Dans une tentative sans précédent en prélude à la COP27, que l’Egypte accueillera à Charm Al-Cheikh en novembre prochain, la présidence du sommet a programmé, en collaboration avec les Nations-Unies et les pionniers du climat, 5 forums régionaux en août et septembre. Le premier a été organisé par la commission économique des Nations-Unies pour l’Afrique qui réunit tous les pays du continent et auquel ont participé 400 représentants de gouvernements, du secteur privé, des institutions financières, des bureaux de consultation et de la société civile. Cette initiative prouve que l’action climatique en vue de l’allègement des émissions nocives peut apporter des solutions aux crises actuelles que le monde affronte, surtout en ce qui concerne la hausse des prix de l’énergie et des aliments. Outre le fait que le financement de l’action climatique offre des chances importantes pour l’investissement, ce financement peut ne pas représenter une source additionnelle de dettes qui alourdirait le fardeau des pays en développement.
Les pays ont souffert d’une tendance incorrecte de confiner l’aspect durable à l’allègement des émissions de CO2 et à leur tarification. Ils se sont également limités au financement annuel d’un milliard de dollars promis par les pays développés à la réunion de Copenhague en 2009 et qui n’ont pas été versés totalement jusqu’ici. Les engagements se sont multipliés de la part de gouvernements et d’entreprises pour l’action climatique, mais les rapports annuels viennent prouver que nous sommes encore loin des objectifs de zéro émission de CO2 et qu’il est même difficile d’atteindre le chiffre, qu’il ne faut pas dépasser, de 1,5 degré de hausse de la température terrestre que nous avions enregistré suite à la première révolution industrielle.
La contribution de tous les pays africains dans les émissions nocives au climat ne représente que 3% du total des émissions mondiales de CO2. Ce taux ne signifie pas que ces pays produisent et consomment avec une technologie en accord avec l’accord de Paris. Mais au contraire, il reflète la tragédie de la faiblesse de la production et la baisse des moyennes de consommation. Il n’est pas concevable que le continent le plus pauvre persiste dans sa pauvreté et que la moitié de ses habitants demeurent privés de l’électricité et de l’énergie propre. Trois de 4 individus privés des services d’électricité sont des Africains. Bien que l’Union européenne ait justifié son usage du gaz naturel comme une source de transition énergétique, il n’en demeure pas moins qu’il existe toujours une intransigeance face à l’usage des pays africains du gaz naturel. Si nous comparons la moyenne du quota de l’individu en Afrique par rapport à ses homologues des pays développés, on verra que, par exemple au Tchad, au Niger et en Afrique centrale, il ne dépasse pas 10 % d’une tonne de CO2 , soit 160 fois moins que le quota de son homologue australien et 55 fois moins que le quota d’un Français ou d’un Anglais. On n’est surtout pas dans une course pour savoir qui est plus nocif à l’environnement, mais nous sommes en train de pousser vers une croissance globale et équilibrée à travers une technologie en accord avec les objectifs de développement durable et l’accord de Paris. Nous sommes en quête d’une formule qui garantirait une gestion équitable et efficiente des usages de l’énergie, sans laquelle les pays ne verront aucunement un progrès ou un développement.
Les priorités ont été traduites en des sessions et des ateliers de travail au premier forum régional africain tenu sous l’intitulé « Vers la COP27: Des initiatives de financement de l’action climatique et les objectifs du développement durable ». Les axes étaient les suivants: le transfert juste à l’énergie, la sécurité alimentaire, les marchés du CO2, l’économie bleue, et la gestion de l’eau et des villes.
Les sessions de discussions au premier forum régional africain ont mis l’accent sur la nécessité d’accorder un intérêt à la mise en vigueur des engagements pris. D’ailleurs, le ministre des Affaires étrangères qui est chargé du dossier de la COP27, Sameh Choukri, a souligné ce point dans son allocution. Les participants, qui sont des responsables africains, ont parlé à leur tour à l’unanimité de la nécessité que les mesures de l’action climatique soient conformes aux objectifs du développement durable et de lutte contre les crises actuelles des prix des aliments et de l’énergie. Ce qui a été affirmé dans les déclarations d’Amina Mohamed, la sous-secrétaire générale de l’Onu.
J’ai personnellement parlé dans mon intervention de l’importance de la coordination, quoique absente, au niveau du financement, de l’investissement et du développement. J’ai réitéré que ces domaines sont conçus comme des îles isolées. J’ai dit que les institutions de financement affichent leurs bonnes intentions de financement, mais que les projets qui y sont dignes font défaut. En revanche, les responsables des secteurs de production et d’infrastructure affirment dans leurs conférences la disponibilité des opportunités dans divers projets, mais que le financement leur manque.
Les investissements proposés sont minimes face à l’engagement de Copenhague de procurer 100 milliards de dollars, qui ne représentent en effet que 5% seulement des besoins des pays en développement en matière d’action climatique. Il est donc indispensable de revoir les investissements et rechercher des sources additionnelles de financement. Ajoutons à cela que le haut taux de dettes requiert de l’investissement, des aides et le recours aux crédits avec des facilités à long terme. Dans ce contexte émergent les moyens d’innovation financière et de Blended Finance (financement mixte), et la réduction de la dette au profit de l’environnement. Ajoutons à cela le développement des marchés de CO2 en conformité avec les besoins des pays en développement.
La carte gagnante dans la course climatique est l’investissement dans les individus et dans leur compétence dans les secteurs technologiques, y compris le transfert numérique et son infrastructure de base. La dépendance mutuelle entre la technologie et l’aspect durable devient de plus en plus claire, surtout au niveau de la réduction des coûts de la production de l’énergie et de ses sources renouvelables, ainsi que les moyens de minimiser les émissions de CO2. Cela a nécessité une stratégie complémentaire pour tirer bénéfice des nouveautés de l’ère numérique. Ce forum africain avec les solutions qu’il a mises sur le devant de la scène et ses perspectives de projets n’est qu’un début qui sera suivi de 4 autres forums dans les semaines à venir et qui verront le jour dans les sièges régionaux de la commission économiques des Nations-Unies à Bangkok, en Amérique latine, dans les Caraïbes, à Beyrouth et, enfin, à Genève, en Europe. Le bilan de ces forums et les projets d’investissement qu’ils proposent, ainsi que leurs recommandations seront annoncés à la COP27 à Charm Al-Cheikh. Un sommet qui se penchera sur l’application des engagements.
Article publié dans Asharq al-Awsat le 17/08/2022.
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