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Essor et déclin des Fatimides

Rasha Hanafy , Mercredi, 04 janvier 2023

Le nouveau roman de Reem Bassiouny, Al-Halawani … Solassiyet Al-Fatimiyine (le confiseur-pâtissier, trilogie des Fatimides), aborde le règne de ces califes qui se sont établis dans la ville du Caire et lui ont fait vivre de beaux jours, mais aussi beaucoup de revers.

Essor et déclin des Fatimides

Est-il vrai que celui qui a bâti Le Caire était un confiseur-pâtissier, comme le dit la légende ? On n’en possède pas de réponse sûre, mais l’histoire rapporte que Jawhar Al-Siqilli (Jawhar le Sicilien, 911- 992 de l’hégire), était un confiseurpâtissier à l’origine, avant de commander l’armée des Fatimides sous le calife Al-Mansour et de conquérir l’Egypte. Il y a construit une nouvelle capitale, Al-Qahira (la victorieuse). L’écrivaine égyptienne Reem Bassiouny revisite l’histoire sous un angle nouveau dans son roman Al-Halawani … Solassiyet Al-Fatimiyine (le confiseur-pâtissier, trilogie des Fatimides).

Publié récemment aux éditions Nahdat Misr, il se déroule à l’époque fatimide en Egypte, de 969 à 1171 de l’hégire, et jusqu’à l’avènement de la dynastie ayyoubide. En raison de la faiblesse de l’Etat abbasside, les Fatimides ont pu s’emparer de l’Egypte en l’an 969. L’arrivée au pouvoir d’Al-Moezz Li Din Allah marque un tournant historique pour ses pairs, car le pays a témoigné d’importantes évolutions, à la fois culturelles et politiques. C’est durant son règne que l’Egypte a connu la fameuse poupée du mouled, confectionnée en sucre, et les qatayef (pâte farcie de crème ou de fruits secs).

Selon le roman, la famille Al-Halawani (littéralement le confiseur-pâtissier) avait un lien de mariage avec la famille Al-Siqilli.

Les descendants des deux familles sont les personnages principaux du nouvel ouvrage, faisant partie du projet ambitieux de l’auteure visant à survoler les diverses dynasties de l’histoire islamique de l’Egypte. Elle a commencé par esquisser la trilogie des Mamelouks et ensuite, elle a abordé l’ère toulounide, puis là voilà s’attaquer à la période fatimide. L’Egypte fatimide a connu un véritable essor commercial, déjà amorcé sous les Toulounides et les Ikhchidides. Les productions abondantes et variées, alimentaires et industrielles, ont favorisé l’exportation. Les différents secteurs de l’artisanat se sont développés, ainsi qu’un réseau de relations commerciales unissant l’Egypte à l’Inde, à la Sicile, à l’Espagne et aux villes maritimes d’Italie. La ville d’Alexandrie est devenue l’un des plus grands ports de la Méditerranée.

Les trois amoureux d’Egypte

Le roman est divisé en trois histoires portant sur trois grands hommes qui ont traversé des moments distincts de l’histoire de l’Egypte. Bien qu’ils ne soient des Egyptiens ni de naissance, ni d’origine, ils ont fortement marqué le pays. Le peuple les a beaucoup aimés, leur a été fidèle et leur a rendu respect. Le but des trois hommes était de réformer l’Egypte. Ils ont construit sans démolir, rénové sans détruire, et ils étaient justes en gérant le pays.

Les trois histoires dont il s’agit dans l’oeuvre sont celles du Sicilien, de l’Arménien et du Kurde. Le premier est le petitfils du commandant Jawhar Al- Siqilli, il s’appelle Jawhar Hussein Jawhar Al-Siqilli et il a essayé de continuer ce que son grandpère avait commencé. Il a sauvé l’ancienne ville de Fostat contre la volonté du calife qui préférait la brûler, sans tenir compte de la révolte des habitants. Jawhar junior a fui Le Caire et a cherché refuge à Alexandrie, où il a travaillé comme confiseur-pâtissier, offrant au petit peuple les meilleures poupées et des chevaliers en sucre pour célébrer la naissance du prophète. Il s’est marié et a eu une fille (Abéda) et un garçon (Mohamad). Abéda s’est mariée avec le fils de Abdallah Al-Halawani, ami de Jawhar junior, et a eu plusieurs enfants dont la benjamine (Fouroune Al- Halawani). Cette dernière s’est mariée à son tour avec le deuxième personnage principal du roman, le général arménien Badr Al-Jamali. Héros de la deuxième histoire, homme fort et vizir d’origine arménienne, Al-Jamali a porté remède à la crise économique à l’époque d’Al-Moustansir. Il a frappé d’une main de fer ceux qui l’ont causée. Il a rénové Le Caire après sa ruine et a construit la mosquée Al-Jiyouchi et la mosquée de Attarine à Alexandrie. Il a vaincu les différentes factions militaires, a exécuté un grand nombre de politiques égyptiens et a restauré la paix et la prospérité dans le pays.

Avec sa femme, il a eu son fils Jaafar Al-Mozaffar, qui s’est marié avec Nafissa, fille de son oncle Mohamad. Parmi leurs descendants figurent Ibrahim et Rachida, héros de la troisième histoire sur le Kurde, Salaheddine Al-Ayyoubi (Saladin pour les Occidentaux). Ce dernier a sauvé l’Egypte des Croisés en 1169, année où Amaury (roi de Jérusalem de 1163 à 1174) a quitté l’Egypte, annonçant le début de l’ère ayyoubide en 1171. En cette année, ordre est donné de ne plus mentionner les Fatimides dans les prières.

Al-Adhid, dernier calife fatimide, meurt peu de temps après sans avoir appris la fin de sa dynastie. Saladin détrône définitivement les Fatimides et restaure en Egypte la légitimité des Abbassides. Cette troisième histoire est celle de la résistance d’Ibrahim Al-Halawani, de Rachida et du peuple d’Alexandrie, contre l’armée du vizir Shawar. C’est aussi la résistance du peuple de Fostat et du Caire face aux armées des Francs. Elle raconte comment Fostat a été brûlée, et comment l’époque des Fatimides a pris fin, pour que l’ère ayyoubide commence.

Harmonie et tolérance

Le roman montre l’état de tolérance et de belle harmonie qui régnait entre les sunnites et les chiites, sans un brin d’extrémisme, d’aversion ou de rancune à l’époque des Fatimides. Les sunnites en Egypte sont épris de la famille du prophète, et les chiites ont construit des mosquées dans lesquelles prient les sunnites. Bassiouny écrit : « C’est un pays qui ne fait pas des rois de la terre des sectes. Ce pays était généreux avec le chrétien, le musulman et le juif. Il permettait que chacun adore son Seigneur à sa façon, et apprécie les justes et ceux qui luttent contre les partialités ».

L’histoire de l’Egypte est ainsi racontée en partie dans ce roman, en survolant trois phases et trois grands hommes. C’est en même temps un livre sur Le Caire, construit autrefois, mais aussi protégé, par un confiseur-pâtissier.

Al-Halawani … Solassiyet Al-Fatimiyine (le confiseur-pâtissier, trilogie des Fatimides), de Reem Bassiouny, aux éditions Nahdat Misr, 2022, 671 pages.  

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