Al-Ahram Hebdo : On vous a reproché de trop utiliser le sexe dans votre écriture …
Zeinab Hefny: Le sexe n’est pas quelque chose de honteux, selon notre patrimoine islamique, l’écriture sur le sexe n’est pas maladroite. Je n’utilise pas le sexe dans mon écriture pour lui-même, mais je l’utilise pour mettre en évidence les causes de la femme. Dans mon livre Malameh (des traits), j’ai illustré comment l’homme a utilisé la femme sexuellement et puis l’a quittée. J’ai aussi parlé d’une cause très importante dans notre monde arabe: le confessionnalisme comme dans mon livre Hal Atak Hadissy (tu as reçu mes paroles?) qui montre comment Fatma, la sunnite, a aimé Jafaar, le chiite, et comment la famille de Fatma la traite en enfant malgré sa quarantaine d’années.
— Quelle est votre relation avec l’écriture ?
— Ma passion pour l’écriture a commencé quand j’ai eu mes règles. Je l’ai dit à ma mère qui m’a tout de suite apporté une abaya (une longue robe). Elle m’a dit que je ne pouvais plus sortir sans cette robe maintenant. Je sentais que cette robe était une prison dans laquelle je devais m’enfermer. Alors, je l’ai rangée dans l’armoire et je suis sortie. Quand je suis revenue, ma mère m’a frappée. C’est à ce moment-là que je me suis sentie un être de second degré. Et j’ai commencé à écrire mon journal… C’était là mon premier recueil d’histoires. Je n’ai jamais imaginé le débat et le succès à la suite de sa publication. Résultat : on a fait venir mon père pour lui faire signer un papier m’empêchant d’écrire. Ma décision a donc été de partir à Londres. J’y ai écrit mon roman Malameh … la liberté que je ressentais à Londres s’est incarnée dans mes écrits avec le comportement de Soraya. Puis, un jour, mon frère m’a appelée pour me dire que mon père était gravement malade et voulait me voir. J’ai tout de suite préparé mes affaires, mais mon père est décédé avant que je ne puisse quitter Londres. De retour dans mon pays, j’ai été négligée par les médias, mais la nouvelle génération d’écrivains a été influencée par mes travaux.
— Comment ressentez-vous l’oppression à l’égard de la femme à la fois personnellement et à un niveau sociétal en Arabie saoudite ?
— La femme est considérée comme un citoyen de second degré. Personnellement, je ne risque rien en écrivant. Mes écrits sont interdits dans mon pays et je publie mes travaux à l’étranger, mais je me sens libre et forte en écrivant. Je vis dans mon pays et j’écris sur la réalité saoudienne. Mais je pars ailleurs quand j’écris un nouveau roman parce que même mon stylo a besoin d’une liberté pour écrire, ce qui se reflète sur ce que j’écris. La marge de liberté dans mon pays, malgré tout, s’agrandit.
— Comment percevez-vous votre futur et celui de votre pays ?
— On m’a demandé pourquoi je n’étais pas très contente du fait que la femme saoudienne puisse conduire. C’est que j’attendais ce qui était plus important: la fin du contrôle de la femme saoudienne. Si elle devient indépendante, la société se développera. J’écris la plupart du temps sur la femme, mais je rêve d’aider tout le monde, homme et femme, à atteindre le bien-être, ce qui par la suite mènera au changement positif dans notre société. J’espère aussi que mon pays évoluera sur les volets culturel et civil.
* Ecrivaine saoudienne née en 1965, Zeinab Hefny est connue pour sa participation à de nombreuses revues arabes comme Sabah Al-Kheir, Al-Charq Al-Awsat ou Al-Ittihad. Son premier livre, Des Femmes sur l’équateur, aborde les défis de la femme arabe et ses rapports avec les hommes. Son dernier ouvrage, Hal Atak Hadissy (tu as reçu mes paroles?) paru en 2012 traite d’un autre sujet sensible: le confessionnalisme.
Lien court: