Ce n’est pas un roman autobiographique comme on aurait pu l’imaginer à travers le titre, mais plutôt un livre qui appartient à l’anthropologie culturelle. L’auteur plonge dans sa mémoire d’enfant et nous livre ses observations sur la vie quotidienne d’une famille copte égyptienne vivant dans le gouvernorat de Minya (en Haute-Egypte) dans les années 1990.
L’auteur Mina Adel Gayyed y aborde les us et coutumes, ainsi que les croyances populaires coptes, dans une suite de textes, entre analytiques et narratifs. Et ce, à travers les souvenirs qu’il partage avec sa famille, ses collègues et ses voisins. En lisant ce livre, on s’aperçoit que ces croyances chrétiennes sont issues du patrimoine commun à tous les Egyptiens, elles sont profondément enracinées dans la culture locale. « Les expériences de plusieurs pays, dans le domaine de la diversité religieuse et ethnique, montrent que la tolérance, la reconnaissance et le respect des droits culturels sont basés sur une prise de conscience sociale quant aux différences et aux ressemblances entre les maintes communautés composant une nation. De quoi établir la confiance et renforcer les liens communs. Ce livre important insiste sur cette prise de conscience, en jetant la lumière sur le mode de vie des citoyens coptes, faisant partie de notre héritage culturel », souligne Saïd Al-Masri, professeur de sociologie à l’Université du Caire et ancien secrétaire général du Conseil suprême de la Culture, dans la préface de l’ouvrage.
L’auteur, qui a fait des études en anthropologie culturelle à l’Université du Caire, est conscient des changements survenus dans la relation entre musulmans et chrétiens en Egypte, notamment à Minya, sa ville natale, étant l’une des plus marquées par les actes de violence confessionnelle. Il se rend tout à fait compte que notre manière de voir l’Autre est complètement biaisée. Et il le révèle à travers les histoires qu’il raconte, dans l’objectif de nous donner espoir. « Je n’ai pas rédigé cet ouvrage pour dire que les coptes sont différents, mais pour prouver qu’ils sont des Egyptiens comme les musulmans et qu’ils partagent ensemble un même héritage culturel », précise Gayyed, au début de son livre.
Rituels entremêlés
La cérémonie du septième jour de la naissance d’un bébé en est un exemple de ces rituels ancestraux. « La célébration commence par placer l’enfant dans un tamis, muni d’une couverture légère, sous laquelle on cache des cacahuètes et des friandises. La femme la plus âgée de la famille porte le tamis avec le bébé dedans, elle le secoue plusieurs fois, puis le dépose sur sol pour que sa mère l’enjambe sept fois. Entre-temps, la vieille dame répète le nom d’Allah, finissant par dire : Au nom de Mohamad Ibn Abdellah, prophète des musulmans », explique l’auteur dans son livre. Et d’ajouter : « Les croyances s’influencent mutuellement et parfois, fusionnent. Nous sommes devant des cérémonies qui remontent à des milliers d’années et qui sont pratiquées par une famille copte toujours de la même façon ».
L’ouvrage abonde en histoires sur les fêtes coptes, l’origine de leur appellation et leurs rituels, sur le premier tatouage de la croix et sur le Vendredi saint (qu’on appelle à Minya le long vendredi, étant un jour qui rappelle la passion de Jésus, sa mort sur la croix et sa mise au tombeau), sur la célébration de la naissance de la Vierge au mont Al-Tayr aux alentours de la ville de Minya, etc. Tous les détails mentionnés montrent à quel point les deux communautés copte et musulmane se ressemblent, notamment en ce qui concerne la célébration des saints de part et d’autre.
La plupart des Egyptiens ont recours à eux pour exaucer un voeu, en demandant leur aide ou leur médiation. Tous veulent avoir la bénédiction et croient en la force du miracle. Pour ce faire, les coptes se dirigent parfois aux mosquées et les musulmans aux églises, notamment pour se protéger du mauvais oeil ou se débarrasser de l’effet maléfique des djinns.
On retrouve pas mal de points de ressemblance aussi au niveau des rituels de la mort : le deuil officiel de trois jours, les obsèques et l’hommage rendu au quarantième jour, hérités des pharaons.
Mina Adel parle aussi de discrimination dans son ouvrage, mais cela se fait de manière assez humoristique. Il raconte, dans la plus grande simplicité, qu’il a toujours été victime de discrimination, tant de la part des musulmans que de la part des chrétiens. Il explique que son prénom révèle tout de suite son identité religieuse, donc il a droit à un comportement prudent de la part des musulmans. Les coptes, eux, lui refusent tout traitement de faveur en lieux publics, de peur d’être accusés de connivence.
L’auteur poursuit ainsi ses petites histoires et anecdotes, surmontant toute offense ou ségrégation. Finalement, c’est l’humour purement égyptien qui prend le dessus.
Kontou Teflane Qebtiyane fil Minya (j’ai été un enfant copte de Minya), de Mina Adel Gayyed, 128 pages, aux éditions Magaz, Le Caire, 2020.
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