Al-Ahram Hebdo : Dans le cadre des préparatifs de la COP27, l’Egypte a organisé plusieurs réunions de coordination. Comment estimezvous cette coordination ? L’ambassadeur Mohamed Nasr : Les conférences sur les changements climatiques ont évolué. Il s’agissait de simples discussions sur les questions environnementales au début des années 1990. En 2009 à Copenhague, on a vu apparaître la dimension politique et de développement. Aujourd’hui, il s’agit désormais d’un mélange de politique, de développement et d’environnement. On l’a vu avec l’accord de Paris. Donc, les conférences sur le climat requièrent une préparation politique et des réunions au niveau ministériel. Au niveau technique, de nombreuses consultations ont eu lieu avec les chefs des délégations pour préparer la partie gouvernementale des négociations, à travers laquelle sont prises les décisions qui détermineront la conduite à adopter face aux changements climatiques. Sans oublier les préparatifs avec les organisations internationales, les institutions financières et le secteur privé. L’importance de cette coordination à plusieurs niveaux réside dans la mobilisation du soutien nécessaire et la réalisation d’un consensus sur les sujets en discussion. Il s’agit aussi de développer la prise de conscience quant à l’importance de la conférence, afin d’assurer une large participation.
— Pourquoi la communauté internationale a-t-elle du mal à mettre en oeuvre les engagements climatiques ?
— A l’échelle internationale, il existe de nombreux défis, notamment la crise en Ukraine et la hausse des prix des produits alimentaires, de l’énergie et du carburant. La crise du financement dans les pays développés, que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis, a entraîné une augmentation du coût des projets dans les pays en développement. Il y a également le problème de l’endettement des pays en développement. La plupart des pays ont peu de capacités à attirer les investissements. La crise énergétique a également incité certains pays à renoncer à leurs plans de transformation énergétique. L’accord de Paris et le pacte de Glasgow n’ont pas pris en compte la dimension socioéconomique du problème climatique. Un autre défi est comment parvenir à une transition juste car, avec les changements climatiques, les pays en développement sont sous pression pour trouver des ressources supplémentaires. Il faut donc fournir des ressources aux pays en développement adaptées à leurs besoins à travers des outils de financement appropriés. De nombreux pays en développement ne peuvent pas contracter de nouveaux prêts en raison notamment de l’augmentation des taux d’intérêt.
— Quelle est la vision égyptienne concernant ces défis ?
— La vision égyptienne se résume à la nécessité d’appliquer les engagements et de passer de la phase de la planification à celle de la mise en oeuvre sur le terrain. Il faut aussi mettre en place des projets réussis dans les pays en développement. L’Egypte estime que le financement doit réaliser des avantages pour le climat et ne pas seulement réduire les risques liés au climat, afin d’obtenir d’autres rendements en lien avec le développement durable à travers l’environnement. Une transition climatique juste doit tenir compte du développement durable, de la création d’emploi et de la réalisation d’une vie décente dans les pays en développement qui souffrent de taux de chômage élevés. L’Egypte a lancé plusieurs initiatives dans le domaine de l’énergie, des transports et du pétrole, et tout cela figure dans son rapport soumis à la Convention-Cadre des Nations-Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) dans le cadre de ses engagements suivant l’accord de Paris.
— L’Egypte cherche à établir un agenda africain unifié. Quels sont les dossiers les plus importants de cet agenda ?
— L’objectif de l’agenda est de parvenir à une transition juste. Il existe de très nombreux pays africains qui ont un potentiel en carburants, qu’il s’agisse de pétrole ou de gaz, et qui veulent l’utiliser. Ils ont aussi des besoins en matière de développement. Il convient de donner une opportunité à ces pays au lieu d’alourdir les charges financières qui incombent aux générations futures. Il est important d’éradiquer la pauvreté et de parvenir à un développement économique qui aille de pair avec le développement environnemental. 600 millions d’Africains n’ont pas accès à l’énergie, c’est un problème majeur. Il faut leur fournir de l’énergie à des prix adaptés à leurs capacités. L’Afrique est le continent le plus touché par les changements climatiques. En raison de l’absence de messages clairs provenant du continent dans son ensemble, l’Egypte cherche à mettre en place un agenda clair et unifié qui représente tous les pays du continent.
— Comment voyez-vous la diplomatie climatique utilisée par l’Egypte pour faire réussir la conférence ?
— Cette conférence mondiale rassemble environ 20 000 à 30 000 représentants gouvernementaux, ainsi que des organisations de la société civile et du secteur privé. Il s’agit donc d’un cadre de négociations très difficile. Entre 120 et 150 thèmes seront discutés en même temps pendant deux semaines pour arriver à des résultats dans toutes les voies des négociations. La diplomatie joue un rôle majeur pour faciliter les négociations, trouver un terrain d’entente et mettre en place des mesures conformes aux aspirations de chacun.
— Quels sont les gains que l’Egypte tirera de l’organisation de cette conférence aux niveaux régional et international ?
— Organiser une conférence internationale multilatérale confirme la capacité de l’Egypte à gérer et à diriger des négociations très complexes. Tout cela souligne le poids de l’Etat égyptien et sa capacité à représenter le continent africain, mais aussi sa capacité à diriger les négociations sur le climat qui mêlent aspects techniques, politiques et de développement. La tenue de cette conférence souligne également les efforts de l’Egypte pour se transformer en une économie verte. L’Egypte a proposé de nombreuses initiatives, notamment dans les domaines de l’énergie, de l’eau, de l’agriculture et de l’alimentation.
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