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Le septième art de Naguib Mahfouz

Amr Kamel Zoheiri, Mardi, 12 décembre 2017

Sameh Fathi, écrivain amoureux de cinéma, s’attarde dans son livre Naguib Mahfouz entre romans et films sur l’adaptation au cinéma de quelque 18 romans du Nobel égyptien.

Le septième art de Naguib Mahfouz

Dans son livre, Sameh Fathi rappelle les 18 principaux romans de Naguib Mahfouz interprétés au cinéma, et les décortique, un par un. Mais il parle d’abord de l’écri­vain, nous rappelle la naissance de Naguib Mahfouz, qui a été prénommé ainsi par son père pour rendre hommage à un gyné­cologue copte qui l’a fait naître. Il s’at­tarde sur l’enfance de Mahfouz dans le quartier de Gamaliya et dans celui de Hussein au Caire. Des quartiers qui l’ont marqué et qui ont marqué son oeuvre, où il a reçu dans son éducation et son enfance tout ce qui a pu forger son identité, une identité culturelle, nationale, populaire, égyptienne, bénie par la tolérance et la culture du vivre ensemble.

Les premiers romans de Naguib Mahfouz, situés dans l’Egypte pharao­nique, n’ont pas connu de grand succès. Mais les premiers succès au cinéma, comme l’explique le livre de manière chronologique, étaient les films tirés des romans traitant de la société égyptienne. Le premier grand succès de ses adapta­tions au cinéma était Le Caire 30 de Salah Abou-Seif en 1966, adapté du roman Le Nouveau Caire (traduit en français La Belle du Caire) en 1945, traitant Le Caire des années 1930, de la société, des jeunes, de l’émancipation sociale, de la pauvreté, des espoirs et du réel de la société. Avec Soad Hosni et Hamdi Ahmad, le film a trouvé un grand succès malgré ses cri­tiques féroces de la classe moyenne, du monde de la bureaucratie, de la corruption et de l’ascension sociale.

Une trilogie populaire

Le plus grand succès de Naguib Mahfouz, au cinéma comme en littéra­ture, fut sa célèbre trilogie (Impasse des deux palais (1956), Le Palais du désir (1957) et Le Jardin du passé (1957). Trois romans qui emmènent le lecteur sur les traces d’une famille de la moyenne bour­geoisie cairote entre 1917 et 1944, avec au passage l’histoire de l’Egypte en arrière-plan. Un exemple de la société incarné par la famille du Hadj Ahmad Abdel-Gawad, le fameux Si Al-Sayed, un homme d’une forte personnalité, machiste et patriarcal, un père sévère que toute la famille craint et qui mène une double vie, entre le sérieux qu’il évoque avec sa famille et dans son commerce, d’une part, et d’autre part, la vie de débauche qu’il mène la nuit avec son groupe d’amis en enchaînant les nuits dans les maisons closes et entre les bras des danseuses orientales. Chacun des 3 romans renvoie au nom du quartier où se dérou­lent les événements, dans un cercle fermé, dans le même arrondis­sement du quartier Hussein et de Gamaliya.

Naguib Mahfouz avait déjà essayé cela avec son roman inter­prété également au cinéma avec le même titre de Khan Al-Khalili, de Atef Salem en 1966. C’était aussi le cas de Zoqaq Al-Medaqq (l’allée des soupirs), de Hassan Al-Imam, en 1964, et qui était publié en 1947. Ce roman était interprété au cinéma mexicain dans un film avec Salma Hayek, de Jorge Alonso, et ce film, Callejon de Los Milagros (la ruelle des miracles), a beaucoup plu à Naguib Mahfouz lui-même. Ce dernier disait qu’« à partir du moment où le roman passe au cinéma, il s’affranchit, devient une nouvelle oeuvre indépendante, unique et propre au réalisateur, avec laquelle il récrée une version qui lui est propre ».

A travers sa description minutieuse de tout ce qui est propre à la société et la culture égyptienne, tant pour les endroits, tant pour les personnages et les personna­lités qui évoluent avec l’évolution de la société et les changements des régimes et des époques, Naguib Mahfouz, le Nobel égyptien, a toujours pu toucher l’univer­sel par son univers local.

L’auteur compare les 18 oeuvres entre le récit écrit et l’adaptation au cinéma, il s’attarde sur l’histoire même, muni de rares photo­graphies tirées des séquences des films, puis attaque le côté critique. Mais on peut facilement lui reprocher de plonger excessivement dans la narration de l’histoire sans recourir aux outils de la cri­tique cinématographique.

On remarque la forte pré­sence du réalisateur Hassan Al-Imam et de la regrettée Chadia, qui a incarné à maintes reprises le person­nage féminin dans les films tirés des romans de Naguib Mahfouz. Parmi les 18 films figurent des films à portée politique, comme Al-Karnak, Evade de l’enfer ou Al-Less wal Kélab (le voleur et les chiens), de Kamal Al-Cheikh, où on voit un parallèle entre son malheu­reux héros Saïd Mahrane et Jean Valjean, le malheureux héros de Victor Hugo dans Les Misérables.

Naguib Mahfouz Bein Al-Réwaya wal Film (l’oeuvre de Naguib Mahfouz entre le roman et le film) de Sameh Fathi, aux éditions GEBO, 2016.

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