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Al-Gamaliya avec Naguib Mahfouz

Alban de Ménonville, Mardi, 16 octobre 2012

Britta Le Va s’est replongée dans le Vieux-Caire de Mahfouz pour traduire en clichés quelques textes de l’écrivain. Littéraires, leurs images collent au plus près aux œuvres du prix Nobel, avec sincérité et souci du détail.

The Cairo of Naguib Mahfouz
(Le Caire de Naguib Mahfouz), photographie de Britta Le Va, texte de Gamal Al-Ghitani, préface de Naguib Mahfouz, AUC Press, 2012

Etrange idée que de prendre un texte en photo. C’est pourtant l’objectif de Britta Le Va qui, « après en avoir parlé avec Mahfouz, décide de transcrire visuellement ses nouvelles », écrit la photographe. Pari difficile mais réussi, où Britta Le Va parvient à tourner la réalité en rêve pour donner à ses images une nouvelle dignité, toute littéraire, en parfait accord avec les courts extraits de Mahfouz qui accompagnent les photos.

Sans surprise, c’est dans le Vieux-Caire que Britta Le Va est allée marcher sur les pas de l’écrivain. « Mon amour et mon attachement pour le Vieux-Caire sont inégalés », écrivait Mahfouz en préface du livre. L’ouvrage vient de sortir, mais les images et les textes datent du vivant de l’écrivain. A l’époque, il se porta volontaire pour se remémorer Le Caire de son enfance et de ses nouvelles à travers les photos de Le Va. « C’est vraiment un livre de bons souvenirs », concluait Mahfouz dans sa préface.

Le Caire de Naguib Mahfouzest avant tout destiné à se remémorer, en images, quelques-unes des plus belles scènes de Karnak Café, du Palais du désir, de Khan Al-Khalili ou de La dernière heure, entre autres, textes du Nobel de littérature. C’est aussi le moyen de découvrir un Caire littéraire regorgeant de détails autour d’une ballade le long de la rue Al-Moez li Din Allah. Ballade retranscrite en mots par Gamal Al-Ghitani qui plonge dans ses souvenirs pour se rappeler les mots de l’écrivain reparti trouver Le Caire des années 1920. « Mahfouz s’arrêta quelques minutes devant une porte fermée et demanda : Cet endroit est toujours un café ? Un passant répondit : oui, mais aujourd’hui c’est dimanche. Il dit : c’est le café le plus étrange ». De quoi donner de l’imagination aux lecteurs de Mahfouz qui retrouveront dans ses nouvelles bien des exemples de ces étranges cafés.

La force des photos de Britta Le Va, c’est peut-être qu’elles ne sont pas vraies. Elles ne veulent reproduire ni réalité exacte, ni même donner d’image fidèle de ce qu’est — ou de ce qu’a été — le Vieux-Caire. Elles présentent des extraits de l’œuvre de Mahfouz, cherchant dans la rue d’aujourd’hui Haj Darwich, vendeur de fève, ou Al-Bayoumi, marchand de jus ambulant : tous deux personnages deL’Impasse des deux palais. Et le plus étonnant c’est que ces hommes photographiés par Britta Le Va ressemblent comme deux gouttes d’eau à ceux que l’on imagine en lisant Mahfouz. Comme si rien n’avait changé. Ou plutôt comme si la photographe avait réussi à ne saisir que le texte lui-même, laissant de côté sa propre interprétation des œuvres de l’écrivain. L’occasion de relire Mahfouz en images.

The Cairo of Naguib Mahfouz (Le Caire de Naguib Mahfouz), photographie de Britta Le Va, texte de Gamal Al-Ghitani, préface de Naguib Mahfouz, AUC Press, 2012

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