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Un livre à la mémoire du professeur

Rasha Hanafy, Dimanche, 02 décembre 2018

La maison d’édition Al-Ain a publié un livre sur les idées du penseur égyptien Nasr Hamid Abou-Zeid, à l’occasion du 8e anniversaire de sa mort. Il rassemble les textes de 11 chercheurs traitant des idées du théologien quant à la lecture et l’interprétation du Coran.

Un livre à la mémoire du professeur

Al-qorän min al-nas ila al-khitab (le coran du texte au discours), tel est le titre d’un livre publié récem­ment par la maison d’édition égyp­tienne Al-Ain, parution à l’occasion de laquelle a eu lieu, la semaine der­nière, une soirée-débat sur les idées du penseur islamique Nasr Hamid Abou-Zeid. L’ouvrage, publié à l’oc­casion du 8e anniversaire de la mort du penseur, rassemble les papiers écrits par 11 chercheurs pour la conférence intitulée « Après Le Concept du texte », tenue en 2016 par la fondation Nasr Hamid Abou-Zeid pour les études islamiques, Le Concept du texte étant un livre important du penseur Abou-Zeid, publié dans les années 1990.

Les 11 papiers traitent du déve­loppement des idées d’Abou-Zeid quant à la lecture et l’interprétation du Coran. Le théologien insistait sur une lecture moderne du texte sacré. Le Coran, pour lui, évolue en fonction du temps, en tant que texte. La méthode d’analyse d’Abou-Zeid est basée sur la prise en considération du facteur temps ainsi que sur l’étude de la sociolo­gie de l’entourage du prophète et de faits historiques qui ont joué un rôle lors de la révélation. Il insiste éga­lement sur l’importance de la prise en considération des changements au sein de la société moderne et des acquis de l’humanité.

Selon les chercheurs, les idées d’Abou-Zeid vont de la considéra­tion du livre saint comme un texte jusqu’au traitement du Coran en tant que discours. « Quelle est la diffé­rence? Si nous traitons le Coran en tant que texte, il deviendra une auto­rité dirigeante et si nous le lisons comme un discours, il deviendra un espace ouvert pour le débat, le dia­logue et la possibilité d’interpréta­tion », explique Mohamad Harbi dans son introduction du livre.

Entre texte, discours et histoire

Un livre à la mémoire du professeur

Contrairement aux extrémistes, dont la vision est basée sur l’héri­tage de la pensée islamique clas­sique, le hadith (les propos du pro­phète) et l’élimination de la raison sous prétexte que le texte est sacré, Abou-Zeid plaidait pour une lecture du Coran à l’aide de la linguistique et des sciences humaines. C’est pour cela qu’on ne peut pas négliger le facteur temps dans l’analyse, la compréhension et l’interprétation du texte selon lui. Sa méthode pour l’interprétation du texte sacré est basée sur la raison, car il était un grand lecteur des penseurs de l’école d’Al-Moetazila (mouvement théologique utilisant la raison dans l’interprétation de la doctrine).

« Le Coran est un Livre saint, mais aussi un texte en langue arabe, qui ne peut être limité à un rôle de prescription ou d’interdit, mais qui a pour vocation d’être productif pour l’essence de la culture. S’abstenir de considérer le Coran comme un document linguistique contribue à figer sa signification », avait déclaré Abou-Zeid dans l’un de ses discours publié dans le livre. Il avait ajouté: « Le texte coranique est le résultat d’une dialectique entre le texte et la réalité. L’absolu s’est révélé aux humains à travers son discours, mais il n’a pu le faire qu’en employant le système d’inter­prétations culturelles et linguis­tiques des humains. Choisir une langue n’est pas choisir un réci­pient vide, la langue étant l’instru­ment le plus important d’une com­munauté pour saisir le monde et lui donner de l’ordre dans la conscience ».

Selon les différents chercheurs qui ont travaillé pour le livre, Abou-Zeid a appelé à tenir compte du contexte historique du texte sacré. C’est ce qui permet de saisir la nature de la communication entre Dieu et les humains auxquels Il s’adresse. Selon lui, il faut examiner le Coran dans sa totalité, c’est-à-dire ne pas en retenir certaines par­ties et en ignorer d’autres, mais l’interpréter en tant qu’un tout, à la lumière de l’Histoire. A cet égard, Abou-Zeid avait mentionné, selon les chercheurs: « L’erreur fatale dans la position des sunnites, les anciens et ceux de nos jours, est de considérer l’Histoire et la moderni­té comme un mouvement vers le pire sur tous les plans. Raison pour laquelle ils lient le sens du texte à l’âge d’or de l’islam, l’époque du prophète, tout en négligeant que par leur fait, ils insistent sur la tempo­ralité du texte et sa signification. Cette erreur est une position idéolo­gique de la réalité qui s’oppose à tout progrès ».

Le livre Le Coran du texte au dis­cours donne notamment l’occasion à de jeunes chercheurs d’étudier la pensée d’Abou-Zeid et de proposer de nouvelles visions pour traiter le texte sacré— une approche encou­rageante .

Al-Qorän Min Al-Nas Ila Al-Khitab, édi­tions Al-Ain, 2018

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