On doit parvenir à un équilibre entre le spirituel et le matériel. C’est le propre des humains, et surtout le message qu’adresse la romancière égyptienne Rasha Zidan à travers sa trilogie Roh (âme). Le dernier volume de cette dernière vient de paraître aux éditions Al-Karma, alors que les deux premiers sont sortis toujours chez le même éditeur en 2016 et 2018. Cette trilogie est la première fiction de Rasha Zidan, qui a fait des études de gestion à la faculté de commerce de l'Université du Caire. Tout à fait loin du monde des affaires, elle y effectue une quête soufie. Dans ce troisième volume, la jeune femme divorcée, au prénom de Roh (âme), personnage principal des trois tomes, s’éprend de Nour (lumière) son gourou et maître soufi, marié à une amie marocaine, Haya (vie). Ils ressentent la passion qui les anime, mais la cachent aux regards d’autrui. Ils échangent des poèmes d’amour mystique qu’ils composent, mais tout entre eux reste implicite. Roh doit faire le choix entre cet amour interdit et sans espoir, et l’amour qui peut mener au mariage. « Elle n’est pas un ange pour se contenter de rencontres spirituelles. Elle est un simple être humain. Et les humains vivent sur terre, gérés par des règles terrestres ! », souligne la romancière, en décrivant l’héroïne du roman.
Rasha Zidan explique également dans son livre Howa Anta (c’est toi) que mener une vie de derviche errant en renonçant aux plaisirs du monde terrestre pour mieux libérer son esprit ne constitue pas le seul chemin à prendre. « Notre mission sur terre est d’épurer notre caractère humain et non pas de l’abandonner entièrement. Et pour ce faire, il ne faut pas se détourner des choses de la vie et des événements en cours », précise Zidan dans le roman, à travers son personnage.
La romancière applique le principe soufi selon lequel Dieu se manifeste à travers tout ce qui arrive à l’être humain. Il se manifeste aussi à travers toute personne rencontrée, considérée comme un envoyé céleste. Le monde s’avère ainsi comme un miroir du divin. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Roh a consenti au mariage avec la personne qu’elle a considérée comme étant « la miséricorde de Dieu, dans la peau d’un homme ». Il s’agit de Diya (lueur), un architecte d’intérieur d’origine marocaine, qu’elle a rencontré lors d’un voyage de travail. Elle réitère : « Chacun de nous cherche son soleil, à même de lui éclairer son chemin et l’aider à aimer Dieu, à se purifier et à changer », dit-elle.
Des amours différentes
On poursuit la quête mystique entamée par Roh, dans les deux premiers volumes, pour surmonter un divorce qui l’a complètement déchirée. Dominée par le dialogue spirituel, la trilogie baigne dans l’univers du poète soufi turc Djalal Al-Dine Al-Roumi et son guide spirituel Chams Al-Tabrizi. L’héroïne adopte les quarante règles de l’amour prônées par ces maîtres soufis : « L’existence du mal n’est que l’ombre que souligne la lumière. (...) La voie de la vérité est un travail de coeur. (…) Laissez-vous guider par votre propre coeur et non pas par l’esprit ».
Malgré soi, on compare ces préceptes à l’amour platonique entre Roh et Nour, tout en sachant qu’il ne s’agit pas tout à fait de la même chose. Car dans le premier cas il est question d’une affection humaine, alors que dans le deuxième c’est l’amour divin qui s’accapare des âmes. Roh (âme), symbole de tout être humain à la recherche de Dieu et de soi-même, réussit à lire les signes que lui envoie le ciel, à voir plus clair en elle et à atteindre l’apaisement. Un long périple qui s’étend sur trois tomes.
Howa Anta (c’est toi) de Rasha Zidan, aux éditions Al-Karma, 2020, 363 pages.
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