Al-Ahram Hebdo : Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste l’initiative We Are que vous avez lancée à l’occasion de la Conférencede l'Onu sur le changement climatique (COP27) ?
Okito Wedi : WE!ARE cherche à inspirer les jeunes de tout le continent africain afin de partager leur vision de l'Afrique qu'ils veulent voir et à exprimer leurs demandes liées à la justice climatique pour leurs communautés, à travers le dialogue et l'expression créative, et ce, afin de placer ces derniersau centre de l'appel à la justice climatique. Plus précisément, en rejoignant le mouvement WE!ARE, les jeunes des communautés vulnérables au climat agiront par le biais de l’entrepreneuriat et de la participation à des ateliers, des événements culturels et des dialogues.
— Qu’est-ce que la justice climatique et comment la réaliser ?
— Malheureusement, le changement climatique est le deuxième facteur causant la famine dans le monde, commeil est la principale cause de pauvreté et de déplacement forcé en Afrique.La justice climatique vise alors à remédier aux effets disproportionnés du changement climatique sur les communautés touchées par le biais de stratégies d'atténuation et d'adaptation à long terme.Malgré les profondes répercussions du changement climatique sur les droits de l'homme et la justice sociale, la justice climatique reste l'une des questions politiques les moins comprises et les moins socialisées du développement africain contemporain. La nécessité de socialiser la question du changement climatique est exacerbée par le fait que seulement 40 % de la population africaine est familiarisée avec lui. En tant que tel, la jeunesse africaine doit se manifester maintenant et parler de justice climatique pour préserver notre continent.
— Peut-on en savoir plus sur l'organisation africaine Crtve Development et ses objectifs ?
— Crtve Developmentest une agence sociale panafricaine qui promeut le développement sur le continent africain à travers des récits et des campagnes sur des questions-clés, telles que la justice climatique, la sécurité alimentaire, le genre, la santé, la migration et la paix. Nous utilisons le pouvoir de l'art, de la technologie, du journalisme et de la recherche pour défendre un développement africain inclusif, qui relie le peuple et les responsables politiques.
— Comment voyez-vous le rôle des institutions de la société civile et leur impact sur les décideurs, dans les questions ayant trait au climat ?
— Au nom de Crtve Development, nous utilisons l'art et la créativité comme outil de développement. Le rôle des ONG et des organisations locales dans l'influence sur les questions, les lois et les pratiques nationales et régionales liées au climat reçoit une attention croissante et est attendu depuis longtemps. Elles ont le pouvoir d'inspirer l'engagement au niveau communautaire et politique, menant à l'action, au développement et à l'impact. En contextualisant les problèmes liés au climat sur le terrain et en renforçant le lien entre le changement climatique et d'autres questions de développement, les ONG jouent un rôle important en comblant le fossé entre les politiques et les communautés, ainsi qu'en créant un consensus politique et public autour de voies de développement à faible émission de carbone qui peuvent créer des communautés et des économies africaines pacifiques, prospères et résilientes.
— Bien qu'il soit le moins polluant, le continent africain est le plus touché par le changement climatique. Comment peut-on faire pression sur les pays industrialisés pour qu'ils respectent leurs engagements envers l'environnement et le continent ?
— Pendant trop longtemps, l'histoire du changement climatique a été écrite par les pays industrialisés. Les solutions qui ont été proposées pour cette questionont principalement prisen compte les personnes vivant dans des régions et des pays comme l'Europe, le Royaume-Uni, le Canada, les Etats-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Nous avons besoin de solutions locales pour résoudre les problèmes liés au changement climatique.Cela veut dire que les peuples africains doivent prendre l'initiative dans l'élaboration d'un récit panafricain autour du changement climatique. Le potentiel des énergies renouvelables de l'Afrique reste inégalé. C'est le continent le plus susceptible de combiner industrialisation et croissance décarbonée. Sept des dix pays les plus ensoleillés du monde se trouvent en Afrique, un formidable atout pour l'énergie solaire. L'Afrique possède 10 % du potentiel hydroélectrique mondial. L'Afrique est une plaque tournante idéale pour la fabrication de technologies vertes. Avec ces opportunités à l'esprit, nous devons explorer la justice climatique dans un contexte africain et trouver des solutions locales qui fonctionnent pour notre continent. Si nous voulons lutter contre la crise climatique, nous devons faire face à l'héritage colonial du changement climatique.
— Pour s’adapter aux changements climatiques, les pays africains doivent mettre en œuvre de multiples projets verts. Or, le financement fait défaut. Comment remédier à ce problème ?
— Selon le rapport sur l'état du climat en Afrique commandé par l'Organisation météorologique mondiale, le coût de l'adaptation au changement climatique en Afrique s'élèvera à 50 milliards de dollars par an d'ici 2050 pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2°C. En outre, le Groupe de la Banque africaine de développement indique que l'Afrique aura besoin de plus de 3 000 milliards de dollars d'aide extérieure d'ici 2030 pour essayer de tenir notre promesse de Contributions déterminées au niveau national (NDC) à l'Accord de Paris. Au vu de ces statistiques, il est impératif que les pays émergents, notamment en Afrique, aient accès au financement climatique. Les pays les plus émetteurs sont invités à s'engager et à respecter leurs engagements financiers envers le continent.En même temps, nous avons besoin d'une action climatique plus ambitieuse de la part des gouvernements africains et du secteur privé dans la lutte contre le changement climatique et les peuples doivent prendre l'initiative de raconter notre histoire africaine et de trouver des solutions locales.
— En quoi consiste votre agenda d'action pour la COP27 qui se tiendra en novembre ?
— La campagne WE!ARE se déroule du Jour de la Terre 2022 au Jour de la Terre 2023. Par le biais du mouvement WE!ARE, nous visons à construire une narrative panafricaine sur la justice climatique avant la COP27 et au-delà. Lors de la COP27, Crtve Development accueillera une vitrine pop-up qui se basera sur le thème « L'Afrique que nous voulons voir ».
— Comment évaluez-vous les efforts de l’Egypte pour faire face au problème du climat ?
— Le changement climatique affecte l'Egypte. Par exemple, le Nil est en danger en raison de l'évaporation excessive de l'eau due à une chaleur excessive. Cela signifie que le changement climatique est également lié à la sécurité. En cas de sécheresse ou d'inondation, la sécurité de nombreuses personnes est affectée.
La COP27 se déroule sur le sol africain. En tant que tel, nous sommes reconnaissants pour les engagements de l'Egypte à faire entendre la voix de l'Afrique à la COP27. La voix de l'Afrique est importante, car elle est plus durement touchée par le changement climatique que tout autre continent, bien qu’elle soit le continent le moins responsable des effets de ce changement.
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