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Au carrefour de l’anthropologie et du cinéma

Lamiaa Alsadaty, Dimanche, 25 avril 2021

Chercheur postdoctoral en anthropologie à l’Université d’Oxford, Chihab El Khachab explore à travers son ouvrage Making Film in Egypt la façon dont les cinéastes font face à l’« incertitude », en mettant l’accent sur la dynamique du travail, les processus de production et les utilisations des technologies numériques.

Au carrefour de l’anthropologie et du cinéma

L’ouvrage de Chihab El Khachab, Making Film in Egypt (tourner des films en Egypte), est à plus d’un titre remarquable. Fruit de ses recherches docto­rales, il s’agit d’une tentative de lier les constituants du terrain comme objet/sujet anthropolo­gique et les processus de la pro­duction cinématographique. L’auteur propose une réflexion sur les modalités du passage à la création cinématographique égyptienne tout en se fondant sur les bases de la théorie de l’an­thropologie visuelle. Cette der­nière réside dans la capacité des formes visuelles (particulière­ment le film et la vidéo) à deve­nir un médium reconnu de l’an­thropologie— un moyen d’ex­plorer les phénomènes sociaux et d’exprimer la connaissance anthropologique du cinéma en Egypte.

Ainsi, El Khachab a dû ren­contrer des producteurs, des cinéastes, des caméramans, des ouvriers, etc. pour s’arrêter sur l’industrie en général. D’ailleurs, pour examiner la question de manière plus approfondie, il a assisté à deux projets de tour­nage de A à Z, les deux films : Décor (2014) d’Ahmad Abdallah, avec Khaled Aboul-Naga et Houriya Farghali; et Ward Masmoum (2018) d’Ahmad Fawzi Saleh, avec Ibrahim Al-Naggari et Marihan Magdi.

A travers 253 pages, Chihab El Khachab esquisse un portrait de l’industrie cinématographique égyptienne en abordant 6 axes constituant les 6 chapitres de l’ouvrage. Le premier chapitre porte sur l’économie politique de l’industrie, avec notamment un recul historique permettant d’ap­préhender la source des capitaux sur lesquels elle se fonde, ainsi que l’histoire de la mise en marche du studio Misr dans les années 1930. Le deuxième cha­pitre est consacré aux processus suivis au cours de l’élaboration d’un film, ceci en définissant la répartition du travail et en souli­gnant les modes d’apprentissage qui diffèrent selon le contexte et le type de la personne novice en la matière.

El Khachab affirme par exemple être chanceux d’avoir accès à une société de production grâce à des relations person­nelles, et raconte comment le fait d’avoir le statut d’un doctorant lui a permis d’être aux côtés du cinéaste et de la star. Cependant, ce n’est pas toujours le cas quand il s’agit d’un apprenti qui cherche à s’infiltrer dans les lieux. Cette question de modes d’apprentis­sage conduit l’écrivain à aborder la hiérarchie dans cette industrie et son rapport au niveau du savoir-faire. Ainsi, il a recours aux notions sociologiques fran­çaises « habitus » et « savoir-faire » en soulignant l’impor­tance de distinguer entre les deux: avoir de l’habitus (la manière d’être, l’ensemble des habitudes et des comportements acquis par un individu ou un groupe d’individus) ne veut pas dire forcément avoir du savoir-faire.

Pour avancer dans son explica­tion, Chihab se trouvait dans l’obligation d’emprunter des mots à l’arabe au sein de son texte écrit en anglais, ce qui montre la spécificité du contexte traité. Les séquences opératoires sous-jacentes transformant le scénario en un film y sont aussi examinées méticuleusement jusqu’à arriver même à traiter les outils et/ou les appareils utilisés lors de ces cycles, entre autres papiers, téléphones, laptops, moniteurs et caméras. Le troi­sième chapitre est plutôt centré sur le rapport de ceux qui font partie de l’industrie à la techno­logie. Ceci à travers des histoires illustrant leur appréhension, mais aussi dévoilant des hypothèses contrastées témoignant de la frac­ture numérique générationnelle.

El Khachab entreprend d’y revisiter l’industrie de par le bud­get, l’organisation des journées de tournage, les problèmes surve­nus, etc. dans le quatrième cha­pitre. Quant aux cinquième et sixième chapitres, il y aborde la visualisation des créateurs de l’industrie du projet en tournage et l’imagerie mentale qu’ils ont à propos du public de leur projet.

L’ouvrage propose une nou­velle approche à travers un tra­vail ethnographique— peu com­mun— au niveau du contexte cinématographique égyptien, qui permet une compréhension de la pratique cinématographique en Egypte et invite à repenser l’in­dustrie .

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