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Du football à la révolution, en images

Dina Kabil, Lundi, 03 décembre 2012

Marginalisés avant le 25 janvier, les Ultras sont désormais au coeur de la contestation politique. Un nouveau livre retrace le parcours de ces jeunes à travers leurs dessins. « La liberté arrive indubitablement » est devenu leur slogan.

Graffitis
La culture underground : un mot qui a séduit Chérif Abdel-Méguid, auteur de deux livres de photographies sur les graffitis. Cet art, expression de laprotestation des masses, est né empiriquement en Egypte avec la révolution du 25 janvier 2011. Il a grandi et s’est développé avec elle. Le photographe Chérif Abdel-Méguid serange lui-même sous le label de « marginalisé ». Il est allé, l’appareil photo en main, suivre les traces des graffitis éparpillés dans les différents gouvernorats pour produire des centaines de clichés. La plupart des grafs immortalisés n’existent plus aujourd’hui. Abdel-Méguid en a sélectionné 200 dans un premier temps pour signer le premier volet de son projet de documentation : Ard ard, hékayet sawret al-graffiti (terre terre, l’histoire de la révolution du graffiti) publié aux éditions Gebo et lauréat du prix du meilleur livre de l’année au Salon du livre du Caire. Dans un deuxième temps, il sort un second livre, où il braque son appareil toujours sur les graffitis, mais cette fois-ci uniquement sur ceux créés par des groupes de fans de football : les Ultras, impliqués avec force dans la révolution. Dans Al-Horriya gaya labod, graffiti al-Ultras (la liberté arrive indubitablement, les graffitis des Ultras), Chérif Abdel-Méguid a voulu « relever le rôle patriotique des jeunes Ultras »
comme il l’écrit en introduction. « On connaît le rôle joué par ces jeunes dans la révolution de janvier, dans les événements de la rue Mohamad Mahmoud, dans la protection des famillesdes martyrs de la révolution lors du jugement du président déchu, dans les événements du Conseil des ministres et leur sit-in noble devant le Parlement, où ils ont demandé justice pourleurs confrères tués au stade de Port-Saïd », poursuit-il. Avant de devenir le centre de la contestation politique, les Ultras étaient des groupes distincts entourant leurs clubs préférés, souventmarginalisés et cibles favorites de la répression de la police. Tels les graffeurs, héros de son premier livre, les Ultras sont des soldats inconnus. Les premiers étaient des créateurs de dessins et de slogans dénonçant l’oppression, les seconds des renforts pour les révolutionnaires devenus de facto le coeur de la contestation.
Politique et football
Autre point de litige : la mainmise des hommes d’affaires sur les matchs de football. Lorsque les businessmen et les sociétés de publicités ont instauré un cryptage sur les chaînes sportives, les Ultras se sont mis en tête de détruire ce système qu’ils estiment injuste. Ils se présentent toujours comme des défenseurs de la justice avec un ennemi principal : les forces de police. Malgré l’effort déployé pour sélectionner les graffitis et les classer par clubs (Ahli, Zamalek, Ittihad, Ismaïli …), le livre peine sur la mise en page. L’impression du livre, confiée à la maison d’édition Nahdet Misr, spécialisée dans les livres scolaires, n’a pas su éviter le côté didactique de l’ouvrage. En dépit de la sortie d’un troisième livre collectif sur les graffitis Les Murs crient, aucun ne parvient à rendre jusqu’à présent les esthétiques propres de cet art nouveau. Le manque de lecture analytique sur les grafs et les tags laisse souvent le lecteur sur sa soif. Le lecteur est invité, dans le livre de Abdel- Méguid, à suivre la transformation des Ultras en révolutionnaires, mais sans véritablement comprendre ce que renferment les messages des grafs. « Ne me dis pas comment je dois encourager mon équipe », devient « Une fois,
un jeune est allé encourager son équipe, il est revenu mort » dans une allusion au massacre du stade de Port-Saïd avant de se transformer en « Tu peux écraser une rose, mais tu ne pourras pas retarder l’avènement du printemps » en soutien à la révolution. Aujourd’hui, les Ultras sont autant des supporters sportifs que des militants politiques.
Al-Horriya gaya labod, graffiti al-Ultras (la liberté arrive indubitablement, les graffitis des Ultras) de Chérif Abdel-Méguid, aux éditions Nahdet Misr, 2012.
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