Mohammad Habeeb, traducteur et réfugié syrien.
« L’écriture peut sauver des vies », a affirmé le Norvégien Jon Fosse quelques jours avant de recevoir le prix Nobel 2023, en décembre dernier. Partant de cette idée, le poète, écrivain, traducteur, militant des droits de l’homme et réfugié syrien à Stavanger (Norvège) depuis 2015 Mohammad Habeeb a traduit 2 ouvrages de Fosse. D’abord, le roman C’est Alice et la pièce de théâtre Les Chiens morts, écrits tous les deux en 2004.
Lors d’une conférence tenue au pavillon de la Norvège, afin de célébrer la production prolifique de Fosse, le traducteur a évoqué le langage particulier du prix Nobel, ses textes décrivant le quotidien, ainsi que ses techniques d’écriture.
C’est Alice (éditions Dar Dal, Syrie 2019) aborde les souvenirs de Signe, une vieille dame vivant dans une ancienne maison, au bord d’un fjord. Elle est allongée sur un banc et se rappelle sa vie il y a 20 ans. Elle se remémore un terrible jour du mois de novembre, lorsqu’elle était debout devant sa fenêtre, attendant son mari Asle qui est sorti en barque et n’est jamais revenu.
Ses souvenirs s’élargissent pour inclure toute leur vie ensemble, ainsi que les liens de famille et une lutte qui s’étend sur 5 générations. Ces souvenirs l’habitent comme des fantômes du passé. C’est Alice est une exploration obsédante de l’amour et une méditation sur le mariage et la perte.
L’écrivain norvégien écrit toujours ses textes sans ponctuation dans le nynoresk. Sa langue est à mi-chemin entre le langage écrit et parlé. Et il accorde un grand intérêt à la transcription des bruits de la nature et à leur répétition. Habeeb, restant fidèle à ce style bien particulier, a traduit le roman vers l’arabe classique, soulignant les défis qu’il a dû relever en traduisant certains passages, en lien avec la nature et l’environnement du pays.
Il a également évoqué sa plus récente expérience avec Fosse, à savoir la traduction de sa pièce de théâtre Les Chiens morts (éditions Série du théâtre mondial, Koweït 2021). Dans la pièce, un jeune homme vit accompagné de sa mère et de son chien, dans un petit village surplombant le fjord. Subitement, le chien s’enfuit et disparaît.
La vie des protagonistes est bouleversée par cet événement qui paraît ordinaire. Le chien est trouvé mort. Les personnages cherchent à le venger, au point de commettre un meurtre.
Le théâtre de Fosse tourne autour de l’angoisse existentialiste. La pièce garde de grands moments de silence. Les personnages sont isolés dans leur propre monde sans de grandes péripéties intrigantes. Ils résument la vie quotidienne en Norvège.
La traduction de Habeeb nous plonge complètement dans l’univers de Fosse, laissant aux lecteurs de déchiffrer les connotations derrière le silence et les scènes de la vie quotidienne.
C’est Alice et les Chiens morts sont disponibles aux stands des maisons d’édition Dar Dal (Syrie) et du Conseil national de la culture, des arts et des lettres (Koweït). D’autres livres de Fosse sont en vente chez Diwan.
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