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Le Salon du livre, pôle d’attraction

Dina Kabil, Lundi, 05 février 2018

Avec l'augmentation du nombre d'éditeurs et une hausse des ventes, la 49e édition du Salon international du livre du Caire est un succès. Visite de l’un des plus grands événements culturels de l’année.

Le Salon du livre, pôle d’attraction

Depuis son ouverture, le 27 janvier dernier, le 49e Salon international du livre du Caire attire la foule. L’affluence ne semble toutefois pas être un signe de succès pour certains éditeurs qui occupent les stands dans les salles d’exposition. « La foule vient pour tout autre chose que les livres », disent ceux-ci. Rien de nouveau à cela, puisqu’en effet, nombreux sont les personnes qui considèrent le Salon du livre comme une sorte de mouled, auquel on se rend en famille ou entre amis pour exercer diverses activités autour du livre. Cette année, ce qui est nouveau, ce sont les activités artistiques organisées ici et là sur le terrain des expositions de Madinet Nasr. Par ailleurs, après avoir chuté l’an dernier, suite au flottement de la monnaie égyptienne, les ventes de livres ont repris cette année.

Dès la porte d’entrée du salon, située côté Salah Salem, on passe par diverses tentes, dans lesquelles ont lieu des activités artistiques: une tente intitulée Ahmad Fouad Negm, du nom du grand poète égyptien du dialecte, consacrée à la lecture de la poésie. Une autre en hommage à la diva de la chanson égyptienne Chadia, qui nous a quittés en 2017, et une troisième consacrée au théâtre, en plus des espaces dédiés aux enfants, qui renferment des jeux éducatifs ou leur offrent la possibilité d’exprimer leurs talents artistiques. Le visiteur trouve en outre un bâtiment pour les conférences et cérémonies officielles, notamment celles autour de la personnalité du 49e Salon du livre du Caire, l’écrivain Abdel-Rahmane Al-Charqawi.

En parallèle à ces activités, organisées par les différentes instances du ministère de la Culture en collaboration avec l’Organisme égyptien général du livre (GEBO), l’organisateur du salon, le visiteur trouve d’autres points d’attraction, moins officiels. Ainsi, les escaliers, qui mènent à l’autre bout du salon vers la porte Mamdouh Salem, sont occupés par des artistes néophytes, des troupes de musique et de jeunes chanteurs. On croise aussi des groupes d’amis qui chantent autour d’une guitare ou d’un oud, et qui choisissent les points d’accès et de sortie des salles pour augmenter leur audience.

Et le livre ?
Du côté des éditeurs, la tente de Diwan est pleine de monde. Cette prestigieuse chaîne de librairies égyptienne, qui présente, entre autres, les nouvelles parutions en langues étrangères — en anglais en l’occurrence— et en langue arabe, est prise d’assaut. La clientèle est majoritairement jeune, entre 14 et 25 ans. Elle se précipite sur les romans, livres de poche et policiers, tous en anglais, selon le goût des jeunes des écoles de langues. Certains rayons offrent des rabais de 20, 30 voire 50%.

Bien que les éditeurs et le GEBO, en tant qu’organisateur de l’événement, ne fournissent jamais de statistiques sur le volume des ventes de livres pendant le salon, il est facile de détecter des signes de succès, ne serait-ce que dans le nombre croissant des éditeurs égyptiens. Par ailleurs, Ahmad Donia, directeur des éditions Mobtada, spécialisées notamment dans les romans de jeunes écrivains et qui participe pour la deuxième fois au salon, confirme que les ventes se sont beaucoup améliorées. « Le Salon du livre 2017 s’est tenu peu après le flottement de la livre égyptienne, mais aujourd’hui, le choc s’est apaisé. C’est comme si les gens s’étaient habitués petit à petit. Ils se débrouillent pour mettre de l’argent de côté spécialement pour l’achat de livres durant le salon », explique-t-il.

Les jeunes maisons d’édition comme Dawen ne sont pas les seules à attirer un lectorat adolescent. Dawen est devenu un modèle pour de nombreuses maisons qui affichent leur écrivain « héros », par exemple Ahmad Osman, Ahmad Younes, Khawla Hamdi ... Ainsi, suivant le modèle de Dawen, des éditions comme New Book, First Book ou Oktob misent sur les séances de dédicace de recueils de poèmes ou de romans d’horreur, très en vogue parmi les jeunes. On peut aussi assister à des lectures publiques, à l’instar de celle de Mohamad Al-Sayed, qui récite ses poèmes en dialectal et est applaudi par les jeunes qui l’écoutent.

Les contrefaçons se multiplient

Avec la hausse des prix des livres arabes, notamment égyptiens, la contrefaçon a pris une nouvelle dimension. Les contrefacteurs ne se contentent plus de photocopier les livres les plus prisés pour les vendre à prix réduits. Mais ils cherchent actuellement à exporter aux salons et aux festivals à l’étranger des livres qui transgressent les règles de la propriété intellectuelle. En visite au salon, Rana Idriss et Raeda Idriss, qui dirigent la prestigieuse maison libanaise Al-Adab (les lettres), ont « poursuivi » les contrefacteurs. En se promenant dans les halls du salon, elles sont, en effet, tombées sur des titres dont les droits d’auteur leur appartiennent, entre autres des ouvrages d’Elif Shafak. En acte de solidarité, Al-Adab s’est regroupée avec une douzaine de maisons d’édition arabes, notamment Al-Saki, Al-Inteshar et Arab Scientific Publishers, et a réussi à déposer plainte auprès de l’instance de contrôle des oeuvres d’art. Cet organisme a pu poursuivre les contrefacteurs et leur a imposé une amende. Or, cette pénalité étant très faible en Egypte, les falsificateurs en profitent. « Il faut prendre toutes les dispositions juridiques, rehausser la pénalité et faire des campagnes de sensibilisation pour expliquer ce qu’est la propriété intellectuelle », déclare Sherif Bakr, directeur des éditions Al-Arabi. Quant à Rana Idriss, elle insiste sur le fait qu’il s’agit d’un crime qui porte atteinte à l’honneur et s’insurge contre le fait qu’on insiste sur l’importance de l’honnêteté et de la piété, alors que les droits des auteurs sont bafoués. « La hausse des prix des livres, due à l’augmentation des coûts de production du papier, de l’encre et d’impression, mais aussi aux droits d’auteur, des dessinateurs, etc., ne doit pas constituer une justification du crime de la contrefaçon », affirme-t-elle.

Ibrahim Al-Moallem, président de l’Union des éditeurs arabes et PDG de la maison d’édition Al-Shorouk, est lui aussi un défenseur assidu des droits de propriété intellectuelle. « Malheureusement, la conscience de la notion de propriété intellectuelle est presque absente dans nos sociétés arabes, ou du moins très floue. La conscience du fait que violer les droits de propriété intellectuelle soit un crime d’honneur devant être pénalisé et qui n’est pas moins grave que le vol matériel n’existe ni dans les médias, ni dans l’intelligentsia », a-t-il déclaré à la presse. La conclusion s’impose que la sensibilisation à la notion des droits d’auteur, ainsi que des dispositions juridiques adéquates sont devenues aujourd’hui impératives pour sauver l’industrie du livre.

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