J’ai eu la chance de lire le manuscrit de ce livre avant qu’il ne soit publié et qui avait pour titre Mo avec une photo portrait de Mohamad Salah et non pas son image habituelle en tenue de football. Ainsi, depuis le début, le lecteur sait qu’il ne s’agit pas d’un nouveau livre sur un joueur de football.
Selon l’auteur, Ahmad Khaled, Salah se décrit toujours en disant : « Je ne suis qu’un joueur de football ». Depuis l’introduction et jusqu’au 20e et dernier chapitre du livre, l’auteur montre un profond amour du football.
Journalise et poète, Ahmad Khaled a déjà publié de nombreuses oeuvres littéraires, mais c’est la première fois qu’il écrit sur le monde du football qui le passionne. Mais ici, il garde sa touche personnelle. « Je l’ai écrit comme un poème en prose, à quelques différences près », écrit-il. Parmi ses recueils de poèmes Dawawin (des recueils), Haqiqa La Taarefna (une vérité qui ne nous connaît pas) et Jica.
L’écrivain remonte au début des années 1980 en racontant l’histoire de l’équipe de football de son village en Haute-Egypte, qui a réussi à unifier les fils des différentes tribus sous une même bannière. Dans ce que l’on peut appeler « une histoire personnelle du football », l’auteur souligne que le sport, surtout le football, constitue une forte barrière contre le terrorisme et la drogue.
Dans le premier chapitre intitulé Le Cheikh russe, Khaled remonte aux origines de Mo, il raconte l’histoire du cheikh Mohamad Ayad Tantawi, né dans la ville natale de Salah, qui est Nagrig, et qui, en grandissant, est devenu un auteur et un traducteur célèbre à Saint-Pétersbourg, où il a émigré en 1840. Ainsi, le lecteur apprend un lien entre l’Europe et le minuscule village égyptien, établi depuis des décennies.
Au 2e chapitre intitulé « La Douleur au jasmin », Khaled s’approche de Nagrig sous un angle différent. Il révèle que le pilier principal de l’économie du village, la culture du jasmin, est contrôlé par une mafia qui fait des millions de dollars de profit de son exportation, tandis que les villageois survivent grâce aux cacahuètes.
Quand il remonte aux débuts de Salah dans l’équipe de football d’Al-Moqaouloun, l’auteur se concentre sur la politique du club, sous son président de l’époque, l’ancien premier ministre Ibrahim Mahlab, et qui visait à découvrir, à sponsoriser et à investir dans de nouveaux talents égyptiens. Il se demande pourquoi l’Etat n’a pas adopté de plan similaire qui aurait conduit à la découverte de centaines de talents comme Salah.
Au-delà du parti pris
(Photo : AFP)
C’est un livre bien documenté, en particulier avec les statistiques employées par l’auteur dans le chapitre le plus important du livre, celui consacré au racisme. Khaled démystifie la perception commune selon laquelle Salah a contribué à la baisse des incidents racistes en Angleterre.
Il affirme qu’entre 2017 à 2018, les incidents racistes se sont multipliés à l’intérieur et à l’extérieur des terrains de football, selon l’organisation Kick It Out. Dans ce qui peut être une triste surprise pour les lecteurs. Le pire incident était l’attaque à Nottingham contre l’étudiante égyptienne Mariam Abdel-Salam, décédée en février des suites de ses blessures.
Quant aux théories populaires selon lesquelles Salah représente un nouveau modèle de l’islam, Khaled se demande : « Quel est ce modèle ? ». Sa conclusion ? Mohamad Salah est un joueur de football, point à la ligne.
« Mohamad Salah n’est pas un symbole de l’islam, ni son représentant, ni un modèle islamique », soutient-il. Cependant, l’observatoire appartenant à la plus grande institution de l’islam sunnite, Al-Azhar, a déclaré que « les prosternations de Salah sont un triomphe de la religion ». « C’est une farce », dit Khaled, pour quelle religion triompherait un joueur de football ? La performance de Messi ou de Ronaldo peut-elle être considérée comme un triomphe pour le christianisme ?
Salah est un musulman, c’est un honneur pour lui, et une vertu, mais il n’a pas réussi parce qu’il est un musulman pieux, il a réussi pour les mêmes raisons que Messi et Ronaldo.
Avoir du talent, le préserver et le développer et, bien sûr, le travail, le travail, le travail et le professionnalisme sont les clés de l’avancement de Salah et du progrès de tout joueur.
La valeur de l’attitude européenne, conclut Khaled, réside dans son appréciation de la distinction. L’Europe a accueilli Salah parce qu’il a du talent, elle ne s’est pas abstenue de le faire parce qu’il est musulman, égyptien et arabe. Il est vrai que le racisme est devenu ordinaire dans les villes, mais cela n’est pas la règle générale.
En règle générale, l’Europe accueille tous ceux qui excellent. « Bien que la comparaison soit inadmissible, l’Angleterre a accueilli Salah comme elle l’a fait avec le génie Magdi Yaaqoub, qui a été décoré de l’Ordre de chevalier en échange de services rendus à l’humanité. Ces services sont plus profondément utiles à l’humanité et tiennent un rang plus élevé devant Allah et son prophète que ceux de Salah. Je répète devant Allah et son prophète », dit l’auteur.
En fin de compte, le livre d’Ahmad Khaled n’est pas rempli d’analyses et de théories, mais se focalise sur le football sans oublier l’industrie et le business qui soutiennent ce sport.
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