Sayed mahmoud a réussi à documenter la période passée en Egypte par le poète palestinien Mahmoud Darwich à travers son ouvrage qui vient de paraître aux éditions Al-Mutawassit. Il y présente les circonstances de l’arrivée de Mahmoud Darwich de Moscou au Caire en février 1971, et les raisons de son départ en mars 1972. Et ce, tout en tenant compte de la situation politique liée au conflit israélo-arabe et la situation des Palestiniens après la défaite de 1967.
L’auteur reprend les articles publiés par Darwich en Egypte, expliquant dans son introduction : « Les critiques littéraires ont divisé les phases importantes chez Darwich comme suit : celle des territoires occupés, celle de Beyrouth, puis la transition vers Tunis, son séjour parisien et enfin, celle de ses derniers textes écrits entre Amman et Ramallah. Cela signifie que la période passée au Caire est presque inexistante ». Et de préciser : « Soit cette période était extrêmement courte par rapport aux années qu’il a passées dans d’autres villes, soit ce qu’il publiait durant ce séjour cairote n’était pas disponible. (…) C’est pourquoi j’ai décidé de documenter cette période et de révéler son importance ».
Le livre est divisé en deux parties. La première raconte les circonstances dans lesquelles Darwich est arrivé au Caire clandestinement et l’accueil prestigieux que lui a réservé l’Etat égyptien. La seconde partie est consacrée à ses articles publiés durant ce court séjour.
Pour la première fois, les lecteurs arabophones peuvent lire l’ensemble de la production de Darwich à cette époque, non seulement sa production poétique, mais aussi ses articles qui relèvent de l’analyse politique. Darwich y commentait les événements en lien avec la question palestinienne, notamment après la mort de Nasser en 1970, et les tentatives de réunification palestinienne à l’issue de la réunion du Conseil national palestinien au Caire en 1972.
Sayed Mahmoud rassemble également les premiers essais en prose de Darwich et fait référence à ses premiers contacts avec des poètes arabes et internationaux, lors d’événements culturels organisés à Bassora ou à Damas.
L’arrivée clandestine au Caire
Darwich s’opposait à l’idée de quitter la Palestine occupée. Mais à cause de la surveillance militaire, l’assignation à résidence et l’arrestation par les forces de l’occupation, le poète palestinien a changé d’avis. Icône « des poètes des territoires occupés », comme le surnommait l’écrivain palestinien Ghassan Kanafani, Darwich, a été assigné, en 1970, à résidence à Haïfa à la suite de la publication d’articles politiques jugés trop virulents par la justice en Israël.
Il demanda un visa afin de quitter le pays pour la Bulgarie, étant invité à une conférence pour les jeunes. Il s’est ensuite rendu à Moscou et a disparu au début de 1971. C’est au Caire qu’il a ensuite fait apparence en février 1971, où il a travaillé pour le quotidien Al-Ahram, aidé par son rédacteur en chef Mohamad Hassanein Heikal.
Mahmoud Darwich en compagnie de Safinaz Kazem et Abdel-Rahman Al-Abnoudi, au Caire.
Le livre raconte que l’ambassadeur d’Egypte à Moscou Mourad Ghaleb a joué un rôle important pour convaincre Nasser de l’importance de Darwich. L’objectif d’accueillir Darwich était en premier lieu de gagner les partisans de la cause palestinienne face aux ennemis de Nasser et de renforcer la présence de la cause palestinienne en tant que question centrale en temps de crise. Accueilli chaleureusement par les intellectuels et les hauts responsables égyptiens, Darwich a considéré l’éminent journaliste Ahmad Bahaeddine comme étant son père spirituel. Ce dernier ayant été rédacteur en chef de la revue Al-Hilal, il y publiait souvent des poèmes et des textes en prose de plusieurs auteurs palestiniens, dont notamment Mahmoud Darwich. Il a d’ailleurs publié entre autres l’article de Kanafani sur le poème de Darwich Bitaqatte Howiya : Sajjel Ana Arabi (carte d’identité et inscris : je suis arabe).
Le livre ne manque pas de révéler les sentiments de Darwich envers l’Egypte. Selon l’auteur, le poète palestinien décédé en août 2008 « aimait Le Caire tout comme il aimait Haïfa », et il le voyait toujours « plus beau qu’il ne l’imaginait ». Il était « fasciné de voir pour la première fois une ville entière parler en arabe ; les noms des rues étaient écrits en arabe ».
Départ pour Beyrouth
Cependant, Darwich n’est pas resté longtemps en Egypte. Il est parti s’installer à Beyrouth, en mars 1972, après les changements politiques sous Sadate. Les relations égypto-russes se sont détériorées. Sadate se détachait du socialisme arabe et de l’économie dirigée, au profit d’un libéralisme plus prononcé. De quoi avoir poussé Darwich à quitter l’Egypte pour travailler au Centre des études palestiniennes à Beyrouth. Il y a également occupé le poste de directeur du Centre de recherche dépendant de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et s’est joint à celle-ci.
L’ouvrage documente une période assez riche sur les plans culturel et politique. Une bonne référence pour les générations à venir.
Mahmoud Darwich fi Misr. Al-Matn Al-Majhoul (Mahmoud Darwich en Egypte. Le texte inconnu) par Sayed Mahmoud, aux éditions Al-Mutawassit, Italie, 336 pages.
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