L’ouvrage regroupe 19 nouvelles, scellées d’un cachet très humain, avec beaucoup d’humour. Les personnages appartiennent à la classe moyenne, laquelle a toujours inspiré l’écrivain, poète et journaliste Omar Taher comme en témoignent ses oeuvres précédentes à succès : Sanayeayite Misr (artisans d’Egypte), Izaat Al-Aghani (la radio des chansons) et Kohl wa Habahane (khôl et cardamone). L’auteur s’intéresse davantage à collecter le patrimoine « moderne » de l’Egypte, soit les chansons, les publicités, la nourriture, etc. Dans son dernier recueil en date, Baad Ma Yénamou Al-Eyal (après que les enfants s’endorment), il esquisse la vie modeste de ces gens qui ne trouvent pas de vraie raison à leur existence et celle des autres qui ne cherchent que la paix et la sérénité en dépit de leur pauvreté. Il taille les portraits de citoyens délaissés, qui s’enferment dans le silence pour éviter toutes sortes de problèmes.
Quelque part, l’auteur traite ces derniers comme des proches. Il connaît par coeur leurs chagrins, leurs sentiments, leur amertume. Sans les juger ou les condamner, il les accepte tels qu’ils sont avec leurs faiblesses et leurs frustrations. Ce sont des personnages que l’on peut croiser dans les rues du Caire, qu’on peut contempler sur leurs balcons, alors que certains d’entre eux étendent le linge. En tissant leurs histoires, l’auteur essaye de deviner ce qu’ils vivent dans leur solitude, même s’ils sont entourés de plusieurs membres de leur famille.
Dans ce recueil, Omar Taher est parvenu à déchiffrer les différentes phases de l’amour, les sentiments d’expatriation, de solitude, de défaite ... Et ce, dans un langage très simple ; les personnages s’expriment même parfois en dialectal, étant plus proche de leur quotidien.
Un repas en famille
La nouvelle intitulée Baad Ma Yénamou Al-Eyal met en relief l’écart flagrant entre les classes sociales. D’une part, il y a une classe aisée que représentent l’homme d’affaires et sa femme, en train de dîner dans un restaurent luxueux de grillades. Et d’autre part, il y a leur chauffeur. L’auteur fait exprès de ne pas mentionner son nom, probablement car il appartient à la catégorie sociale des « anonymes ».
Ses patrons se sont querellés durant le repas et lui ont donné leurs plats à emporter. Alors, il avait hâte de rentrer pour les partager avec ses enfants et son épouse. Tous les soirs, son seul plaisir est de manger avec cette dernière et de lui faire l’amour, après que les enfants s’endorment. Mais cette fois-ci, il priait Dieu qu’ils soient tous réveillés pour goûter les plats exquis qu’il ramenait avec lui. Il n’est pas sûr qu’ils puissent goûter ces mets plus tard dans la vie.
Taher excelle à décrire les relations humaines sur un ton anecdotique. A travers ses textes, il analyse l’évolution de la personnalité égyptienne, mais aussi celle de la société. Il montre l’impact des divers événements sur les citoyens. C’est comme s’il écrivait un documentaire évoquant les lieux et les personnages de notre époque. On s’y retrouve facilement. Chacun y trouve son compte.
En fait, ce recueil fait suite au roman Kohl et Habahane (khôl et cardamone) qui a valu à l’auteur d’être sur la courte liste du prix littéraire Naguib Mahfouz, décerné annuellement par l’Université américaine du Caire. L’oeuvre traitait des goûts et des odeurs des aliments et de leur influence sur les êtres humains. Là aussi, on évoque la vie de tous les jours différemment l
Baad Ma Yénamou Al-Eyal (après que les enfants s’endorment), de Omar Taher, aux éditions Al-Karma, 2021, 192 pages.
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