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Les évolutions du salafisme

Rasha Hanafy, Mardi, 12 novembre 2013

Dans Les islamistes et le Printemps des révolutions, Naowaf Al-Qodeimy, journaliste et chercheur saoudien, plaide pour l’intégration des mouvements islamistes dans l’espace politique pour infléchir leurs théories rigides.

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C’est une étude datant du début 2013, avant la destitution du président Mohamad Morsi, issu de la confrérie des Frères musulmans en Egypte. La publication, en 103 pages, intitulée Les islamistes et le Printemps des révolutions est signée par Naowaf Al-Qodeimy, journaliste et chercheur saoudien qui appartient au courant réformiste dans le monde arabe. Dans cet ouvrage, l’auteur pointe du doigt les changements dans les théories les plus rigides du courant islamique, notamment après le Printemps arabe et le changement dans la réalité politique de certains pays du monde arabe.

Al-Qodeimy estime que la tendance salafiste est un exemple clair et net de l’évolution et du développement des principes fondamentaux de la daawa salafiya selon l’évolution de l’espace politique dans lequel elle existe. L’auteur opte pour deux études de cas : les salafistes en Arabie saoudite et ceux en Egypte après les révolutions du Printemps arabe en Tunisie et en Egypte. « Il me semble que parmi les courants les plus influencés par le choc des révolutions arabes et les plus exposés à l’évolution idéologique et politique, s’inscrit le courant salafiste. En fait, ces révolutions ont pu, à un moment historique et éclairé, déplacer les salafistes pour se trouver dans de nouveaux espaces politiques et idéologiques non habituels pour eux, qu’ils ont évités par la rupture, et parfois les traiter pendant longtemps par les fatwas », indique Al-Qodeimy dans son introduction. Bien qu’il s’agisse d’une courte période, moins d’un an, et que l’évolution idéologique nécessite un espace temporel plus élargi pour se cristalliser, l’auteur a pu observer quelques changements Arabie saoudite et en Egypte avant et après le Printemps arabe.

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En Arabie saoudite, avant les révolutions du Printemps arabe, le discours salafiste s’inscrivait contre la démocratie et les protestations civiles. Les disciples de ce courant pensent que ces dernières sont des produits occidentaux qui n’ont rien à voir avec le patrimoine politique islamique. Ils refusent les élections parce qu’elles sont basées sur le principe d’égalité entre la personne éduquée et celle ignorante. Ils rejettent également les autres éléments de la démocratie, comme la séparation des pouvoirs, la pluralité partiale et le respect de la volonté des électeurs. « Après les révolutions, il y a eu une évolution dans la pensée salafiste quant aux questions des libertés et de la démocratie. Nombreux cheikhs de ce courant ont favorablement accueilli ces révolutions parce qu’ils les ont considérées comme révoltes contre l’injustice et comme une manière de libérer les peuples du despotisme et une voie vers l’application de la charia ou la loi islamique », explique Al-Qodeimy. Des cheikhs salafistes de renommée, tel Safar Al-Hawaly, ont commencé à faire appel aux leaders dans les pays arabes, à se réconcilier avec leurs peuples et à réaliser des réformes globales en permettant de fonder des partis politiques et des syndicats professionnels ainsi que des élections libres. « Je pense que la plupart des symboles salafistes saoudiens ont réalisé un développement remarquable qui mérite une appréciation », assure Al-Qodeimy.

Deux catégories

Pour l’Egypte, avant la révolution, les salafistes étaient présentés dans deux catégories : les associations et les symboles de la daawa. Pour les associations ou les groupes, on peut voir que la daawa salafiste d’Alexandrie est la plus populaire. Pour les symboles, on peut citer cheikh Hassan, cheikh Hoeini, Yasser Borhami, Mohamad Hussein Yaaqoub parmi les plus populaires. Quasiment, tous ont été contre la révolution, les protestations contre le régime, le système démocratique, les élections et l’activité des partis politiques.

Après la révolution, tous se sont divisés en ce qui concerne la formation des partis politiques et les élections parlementaires. « Après la révolution, le courant salafiste était au sein de l’espace politique et se trouvait obligé de passer par le pont des élections législatives et des partis politiques, afin d’arriver au pouvoir. Ils ont donc opté pour un changement de leurs théories rigides qui rejetaient ce système. Le parti Al-Nour a été donc fondé pour participer aux législatives. Quels que soient leurs motifs, il s’agit d’un progrès dans les positions, et en une courte période. C’est ce qui pousse à croire à plus d’évolution dans la pensée, et plus d’ouverture », assure Al-Qodeimy.

Dans cette étude publiée avant la destitution de Morsi, le chercheur plaide pour l’intelligence des mouvements islamistes qui les rend capables de s’adapter aux situations difficiles. Il pense que l’inquiétude du milieu intellectuel quant à la réussite du courant salafiste aux législatives qui ont fait suite à la révolution n’est pas justifiée. La preuve en est dans le développement des idées et principes rigides de ce courant. L’auteur est optimiste, jusqu’à penser que dans un avenir proche, la participation de ce courant s’inscrira dans le cadre de la légitimité politique basée sur le contrat social. Les jours qui viennent le diront, notamment après l’échec du régime des Frères musulmans au pouvoir.

Al-Islamiyoune wa rabie al-sawarate (les islamistes et le Printemps des révolutions, la pratique productive des idées), de Naowaf Al-Qodeimy, éditions Dar Al- Tanouir, Beyrouth et Le Caire 2013.

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