Dans son ouvrage, Saïd Al-Masry invite les lecteurs à se débarrasser des préjugés religieux et politiques, en se penchant sur le patrimoine, pour mieux comprendre l’esprit de supériorité qui régit nos actes. « Parmi les éléments du patrimoine immatériel, il y a de quoi renforcer la discrimination entre les êtres humains, en fonction de leurs caractéristiques ou de leurs appartenances. C’est un héritage qui assoit la supériorité des uns sur les autres, en se référant à leurs différences, ce qui aggrave les conflits sociaux ethniques ou sectaires et mène à l’intolérance, à l’extrémisme, à la haine », affirme l’auteur dans l’introduction de son ouvrage, en montrant du doigt le « racisme culturel » de la société égyptienne.
Le premier chapitre présente une lecture théorique du concept de la discrimination dans le patrimoine immatériel et la culture sociale dominante. Le deuxième chapitre propose une étude de terrain sur le folklore égyptien, mettant en lumière son aspect patriarcal, la discrimination à l’égard des femmes, la vision inférieure quant aux personnes âgées et les plus jeunes. Le troisième chapitre aborde le fossé qui existe entre l’enseignement et l’héritage culturel. Al-Masry se penche sur les blagues et les proverbes qui enracinent la discrimination dans la conscience collective.
Pour l’auteur, la discrimination culturelle atteint son apogée en revêtant un caractère religieux, et donc l’appartenance à une confession particulière devient une justification de la discrimination exercée au niveau des droits et des devoirs. Al-Masry montre que la discrimination religieuse est inhérente aux mythes populaires. Le sociologue confirme que ce sentiment de supériorité religieuse est assez fréquent au sein des mouvements de l’islam politique. Dans le quatrième chapitre, l’auteur analyse les mécanismes des mouvements fanatiques religieux et leur projet visant à islamiser la société. Et ce, en retournant au passé et en vivifiant un héritage désuet. Il fait référence aux tentatives des Frères musulmans depuis les années 1920, consistant à présenter des valeurs islamiques pour remplacer à tour de rôle le capitalisme et le socialisme. Le cinquième chapitre est une étude de cas de la tribu d’Awlad Ali à Marsa Matrouh (la côte nord égyptienne), comme exemple de l’islamisation de la communauté bédouine. Le sixième chapitre analyse le désir des institutions religieuses égyptiennes de contrôler la sphère religieuse et les difficultés auxquelles l’Etat est confronté pour réorganiser les affaires religieuses (Al-Azhar, le ministère des Waqfs, biens de mainmorte, etc.).
L’ouvrage traite ensuite la possibilité de renouveler le discours religieux, en proposant, dans le septième chapitre, de reformuler le rapport entre la religion et la société, une fois que l’état de l’arrogance est surmonté. Et ce, de manière à répondre aux nouveaux défis de la société, à interagir avec les potentialités des temps modernes et à se débarrasser des illusions régissant le rapport à l’Autre.
Toras Al-Istealä Bayna Al-Folklore wal Magal Al-Dini (héritage de l’arrogance dans le folklore et le champ religieux), Saïd Al-Masry, aux éditions Batana, 2019, 356 pages.
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