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Apocalypse Now, version 2024

Rania Hassanein , Mercredi, 25 septembre 2024

L’écrivaine Radwa Al-Aswad décrit la fin du monde dans son roman dystopique Univers. Les menaces qui frappent la terre sont narrées à l’aide d’une voix féminine.

Apocalypse Now, version 2024

Le bruit des avions portant les aides alimentaires ne s’arrête pas, survolant la région infestée par la pandémie, où les gens meurent. Une femme s’apprête à enterrer le cadavre d’un homme, au prénom de Hatem, dans le jardin de sa maison. C’est ainsi que s’ouvre le roman dystopique de l’écrivaine Radwa Al-Aswad, intitulé Univers.

La famine et l’odeur nauséabonde de la mort règnent sur l’oeuvre, mettant en scène des personnages dans un état de folie, prêts à tout afin de vaincre leur destin.

On découvre par la suite que Mirette enterrait son mari, tué par la maladie, avant de commencer sa guerre contre tout ce qui altère son existence ou affecte la vie sur la planète, à savoir la pollution, les épidémies, les technologiques destructives … Elle rédige ses mémoires dans le but d’expliquer aux générations à venir ce qu’elle a vécu et de leur dévoiler les complots dont ont souffert les habitants, victimes aussi d’une crise économique écrasante. « Aujourd’hui, ils se sont débarrassés de Hatem, demain ce serait mon tour. Mais je suis sûre qu’il y aura d’autres personnes qui vont prendre la relève, qui feront office de pierres d’achoppement et qui vont avorter leurs plans », écrit l’auteure.

Mirette est une activiste écologique qui gère un petit laboratoire. Elle plante des herbes dans son jardin afin de s’en servir à des fins pharmaceutiques. Elle fait partie d’un groupe de chercheurs de par le monde qui combattent l’épidémie chacun à sa façon. Les uns font face par exemple aux avions parachutant des aides sur les lieux touchés, soit un liquide rouge visqueux dans des ampoules qui s’ouvrent spontanément dès qu’elles sont mises dans la bouche. Au lieu de favoriser la guérison, ces ampoules aggravaient la situation et augmentaient le nombre de morts.

Les efforts déployés par ces chercheurs et activistes leur ont valu tant de menaces et d’accusations. Mirette, la narratrice, évoque de nombreux films dystopiques, produits de par le monde, ayant tiré les sirènes d’alarme afin de nous aviser quant à ces catastrophes. Elle cite, entre autres, They Shoot Horses en 1969, le film 1984 de la même année, Mad Max : Fury Road en 2015, Daylight’s End en 2016 et The Matrix en 1999. Ces films, dit-elle, avaient dévoilé la cruauté du capitalisme, parlé d’une peste mystérieuse qui allait ruiner la terre et transformer les humains en zombies. Certains avaient décrit un monde devenu entièrement virtuel, dominé par les robots de l’intelligence artificielle ou avaient traité de la soumission des humains, etc. « Ces films n’étaient qu’un prélude, ils prévoyaient ce qui allait advenir », souligne la narratrice dans ses mémoires.

Le roman descriptif ressemble à bien des égards à un monologue dans lequel la narratrice, qui se déplace entre ses vies avec deux maris : Farid, ensuite Hatem. Elle compare ces derniers. Farid était épris de technologie, complètement captivé par l’univers des TIC, et son métier l’y a plongé davantage. Il a été l’un des premiers à posséder des lunettes 3D et à coller un ruban électronique sur le front ou à implanter une plaque électronique sous la peau, pour suivre tous les derniers cris de la technologie.

Sa fin était tragique. Car il a oublié de manger, de boire, de dormir et de déféquer, alors que sa femme était en voyage d’affaires pendant cinq jours. Mirette avait essayé de s’adapter à ce monde, mais elle n’a pas pu supporter et a pris la décision de s’en échapper. Elle a failli s’éprendre de l’avatar de son premier amour, Hatem, qu’elle a fini par épouser.

Ce dernier travaillait comme médecin et combattait les addictions technologiques et les effets des changements climatiques, jugeant que le monde va à sa destruction. Après trois ans de mariage, passés en parfaite harmonie, il est tombé gravement malade et a attrapé le virus mortel, que l’écrivaine a appelé « Cupide ». Car il affecte surtout les coeurs et finit par les détruire.

Un monde de marionnettes

Qui domine le monde ? L’écrivaine soulève cette question tout au long du roman : « Savez-vous que le monde est géré par 1 % de la population, alors que 4 % sont manipulés comme des marionnettes, 90 % sont totalement inconscients et seulement 5 % regardent la vérité en face ?! Tout ce qui se passe actuellement, c’est que les 4 % essayent d’empêcher les 5 % d’éveiller la conscience des 90 % ! ».

Selon l’écrivaine, nous sommes actuellement les victimes d’une guerre biologique : on répand des virus destructifs par le monde, on modifie les conditions du climat … Bref, tout se déroule dans les laboratoires de recherche. Elle affirme, de par ses histoires, qu’on assiste à une troisième guerre mondiale dont l’objectif est de réduire le nombre d’habitants jusqu’à atteindre un milliard de personnes. En même temps, on prépare la quatrième guerre. « J’estime que nous sommes à la fin de la troisième guerre mondiale et que l’écart temporel entre elle et la quatrième ne sera pas suffisant pour que les humains se rendent compte de l’ampleur du danger », conclut-elle.

Pour échanger des messages avec ses partenaires de par le monde, Mirette a recours aux pigeons voyageurs, et ce, à la suite d’une rupture brusque d’Internet, sous l’effet d’une tempête solaire.

L’épidémie a aussi provoqué la mort de tant d’animaux et d’oiseaux ; les cadavres de ceux-ci étaient entassés avec ceux des humains, aux bords des routes. Ils ont tous avalé le liquide rouge que renfermaient les capsules lancées par les avions d’aides humanitaires.

Mirette écrit dans sa dernière lettre et le pigeon-voyageur l’emporte à ses collaborateurs, mais en vain, on ne parvient pas à la secourir. Elle meurt seule, comme bien d’autres compatriotes. L’humanité s’accroche à un large filet de pêche, mais elle ne peut éviter la fin tragique.

Univers, roman de Radwa Al-Aswad, aux éditions Al-Ein, Le Caire, 2024, 261 pages.

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