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Pour une littérature tansfrontalière

Rasha Hanafy, Mercredi, 07 octobre 2020

Voix arabes est une initiative culturelle soutenue par l’Union européenne afin de promouvoir la traduction d’ouvrages égyptiens récemment publiés. Un premier catalogue en anglais, regrou­pant une sélection de romans, sera présenté au Salon du livre de Francfort le 15 octobre.

Pour une littérature tansfrontalière

Une sélection de 32 romans, parmi les publications égyptiennes récentes, a été effectuée dans le cadre de l’initiative « Voix arabes », un projet financé par l’Union Européenne (UE), dans le but de promouvoir la littérature arabe et notamment sa traduction vers des langues étrangères. Et ce, avec la col­laboration de plusieurs centres et instituts culturels et d’un comité de jury, regroupant des académiciens, critiques et éditeurs égyptiens. L’idée consiste à faire le tri parmi les dernières parutions, pour choisir ce qui est vraiment à même d’intéresser les éditeurs occidentaux, ou de les orienter dans leur choix. Le comité de sélection est composé de Heba Sherif, ancienne professeure de littérature allemande à l’Uni­versité du Caire et ancienne directrice de la fondation suisse Pro Helvetia au Caire entre 2006 et 2016 ; Shereen Aboul-Naga, profes­seure de littérature comparée à l’Université du Caire et membre du jury du prix Naguib Mahfouz décerné par l’Université américaine ; Neil Heusen, ancien directeur éditorial de l’AUC Press, Marcia Lynx, blogueuse de litté­rature arabe qui tient un site en anglais, Tine Lavent, directrice de la librairie de l’Institut néerlandais-flamand au Caire et professeure de langue de dialectal égyptien, et Abir Megahed, directrice de la librairie de l’Institut Goethe au Caire. « Nous visons à promouvoir la traduc­tion des livres écrits en arabe dans le monde entier. Et ce, en présentant des informations détaillées en anglais sur les dernières publica­tions et en les rendant accessibles sur les mar­chés et les salons internationaux du livre. Nous allons commencer principalement par les oeuvres littéraires, car elles suscitent déjà un intérêt sur le plan international. Plus tard, nous comptons nous étendre à des essais, des livres pour enfants ou autres », explique Sherif Bakr, coordinateur de l’initiative et proprié­taire de la maison d’édition Al-Arabi. Et de préciser : « Le comité de sélection a mis des critères bien définis, en tenant compte du point de vue de l’éditeur étranger et du lecteur étranger. Par exemple, nous devons prendre en considération certains facteurs, à savoir : la date de la publication, le style et le langage ; l’environnement dans le lequel se déroule le roman, la traduisibilité de l’ouvrage ainsi que sa taille ».

Cette initiative est une aubaine pour les édi­teurs locaux, puisqu’elle les rapproche du marché international et peut leur servir d’indi­cateur, afin d’opérer leurs choix éditoriaux. « On doit vraiment penser à ce qui intéresse les éditeurs et les lecteurs étrangers, pour essayer de leur parvenir. Le roman intitulé Baligh de Talal Fayssal, à titre d’exemple, est basé sur les chansons du compositeur égyptien Baligh Hamdi, interprétées par Warda et Mohamad Rouchdi. Ce genre de sujet n’est pas du tout vendeur sur le marché international du livre traduit, même s’il a réalisé des ventes importantes sur le plan local. On doit toujours nous poser la question : Qu’est-ce qu’il faut traduire pour nous présenter aux autres ? », souligne Heba Sherif, traductrice et membre du comité de sélection. Cette dernière trouve que c’est une belle chance aux acteurs locaux, travaillant dans le champ de l’édition, pour mieux investir le produit culturel égyptien, notamment sur le plan économique.

Industries créatives

Les débuts de ce projet remontent à 2018-2019. A l’époque, le Centre culturel britannique au Caire, en collaboration avec le réseau des instituts culturels nationaux de l’UE, a exécuté un projet intitulé « Vers l’établissement d’un cadre pour l’économie des industries créatives ». Plusieurs acteurs locaux y étaient présents. Ce projet visait à attirer l’attention vers l’importance de l’économie créative et à souligner son rôle socioéconomique dans le processus du développement, notamment la création d’emplois. Il a débouché sur une plateforme pour échanger les informations, les expériences et la coordination entre les diverses parties concernées, en leur transférant les expériences européennes en la matière.

« L’idée de la nouvelle initiative lancée avec l’UE est inspirée de mon projet de fin d’étude, qui m’a permis d’obtenir un diplôme en développement et gestion culturels, à l’Université du Caire. L’idée était de faire un catalogue, renfermant les titres des dernières parutions égyptiennes et de les mettre à la disposition des éditeurs étrangers, pour les aider à trouver des oeuvres à traduire. Sherif Bakr a repris la même idée, lui a donné corps et l’a transformée en projet, que l’on a soumis au réseau des instituts culturels nationaux de l’UE. Et les choses ont commencé à se concrétiser à partir de janvier 2020 », indique Abir Megahed, cofondatrice de l’initiative et membre du comité de sélection.

D’après cette dernière, ce genre de catalogue est normalement publié par le ministère de la Culture, et distribué lors des expositions culturelles internationales, afin de présenter un éventail des produits culturels du pays. « C’est ce que j’ai connu moi-même durant mon travail à l'Institut Goethe. L’Allemagne, représentée par le ministère de la Culture, offre ce catalogue avec un soutien financier aux éditeurs égyptiens pour qu’ils procèdent à la traduction d’ouvrages allemands. Donc, le pays paie pour que sa culture et ses intellectuels soient traduits dans plusieurs langues et pour que leurs oeuvres soient distribuées aux quatre coins du monde. L’éditeur étranger, qui s’intéresse à la traduction d’ouvrages arabes, n’a pas de problèmes de financement, mais il souffre plutôt d’un manque d’informations. Le catalogue peut alors régler ce problème », affirme Megahed.

Le président de l’Organisme égyptien du livre, Haïssam Al-Hagg, s’intéresse beaucoup à ce catalogue en anglais, lequel présente des fiches détaillées concernant les dernières publications. Selon Abir Megahed, « il est assez enthousiaste quant à la distribution de ce catalogue durant les manifestations culturelles internationales, auxquelles participe l’Egypte ». L’ambition des principaux acteurs de l’initiative Voix arabes serait de s’étendre sur les ouvrages édités dans d’autres pays arabes, même s’il s’agit d’un catalogue égyptien, à la base. D’où le nom de l’initiative, Voix arabes.

Pour le moment, les 32 oeuvres qui figurent sur la liste du comité de sélection seront pré­sentées aux éditeurs intéressés par la traduction de textes arabes, au prochain Salon du livre de Frankfort, le 15 octobre prochain.

A cause de la pandémie, l’édition 2020 se déroulera en ligne. Les éditeurs internationaux pourront donc avoir des informations en anglais sur des ouvrages égyptiens, tels Bayt Al-Qibtiya (la maison de la copte) d’Achraf Al-Achmawi, Salib Moussa (la croix de Moïse) de Haïssam Dabbour, Ghoyoum Faransiya (nuages français) de Doha Assi, Madinet Al-Hawaëtte Alla Nihaïya (la cité aux murs infinis) de Tareq Imam, etc. Une belle liste assez exhaustive.

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