Définir la rumeur n’est pas une chose facile, parce qu’elle est plus insaisissable que le mercure et se propage à une vitesse éclair. Même les recherches faites ne sont pas à la hauteur du danger de la rumeur, et n’arrivent pas à la décrire avec précision. Et ce, malgré sa longue vie, qui précède l’histoire de l’écriture. C’est comme si la rumeur était un monstre mythique, dont la présence se renouvelle à travers de différents styles et formes, selon l’époque où elle se propage. Telle est la conclusion du récent ouvrage de Alaa Sabet, rédacteur en chef du quotidien Al-Ahram, intitulé Al-Chaëate Bayna Tazyif Al-Akhbar wa Ghazw Al-Oqoul (les rumeurs entre la désinformation et l’invasion des esprits). Le livre se compose de quatre chapitres, portant sur les rumeurs spontanées, la politisation des faits, la lutte de l’Egypte contre les rumeurs et les guerres futures.
Originaire de Louqsor, Alaa Sabet a commencé par expliquer que dans sa ville natale, les contes sur les pilleurs de tombes et les voleurs d’antiquités ont toujours été assez fréquents, on précisait souvent qu’ils se servaient de la magie noire, du mercure rouge ou de l’encens marocain pour réussir leurs opérations. Ces petites histoires n’ont pas négligé la malédiction des pharaons, en donnant comme preuve la mort de ceux qui ont participé au pillage des tombes, notamment celle de Toutankhamon.
L’auteur se réfère d’abord à un exemple du XXe siècle. En Egypte, lors des émeutes des unités de la Sécurité centrale en 1986, une rumeur s’était répandue parmi les soldats au sujet de la prolongation de la période de service (ndlr : c’est à cause de ces événements que le ministre de l’Intérieur à l’époque, Ahmad Rouchdi, a été limogé. Il était l’un des ministres de l’Intérieur les plus appréciés du peuple égyptien, réputé pour avoir combattu les gros bonnets de la drogue).
Bouche-à-oreille, fake news et cyber-attaques
Selon le livre, les rumeurs étaient et sont toujours liées aux artistes, aux célébrités, en rapport avec les conflits sectaires, l’économie et, récemment, le coronavirus. « La rumeur a été toujours classée comme l’un des phénomènes sociaux les plus dangereux dans l’histoire de l’humanité. De nombreuses références historiques renferment des preuves sur l’impact des rumeurs sur la vie et le destin des différentes nations. A cause des rumeurs, Socrate a été tué et Gengis Khan a envahi le monde. A l’ère moderne, celle de l’intelligence artificielle, on diffuse des rumeurs et des fausses nouvelles sur les réseaux sociaux pour détruire les pays et l’avenir des peuples », indique Alaa Sabet dans l’introduction de son ouvrage.
L’auteur souligne que les rumeurs existent depuis l’aube de l’histoire dans de nombreuses civilisations. Elles entouraient les prophètes et avaient une forte présence dans l’histoire antique, grecque et romaine. D’ailleurs, elles sont considérées comme une industrie du mensonge. C’est, ditil, l’arme la plus importante et la plus dangereuse du XXe siècle. Sabet ajoute que les rumeurs sont l’entrée principale de ce que les services de renseignement de par le monde appellent les cyberattaques. Celles-ci visent la sécurité nationale d’un pays et paralysent ses capacités de développement.
L’auteur passe ensuite en revue l’évolution historique des rumeurs dans leurs formes et leurs finalités, en passant par le héraut et les rumeurs d’envahisseurs. Puis, il s’attaque à l’ère du développement des moyens de transport et de la découverte du télégraphe et de la radio, à la mondialisation des médias, à l’émergence des chaînes satellitaires, des portables et des réseaux sociaux. Il souligne que les rumeurs impactent les gens, il faut les répéter et les transmettre à travers plus d’une source. La crise du Covid-19 a été une atmosphère fertile pour la propagation des rumeurs, surtout en ce qui concerne sa source et les vaccins antivirus.
Le rédacteur en chef affirme aussi que les rumeurs ont un rôle important dans les guerres futures, à savoir les guerres de l’information et les cyberattaques. Il cite l’exemple des dernières élections américaines, où les Démocrates ont accusé la Russie d’intervenir par des attaques électroniques pour que Trump soit réélu.
L’ouvrage n’est pas sans rappeler aux lecteurs, qu’avec la radio, la télévision, Internet et les smartphones, l’information, vraie ou fausse, fait le tour de la planète en temps réel et qu’il faut utiliser son esprit critique pour faire le tri.
Al-Chaëate Bayna Tazyif Al-Akhbar wa Ghazw Al-Oqoul (les rumeurs entre la désinformation et l’invasion des esprits), de Alaa Sabet, édité par le Centre d’Al- Ahram pour la traduction et l’édition, 2021, 148 pages.
Lien court: