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Des symboles qui ne meurent jamais

Rasha Hanafy, Lundi, 04 mai 2020

Dans son roman Rigal Ghassan Kanafani (les hommes de Ghassan Kanafani), l’écrivain Amr Al-Adly a choisi de s’attaquer à la cause palestinienne à travers des personnages représentatifs de la vie d’un peuple condamné à l’errance.

Des symboles

C’est un roman qui s’inspire de la résistance et qui s’interroge sur le chemin auquel elle aboutit. Rigal Ghassan Kanafani (les hommes de Ghassan Kanafani) se déroule entre 1967 et 1981. Il s’inspire essentiellement de la vie de l’écrivain et militant palestinien Ghassan Kanafani, assassiné à Beyrouth en 1972, dans un attentat à la voiture piégée.

Le personnage principal de ce premier roman d’Al-Adly s’appelle Marwan. Il porte le même prénom que le héros de l’ouvrage magistral de Ghassan Kanafani, Rigal fil Chams (des hommes dans le soleil), publié en 1963, plusieurs années après la Nakba et l’exil de son auteur.

Le « nouveau » Marwan est un jeune Palestinien qui cherche à partir au Koweït, pour y travailler et faire des économies, afin d’épouser Safiya. Il erre en Jordanie, y rencontre le chauffeur égyptien Mansour et rentre avec lui en Egypte, sans jamais aboutir à sa destination principale. En 1967, Mansour est porté disparu; le jeune Palestinien est resté aux côtés de la fille de ce dernier, afin de la protéger.

Malgré l’échec de ses tentatives de trouver un travail, Marwan refuse catégoriquement de transporter de la marchandise vers l’Etat hébreu ou vers les unités israéliennes station­nées dans le Sinaï. Il continue à errer dans les rues du Caire, racontant son histoire aux gens qu’il rencontre. « J’ai perdu toutes les batailles que j’avais livrées, même la maison qui m’a ouvert ses portes, je l’ai perdue, il en est de même pour ma ville Césarée (ndlr: ville antique de la Palestine, sur la côte méditerranéenne). Je l’ai perdue à cause de la conspira­tion », avoue Marwan, en ima­ginant s’adresser à sa mère.

Comme dans l’oeuvre de Kanafani, Marwan est le sym­bole de tout le peuple palesti­nien, épuisé par les pertes, même s’il ne manque pas de courage. Sa mère n’a jamais quitté les territoires palesti­niens occupés, alors que son père, moins tenace, a cherché à compenser ses pertes, en épousant une autre femme plus riche, dont les terres n’ont pas été confisquées.

Les personnages de Amr Al-Adly s’effacent le plus souvent devant le danger et ne crient pas la vérité. Ils sont plutôt défaitistes et écra­sés par le destin. Le chauffeur qu’il a rencontré lui déclare simplement, en fumant sa cigarette : « Votre pays est affligé; tout le monde le traite comme un conducteur sur la route: lorsqu’un accident soudain se produit, les voitures conti­nuent leur chemin comme si de rien n’était ; personne n’intervient pour aider les rescapés. Les conducteurs agissent comme s’ils étaient tous à l’abri des accidents ».

Les Hommes de Ghassan Kanafani est un roman qui rappelle les événements qui se sont déroulés il y a plusieurs décennies, dans le but de reconsidérer les diverses prises de position arabes.

Ghassan, le martyr toujours en vie

L’écrivain et militant palestinien Ghassan Kanafani (1936-1972) a écrit 18 livres et des centaines d’articles de presse. Il s’est toujours servi de symboles et d’expériences person­nelles pour faire passer des messages forts. Il fut obligé de quitter sa ville, Jaffa, avec sa famille, pour s’installer tout d’abord au Liban, puis en Syrie et plus tard au Koweït. Son roman Des Hommes dans le soleil raconte l’histoire de trois Palestiniens qui décident de partir au Koweït en clandestins pour y chercher refuge et gagner leur pain. Ils rencontrent un chauffeur qui leur promet de les aider à traver­ser la frontière iraqienne, en les cachant dans une citerne dans laquelle il transporte habituel­lement de l’eau.

La traversée du désert était ardue et plus compliquée que prévu, et les trois voyageurs meurent, sans avoir appelé à l’aide ni même frappé aux murs de la citerne une seule fois, pour qu’on vienne les secourir.

Pour Kanafani, les trois voyageurs représen­taient le peuple palestinien, en détresse, à la recherche d’une issue de secours. L’auteur dénonce la passivité politique d’une partie du peuple, celle qui reste inactive face aux pro­blèmes et qui préfère attendre que les autres règlent la situation. Il dénonce aussi ceux qui ne se sentent pas concernés par ce qui se passe, tout en estimant qu’il n’est pas de leur rôle d’essayer de remédier aux crises poli­tiques du pays. Ceci dit, les romans de Kanafani et d’Al-Adly constituent un cri pour éveiller la conscience politique et humaine de tout un chacun. Et ce, en dépit de la différence générationnelle. Car Al-Adly est né au Caire en 1970. Il a commencé à publier en 2008 et a été sélectionné pour plusieurs prix littéraires, dont celui de Sawiris en 2016, pour son recueil de nouvelles Hikayat Youssef Idriss (les histoires de Youssef Idriss) l

Rigal Ghassan Kanafani (les hommes de Ghassan Kanafani), aux éditions Al-Dar Al-Arabiya Lil Kitab, 2020, 335 pages.

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