hausse des prix et des   coûts de transport et de sécurisation de la   nourriture, en plus de la rareté des quantités   censées affluer vers les zones frappées par la sécheresse. Certes, la part des économies russe et ukrainienne dans l’économie   mondiale ne dépasse pas 4 % du PIB   mondial, mais prendre en compte ce seul   critère peut désorienter. Car malgré cette part relativement faible des deux pays dans le PIB   mondial, leurs contributions dans les secteurs de l’énergie et de l’alimentation sont   importantes. L’Ukraine exporte à elle seule 17 millions de tonnes de blé, soit 9 % du total   des exportations mondiales, et ses marchés sont concentrés dans des pays déterminés. Comment alors une exportation de moins de 10 % d’un produit de base peutelle provoquer une telle crise mondiale ? Cela revient à la politique économique   prévalant avant la crise ukrainienne dans   un monde qui ressemble plus à une arène   de combat qu’à une scène de coopération   internationale.

Les restrictions qui ont été imposées au commerce international par Donald Trump, beaucoup plus strictes que celles imposées   par ses prédécesseurs, et qui ont touché les   produits chinois après lui, ont paralysé l’action de l’Organisation mondiale du commerce. Diverses mesures protectionnistes ont été imposées par les uns contre les autres, sans prendre en considération les engagements internationaux, et ces mesures ont alors   atteint ceux qui scandaient les principes de la liberté du commerce.

Pour simplifier, disons que les transactions économiques sont basées sur des règles, toujours fixées par la partie la plus forte, qui s’accapare la plus grande part de gains et laisse une part inégale aux autres parties   du jeu. Mais si le jeu continue et les plus faibles deviennent maîtres de ses règles et réalisent des profits, la partie dominante commence par faire preuve d’indulgence   pour montrer qu’elle respecte les règles.   Mais si elle continue à perdre, elle essaie de   changer rapidement les règles du jeu dans le but de retrouver les anciens gains. Ce qui s’est passé dans la crise alimentaire est encore plus féroce. Avec la perturbation   des lignes d’approvisionnement   ukrainiennes, les gouvernements ont oublié les règles de la liberté du commerce. Selon le grand économiste à la Banque mondiale et conseiller du gouvernement indien,   Kaushik Basu, 26 Etats ont pris des mesures d’interdiction de l’exportation des produits   alimentaires. Ce qui a engendré des hausses   consécutives des prix à cause du stockage et du monopole des marchandises. Les commerçants et les individus ont fait de   même ; les premiers dans l’espoir de réaliser   des gains suite à la hausse des prix et les   seconds de peur de souffrir d’une pénurie. Mais en réalité, ce sont ces comportements   qui ont causé la pénurie.

Basu explique, dans un article publié   récemment, que l’expérience de l’Inde en   matière de réglementation interne de ses   marchés, pour éviter les comportements   nuisibles tels que le stockage et le monopole,   pourrait être profitable à l’échelle mondiale. Et ce, par le biais de l’instauration d’un   système contraignant de coopération internationale soutenu par des procédures   juridiques et des mécanismes permettant   de fournir la nourriture et prévenir les famines. Il a donné un autre exemple réalisé à travers la modification de la Constitution   américaine pour permettre l’instauration   de barrières de protection contre les crises alimentaires dans tous les Etats américains.   Malheureusement, il semble qu’il n’existe pas au sein de la communauté internationale   une volonté politique d’appliquer ces idées.   La coopération internationale est la   mesure minimale qui empêche un nouvel   effondrement pouvant affecter ceux qui   pensent être à l’abri des crises. Cependant,   il existe un soutien pratique à cette tendance   coopérative dans l’Accord de Paris de 2015 et les engagements contraignants de ses   signataires pour lutter contre le changement   climatique. Cet accord fait avancer les efforts   pour un climat sûr et un environnement propre, soutenus par les jeunes générations,   les organisations de la société civile et les  autres acteurs non gouvernementaux, y  compris le secteur privé, les entreprises et  les institutions financières.

Les questions de nutrition et d’alimentation font partie des sujets soutenus par la présidence du prochain sommet de Charm  Al-Cheikh en novembre. En effet, 800  millions de personnes sont privées de   nourriture et 76 % de la population mondiale  compte pour sa nourriture sur des cultures   qui sont menacées par le changement  climatique, sans oublier la modification de   leur qualité à cause de l’augmentation des   émissions de carbone. D’où la nécessité  d’adopter des projets communs dans les  domaines de l’agriculture, de la nutrition,   de l’énergie et de la gestion de l’eau afin   de transformer les idées ingénieuses en   investissements significatifs. Un sujet  qui sera abordé en détail lors de sessions   spécialisées précédant la COP27 à Charm  Al-Cheikh, qui adopte le slogan pratique   « Ensemble vers la mise en oeuvre ».   Après la réitération des promesses et des  engagements pendant de longues années, il   est grand temps de passer à l’action. 

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