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Au passé comme au futur

Mona Aboul Nasr, Mardi, 20 novembre 2012

livre

La version en anglais du livre de l’éminent intellectuel turc Ekmeleddin Ihsanoglu, Turks in Egypt and their Cultural Legacy (les Turcs en Egypte et leur héritage culturel), traduit du turc par Hamphrey Davies, vient de paraître aux éditions AUC Press. Cette édition dans la langue de Shakespeare vient rejoindre les autres traductions de ce même livre, notamment en arabe, qui rencontrent un vif succès.

Le livre constitue un apport scientifique et académique remarquable aux études sur le multiculturalisme et les échanges culturels entre les différentes rives de la Méditerranée. L’auteur, cairote de naissance et ancien étudiant de l’Université de Aïn-Chams, est lui-même un exemple vivant et touchant de ce multiculturalisme. Cet ouvrage pourrait s’imposer comme une référence pour les chercheurs intéressés par la turcophonie, la culture de l’Empire ottoman et de l’Anatolie et, bien sûr, l’influence turque dans les traditions et les cultures ancestrales égyptiennes. Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, déclare dans sa préface du livre dans sa version arabe : « Cette étude est une première du genre ... et elle nous explique clairement à quel point l’interaction culturelle et l’enchevêtrement des destins entre Le Caire et Istanbul se sont construits au fil des siècles ».

Ihsanoglu a assisté à la cérémonie de dédicace de son livre au Caire, ville dont il est profondément imprégné, et qui a peut-être, par sa richesse historique et culturelle et son caractère résolument cosmopolite, inspiré sa vocation d’écrivain.

Ce livre est à n’en pas douter un signe de loyauté de son auteur vis-à-vis des deux pays, des deux cultures et des deux langues qui ont façonné sa vie et sa personnalité. Au cours de ses années cairotes, Ekmeleddin Ihsanoglu s’est forgé une identité particulière et forte, qui se reflète aussi bien dans son œuvre politique que dans son œuvre littéraire et académique. Ihsanoglu met l’accent sur l’harmonie, le développement et l’exercice, simultané dans les deux cultures, d’un islam modéré, moderne, universel et tolérant, qui était le trait commun de toutes les grandes métropoles de l’Empire. Cette tradition d’ouverture s’est construite dans ces grandes villes au cours des siècles, et c’est ce qu’il souhaite que l’Histoire retienne.

Apprécier la réussite

L’Egypte a été largement influencée par la culture turque. Cette influence se ressent encore aujourd’hui, et jusque dans ... les feuilletons télévisés, que suit une large tranche d’Egyptiens, depuis Le Harem du sultan à Fatma et bien d’autres. Ces feuilletons poussent aussi les Egyptiens à se rendre en Turquie, curieux de voir ses merveilles. D’autres s’y rendent pour apprécier de près la réussite du modèle politique turc d’obédience islamiste. Nombreux sont également des hommes d’affaires post-révolutionnaires en quête de nouvelles opportunités de marché. Il n’est pas rare aujourd’hui d’entendre l’expression « le rêve turc », qui semble avoir détrôné le « rêve américain ».

Ihsanoglu nous emmène dans un voyage au cœur de l’empreinte socioéconomique de la culture contemporaine turque et de ses ressortissants en Egypte. Le secrétaire général de l’Organisation de la coopération islamique a entamé cette étude en 1962. Il a fait le recensement le plus informé et le plus précis possible du nombre de Turcs qui se sont implantés en Egypte depuis le XIXe siècle, et s’est employé à retracer la diffusion de la langue turque et de la culture ottomane, notamment dans les milieux aristocratiques. Lorsqu’il évoque Mohamad Ali pacha, il le surnomme « le moteur de la ressuscitation de cette culture en Egypte ». Il revient, en effet, à ce souverain le mérite de sa transmission à la nouvelle couche aristocratique issue de la modernisation de l’Egypte. L’existence officielle des ressortissants ottomans en Egypte remonte à 1517 avec la victoire des Ottomans contre les Mamelouks. Ihsanoglu considère que c’est la Révolution de 1952 qui a mis effectivement fin à la diffusion de la culture turque, parce qu’elle était davantage louée et transmise parmi la couche aristocratique.

Le livre parle en détail de l’influence de la culture turque, notamment de l’éducation turque dans les écoles égyptiennes mais aussi au sein de l’armée. Il retrace aussi les influences mutuelles qui se sont exprimées grâce à la traduction, à l’édition ainsi qu’à la presse, rappelant au passage que le journal égyptien Al-Waqaë Al-Masriya (faits égyptiens) fut le premier journal du monde ottoman publié par les musulmans à partir du Caire et à partir de 1828.

Document historique de valeur, le livre apporte des témoignages incontestables, photos à l’appui, enrichis de statistiques, d’illustrations et d’analyses. Il contient aussi un CD .

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