Elle a d’abord voulu faire des études de biologie. Puis, Yara El-Masri (31 ans) a fini par exceller dans la traduction et les études linguistiques. Sa contribution remarquable visant à présenter la poésie et le roman chinois au lecteur arabe lui a valu récemment d’être sélectionnée comme lauréate du prix de l’Etat chinois pour la traduction, catégorie Jeunes professionnels. En fait, c’est la maison d’édition de l’Université de Pékin qui a posé sa candidature.
Il s’agit du deuxième prix qu’elle reçoit durant son parcours professionnel. En 2016, elle a décroché le premier prix de la compétition destinée aux jeunes traducteurs, organisée par l’hebdomadaire culturel égyptien Akhbar Al-Adab. Et ce, pour sa traduction du roman intitulé Le Gourmet, de l’écrivain chinois Lu Wenfu.
La carrière de Yara El-Masri dans le domaine de la traduction a débuté en 2012. En sept ans, elle a traduit neuf ouvrages, variant entre poésies et romans, pour des intellectuels chinois comme les poètes Hai Zi et Meng Lang, le romancier Su Tong, ou encore des textes de l’écrivaine Wang Anyi. El-Masri a publié quelques extraits de ses traductions dans des revues culturelles arabes comme la revue koweïtienne Al-Arabi, les revues émiraties Dubai Alsaqafiya et Al-Ittihad, outre des revues égyptiennes dont Akhbar Al-Adab et le supplément culturel du quotidien Al-Ahram.
« Mon travail en tant que traductrice, spécialisée dans la traduction de la langue chinoise vers la langue arabe, a été apprécié par la maison d’édition de l’Université de Pékin. Les prix que j’ai reçus jusque-là m’ont encouragée à faire de mon mieux, pour transmettre la culture chinoise aux lecteurs arabophones », souligne El-Masri. Et d’ajouter : « Je rêve de traduire les oeuvres complètes de plusieurs écrivains chinois de grande renommée, comme l’écrivain Hai Zi, l’une des figures de proue de la révolution culturelle chinoise. Son mysticisme est influencé par la philosophie et l’art occidentaux. Sa poésie est toujours très populaire parmi les jeunes chinois. Il a écrit de courts et longs poèmes, des nouvelles, des pièces de théâtre. Son oeuvre complète a été publiée en 1997. Il s’est suicidé sur les rails à l’âge de 25 ans ».
La jeune traductrice trouve que les difficultés de son travail émanent des différences de contextes sociaux, culturels et historiques propres à la Chine. Elle traduit du chinois mandarin, la langue traditionnelle et officielle de la Chine, autrement dit le chinois standard.
Tout d’abord, elle commence par lire tout ce qui a été traduit du chinois vers l’anglais. Ensuite, elle étudie tous les commentaires et les critiques publiés à propos des ouvrages qu’elle envisage de traduire. Elle a parfois recours à des discussions avec l’auteur ou avec des amis chinois, afin d’éclaircir certains idées ou expressions dialectales.
Valoriser le métier de traducteur
El-Masri a grandi dans une maison où le livre occupe une place importante, son père étant le journaliste et poète, Ibrahim El-Masri. Née à Alexandrie, en 1988, elle a achevé ses études secondaires aux Emirats arabes unis, en 2006.
De retour en Egypte, elle a effectué des études de traduction, à la faculté des langues, section chinoise, de l’Université de Aïn-Chams.
Après avoir obtenu son diplôme en 2012, elle a passé une année à l’Université de Shandong, à Jinan, environ 400 km au sud de Pékin. « Mon père m’a incitée à étudier la langue chinoise. Car il voyait que la Chine serait la puissance émergeante du XXIe siècle. Je savais que c’était une langue difficile. Mais les civilisations chinoise et arabe se croisent depuis des milliers d’années. Il y a de nombreux points communs entre les deux », explique El-Masri, qui a commencé par traduire de courtes nouvelles chinoises. Aujourd’hui, elle rêve de présenter aux lecteurs chinois le roman égyptien de Sabri Moussa, intitulé Fassad Al-Amkenah (pourriture des lieux).
« La traduction en Egypte et dans le monde arabe doit être plus institutionnalisée, avec la création d’entités capables de publier et de distribuer les ouvrages traduits. Il existe de nombreux traducteurs dans le monde arabe, mais ce qui manque c’est l’appréciation morale financière. La traduction doit être un métier rémunérateur pour un traducteur professionnel », confirme El-Masri, qui insiste sur l’importance de la traduction pour l’interaction entre les peuples, les civilisations et les cultures.
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