A travers ce titre évocateur, La Culture et les intellectuels en Afrique, Helmi Chaarawi, nous fait visiter une panoplie de facettes de ce monde africain, que nous connaissons si imparfaitement. Dans cette série d’articles rassemblés, nous survolons des thèmes différents qui vont du politique, au sociologique, à l’art et qui nous donne envie d’aller retrouver en profondeur ces sujets qui sont au centre des débats contemporains.
Mais avant d’aller plus loin dans le survol de ce monde, il est important de faire le point sur Chaarawi. Ce passionné de l’Afrique qui n’a de cesse de secouer les eaux tranquilles de notre ignorance. Dans son parcours africain, où le sujet prédominant reste et continue à être l’Afrique, Chaarawi a touché à tous les sujets ayant trait à ce continent. Ayant acquis une expérience considérable sur l’Afrique, depuis qu’il travaillait avec Nasser sur les mouvements d’indépendance africains et plus tard avec Sadate sur le Soudan, il continue à parfaire ses connaissances et ses études sur l’Afrique jusqu’à aujourd’hui.
Il a d’ailleurs été le directeur du Centre d’études arabes et africaines qu’il a créé avec d’autres et qu’il a présidé de nombreuses années. Ses livres couvrent tous les aspects du monde africain. Cependant, ce livre a cette particularité de nous immerger dans ce monde de l’Afrique avec un focus sur la relation intrinsèque entre le monde arabe et africain dont les relations et l’histoire se prolongent en nous comme une vérité incontournable.
En tant que penseur, sa préoccupation essentielle est de retrouver ces liens qu’on croit perdus et qui sont bien évidents. D’ailleurs, il étudie dans un chapitre important les mouvements islamistes qui règnent actuellement en Afrique et qui ont donné lieu à Boko Haram au Nigeria et au Mali, ou Daech. En partant, il analyse l’islam politique modéré et le conflit qui s’est instauré par la suite avec la modernité. Ce faisant, il cite des mouvements comme celui d’Al-Mahdi, de Blyden (1832-1912) et d’autres qui ont étudié les relations entre les peuples africains et arabes et le rôle qu’a joué l’islam pour unifier les peuples africains. Pour étudier la période nassérienne et Al-Azhar, il essaye de comprendre le dessous des cartes et les transformations dans le monde arabe et africain, ainsi que la naissance de l’extrémisme religieux.
Littérature, sculpture et cinéma
Pourtant, Chaarawi ne s’arrête pas là, il y a un chapitre entier consacré à l’art africain et les relations arabo-africaines. Ce qui nous frappe c’est la curiosité de Helmi Chaarawi qui s’intéresse à la diversité de la culture africaine, qui va de la critique littéraire à la sculpture en passant par le cinéma auquel il consacre plusieurs articles comme pour le Festival du cinéma africain de Louqsor qu’il suit attentivement depuis plusieurs années. Occasion pour lui de rencontrer les grands du cinéma africain comme Haili Grima l’Ethiopien ou Safi Fabi du Sénégal ou encore Gaston Kaboré. Il suit les films et les ateliers de travail de Grima qu’il compose avec des jeunes. Il en est ravi car ils permettent de former des jeunes, mais surtout de créer un vrai mouvement de développement qui dépasse le simple visionnement des films. Sujet qui lui tient à coeur.
Mais, il s’intéresse également à la critique littéraire et se penche sur une étude d’un Africain Afis qui étudie le livre de Naguib Mahfouz Les Enfants de notre ruelle qu’il analyse dans une perspective arabo-africaine, en travaillant sur la philosophie de Habarmess sur l’espace et en démontrant que Mafouz a devancé de loin les philosophies du monde occidental qui remontent au VIe siècle. Il étudie également la critique arabe au Nigeria à travers le regard de Gimia Machoud et se préoccupe de l’effervescence du cinéma africain au Nigeria, le phénomène Nolyooud qui produit plus de 2 000 films sans pour autant changer les mentalités. Les articles se succèdent et nous donnent l’envie d’en connaître plus sur notre histoire. D’ailleurs, il est à noter que Helmi Chaarawi a déjà écrit un livre sur l’écriture en alphabet arabe dans des manuscrits africains. Ils sont nombreux ses centres d’intérêt et ne tarissent pas !
Toutefois, dans la préface, Chaarawi insiste sur le fait qu’il est important de comprendre absolument qu’il n’y a pas une seule culture africaine, comme on a essayé de montrer pendant de longues décennies, de manière simpliste, de nous faire comprendre que la culture africaine était uniforme. Au contraire, elle est multiple, diverse et singulière selon les pays.
Dans cette diversité de sujets et de centres d’intérêt, le lecteur n’a que l’opportunité de faire ses choix selon ses goûts. Pour le plaisir d’une lecture nécessaire et différente de ce qu’on est habitué à lire.
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