Lors de l’annonce du prix culturel Sawiris, le 8 janvier dernier à la Salle Ewart à l’ancien campus de l’Université américaine sur la place Tahrir, la plupart des intervenants et des lauréats ont souligné l’importance de la parole, traduisant le désir de communiquer et de raconter. On a tous besoin de faire part de nos sentiments et de nos histoires, de les partager avec autrui, d’où l’impact de ce genre d’événements quant à la liberté d’expression …
Comme tous les ans, les prix décernés par la Fondation Sawiris récompensent ce que ses différents jurys sélectionnent comme étant les meilleures créations égyptiennes de l’année, dans les catégories suivantes : romans, nouvelles, scénarios, pièces de théâtre, oeuvres pour enfants et critiques littéraires.
Cette année, une catégorie spéciale a été lancée afin de rendre hommage au journaliste Mohamed Abou El-Gheit, mort d’un cancer féroce le mois dernier en Grande-Bretagne à l’âge de 34 ans. Juste après sa disparition, la maison d’édition Al-Shorouk a publié son oeuvre posthume, Ana Qadem Ayoha Al-Dawë (j’atteins bientôt la lumière), regroupant des textes qu’il a signés pendant sa maladie.
« Cinq jours avant cette cérémonie, le critique littéraire Mohamed Shoaïr, directeur de la rédaction d’Akhbar Al-Adab, m’a proposé de consacrer un prix à un auteur qui n’a jamais posé sa candidature. Alors, j’ai directement contacté l’homme d’affaires Samih Sawiris, membre du conseil d’administration de la fondation, et nous nous sommes mis d’accord sur le fait de le décerner à Mohamed Abou El-Gheit pour ses enquêtes d’investigation », a précisé Dr Mohamed Aboulghar, président du conseil d’administration, ajoutant que le montant de ce prix fixé aujourd’hui à 150 000 L.E. augmentera probablement l’an prochain.
Un refus inattendu
Le grand prix du roman, dans la catégorie des plus de 40 ans (150 000 L.E.), a fait couler beaucoup d’encre, le soir même de la cérémonie. Car à peine accordé à Chady Lewis pour son oeuvre Tarikh Mougaz lel Khaliqa wa Charq Al-Qahera (brève histoire de la création et de l’Est du Caire), éditions Al-Ain, l’écrivain a signalé sur sa page Facebook qu’il refuserait le prix le lendemain, bien qu’il soit heureux de l’avoir décroché. « Je suis reconnaissant de vos félicitations et ravi d’avoir été sélectionné par les membres du jury, mais je garde le prix une seule nuit et le rejetterai demain matin. J’écrirai d’office aux responsables de la fondation pour leur faire part de ma renonciation », a-t-il posté. Cette position inattendue a été reçue tant bien que mal. Elle a été saluée dans les cercles de gauche, rappelant l’attitude de l’écrivain de renom Sonallah Ibrahim, 87 ans, qui a refusé en 2003 de recevoir le Prix du Caire pour la création romanesque, organisé par le ministère de la Culture, et ce, lors de la cérémonie de la remise des prix. Ce dernier avait voulu dénoncer ainsi les politiques du régime au pouvoir, tandis que Chady Lewis, 44 ans, s’est prononcé contre l’économie politique et son ingérence dans le champ culturel.
Chercheur, journaliste et psychologue, les écrits de Lewis se déroulent souvent dans les milieux chrétiens ; il y aborde les rapports qu’entretiennent les citoyens coptes avec l’Eglise et l’Etat. Opposant politique sous Moubarak, il vit essentiellement à l’étranger depuis 2006. Son oeuvre primée aborde les péripéties d’une mère chrétienne battue par son mari, laquelle quitte le foyer conjugal, accompagnée de son enfant, le narrateur du roman.
Par ailleurs, le 1er prix du roman, pour les auteurs de moins de 35 ans, a été attribué à Charles Aql pour Ahmar Lareng (bigarade rouge), et le 2e (70 000 L.E.) à Ahmad Ibrahim Ismaïl, pour Abou Gaméa.
Le prix du meilleur recueil de nouvelles dans la catégorie des plus de 40 ans (150 000 L.E.) est allé à Ahmed Abdel Latif pour Mamlaket Mark Zuckerberg wa Toyouroh Al-Khorafeya (royaume de Mark Zuckerberg et ses oiseaux féeriques).
Le 1er prix du recueil de nouvelles (100 000 L.E.), récompensant les auteurs de moins de 35 ans, a été remporté par Mohamed Sourour pour Salasset Fekhakh Le Zeab Aawar (trois pièges et un loup borgne). Et le 2e par Mohamed Al-Bormi pour Lel Mohebine wa Al-Awghad wa Qottaa Al-Toroq (aux amoureux, canailles et bandits).
En outre, le prix de la critique littéraire (100 000 L.E.) est allé ex aequo au poète et critique Bahaa Jahine pour son livre Al-Molk wa Al-Malek (le roi et son royaume), éditions Al-Shorouk, et à Magdy Guirguis pour son livre Al-Moallem Ibrahim Al-Gohary (maître Ibrahim Al-Gohary), éditions Al-Maraya.
Enfants, cinéma et théâtre
Le prix des oeuvres pour enfants de moins de 12 ans (100 000 L.E.) a été attribué ex aequo à Ahmed Qorani, auteur de Lemaza la Yatir Al-Temsah (pourquoi le crocodile ne s’envole-t-il pas ?), et à Achraf Abou Al-Yazid, auteur de Qetati Toaelf Ketab (mon chat écrit un livre). « Ces deux livres abordent différemment le monde animal, suscitant toujours la curiosité des petits », a souligné Laïla Al-Raï, membre du jury de la catégorie oeuvres pour enfants, initiée en 2021.
Le 1er prix sur la dramaturgie (100 000 L.E.) a été décerné à Ahmed Nabil pour sa pièce Nozhet Al-Sindbad fi Dawaer Baghdad (promenade de Sindbad aux alentours de Bagdad) et le 2e prix (80 000 L.E.) à Emad Mettawea pour Mossiqa Hadéa (une musique calme).
Le meilleur prix du scénario dans la catégorie Grands écrivains (150 000 L.E.) a récompensé Ahmed Al-Hawary et Ibrahim Al-Batout pour leur scénario Hekayet Richa Wa Samaka (histoire d’une plume et d’un poisson), tandis que le prix de la catégorie Jeunes scénaristes (80 000 L.E.) est allé à Mohamed Al-Samane pour Ardyoune (terrestres).
Ce palmarès intervient à quelques jours près de la Foire internationale du livre (du 24 janvier au 6 février), les oeuvres primées continueront à animer les débats.
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