« Nous parlons
dans cet ouvrage d’une organisation supposée être solide du point de vue idéologique. Nous parlons des Frères. Dans leurs discours et leurs positions sur tous les plans, il y a une versatilité qui atteint une limite choquante d’opportunisme ». L’écrivain et journaliste Mohamad Téema a préféré rassembler dans un ouvrage plusieurs de ses articles sur la confrérie en les actualisant. Il les avait écrits à différentes occasions. Il s’agit de l’ouvrage intitulé
Les Trahisons des Frères musulmans ...
L’école de la versatilité. La maison
Merit en a récemment publié la deuxième édition.
Téema vise un genre de documentation du changement d’opinion de la confrérie et de ses positions, dans toute son histoire, de son alliance avec le pouvoir, quelles que soient les idéologies, et de ses relations avec l’Occident depuis les années 1920. La lecture de cet ouvrage permet une comparaison entre les positions des Frères en Egypte, mais aussi les Frères de pays arabes comme le Hamas à Gaza, les islamistes du Maghreb, ceux au Soudan, en Somalie, en Iraq et en Syrie.
L’écrivain présente la contradiction de leurs discours et actions : la façon de porter le foulard islamique d’un pays à l’autre, bien qu’il soit un symbole. La civilité de l’Etat contre l’Etat religieux : ils acceptent un Etat civil au Maghreb et le rejette en Egypte. Ils défendent l’« Emirat de Gaza », comme le qualifie l’auteur, malgré leur silence, et alors que le défunt leader Arafat était assiégé. Une contradiction des positions qui atteignent le niveau de la trahison, selon l’auteur. « Ils parlent de leur hostilité au projet sioniste américain en Iraq, en Afghanistan, en Somalie, en Palestine et au Liban, mais les Frères sont entrés en Iraq sur les chars américains, en Syrie, ils se sont engagés à négocier directement avec Israël s’ils arrivent au pouvoir. La confrérie a soutenu les deux régimes royaux du Maroc et de Jordanie malgré leurs relations avec Tel-Aviv et Washington … les Frères du Hamas combattent Tel-Aviv, mais ceux de l’Egypte entrent en négociation avec ce pays ... leur versatilité se transforme en différends lorsqu’ils commencent à prendre leur part de pouvoir comme au Soudan … C’est donc de la politique et non de la religion », explique Téema dans son introduction.
Versatilité depuis toujours
Téema parcourt l’histoire des Frères musulmans depuis leur fondateur, Hassan Al-Banna. Il suit les relations étroites avec la Grande-Bretagne qui occupait l’Egypte à l’époque, et l’alliance de son fondateur avec le gouvernement d’Ismaïl Sedqi, nommé « le flagellateur du peuple », et que les Frères ont considéré comme « un prophète ». Ils le soutenaient contre le mouvement national des ouvriers et des étudiants. Ils ont accepté d’être exploités par le pouvoir pour combattre le parti politique de l’opposition à l’époque, Al-Wafd, et tout mouvement qui s’oppose au gouvernement. Ils étaient également utilisés par Sadate pour combattre les communistes. Selon Téema, ils ont joué le même rôle à l’époque de l’ancien régime dirigé par Moubarak. « En avril 2004, les Frères ont utilisé le mouvement Kéfaya pour gêner le régime … Le juriste Ahmed Kamal Aboul-Magd a déclaré à l’époque sa médiation entre les Frères et le régime … Quelques années plus tard, Mahdi Akef, guide suprême des Frères, a dévoilé avec spontanéité qu’ils avaient vendu le mouvement politique contre des dizaines de sièges au Parlement de 2005 », assure Téema dans son ouvrage. Selon lui, les Frères ne cessent de mentir et de changer d’opinions comme de chemises. Comme ils ont trahi leurs collègues au sein du mouvement Kéfaya, ils ont trahi les révolutionnaires dans la place Tahrir et ils ont négocié avec le général Omar Soliman lors de la révolution du 25 janvier 2011.
L’écrivain consacre une partie de son ouvrage à la défiguration de la religion par les Frères musulmans pour diviser le peuple : les chrétiens coptes se sentent opprimés et les groupes extrémistes sont de plus en plus nombreux, notamment après l’époque de Sadate. Bien que l’auteur soit optimiste au terme de son ouvrage, en prenant le quartier de Choubra au Caire comme exemple de coexistence et de solidité du tissu social entre musulmans et chrétiens en Egypte.
Qu’il s’agisse de l’autre ou de la femme, « le slogan : L’islam est la solution est tellement flou qu’il dévoile des solutions et des islams ». La contradiction atteint son apogée lorsque les Frères du Maroc acceptent qu’une femme soit à la tête de l’organisation, mais que leurs homologues au Caire rejettent la reconnaissance même de ses droits à une participation à la gestion de l’organisation.
Mohamad Téema a consacré son ouvrage aux politiques des Frères musulmans qui consistent à montrer plusieurs faces, nombreuses explications et justifications d’une même cause, des enregistrements pour les proches et les négociations en secret. Mais ces politiques étaient menées en coopération avec les anciens régimes depuis l’occupation anglaise, les hommes du palais royal, et aujourd’hui, la présidence. La dualité Frères-ancien régime demeure contre la volonté nationale, qui aspire à la liberté de la pensée nationale, la justice sociale et la dignité. L’école de versatilité n’est pas consacrée seulement aux Frères, elle l’est aussi à l’ancien régime qui utilise les mêmes méthodes pour régner et qui essaie de reprendre le pouvoir l
Les Trahisons des Frères musulmans ... L'école de la versatilité, de Mohamad Téema. Editions Merit 2014.
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