« Maher Al-Sohaguy » et « Sadeq Abdel-Haq » sont nés dans le même village du gouvernorat de Sohag, au sud de l’Egypte. Le premier est corrompu, il vole les œuvres pharaoniques et les vend aux étrangers ; le second est un terroriste qui utilise la religion et falsifie l’Histoire pour réaliser ses objectifs et atteindre le pouvoir. Les deux ont voulu gérer une nation par la corruption et l’ignorance. Ils ont travaillé comme « indics » pour la police. En contrepartie, la police ferme les yeux sur leur corruption. Mais ils finiront en prison. Il s’agit du troisième roman d’Achraf Al-Achmawy, paru sous le titre L’Indic, avec une phrase révélatrice en préface : « Le tempne change pas les gens, dévoile progressivement leur réalité.
Juge d’instruction dans de grands procès de l’histoire égyptienne, Achraf Al-Achmawy — dont le 2e a été sélectionné du roman arabe de montrer qu’à travers l’Histoire, les politiques de tyrannie se répètent et conduisent à la colère des masses et à le révolution.
Le romancier présente à son lecteur deux personnalités-clés : Maher Al-Sohaguy, qui a quitté sa mère après avoir vendu ses terrains et sa maison. Il l’a laissée mourirsans abri et sans assister à sesfunérailles. Quant à Sadeq Abdel- Haq, il a refusé de prier aux funérailles de son père, imam de l’une des mosquées dans son village qui le considérait comme mécréant. Les deux ont été arrêtés plusieurs fois, l’un pour débauche, enrichissement illégal et vol ; l’autre pour adhésion à des groupes islamistes et terroristes et auteur de plusieurs attentats ayant fait des morts au nom de la religion.
« Nous avons tous tort »
Al-Achmawy, expert des coulisses de la justice égyptienne, décrit la gestion du pays par le régime en Egypte, depuis plus d‘une trentaine d’années : « Vous avez dans votre administration des enregistrements sons et images de ministres, de responsables, d’hommes d’affaires dans des procédures de corruption qui font blanchir les cheveux … et vous vous contentez de les présenter au ministre pour qu’il négocie avec ces corrupteurs via les barons du parti … vous intervenez dans tout … vous avez les mauvais hommes, les intellectuels et les hypocrites. Ils sont tous corrupteurs et corrompus. Et nous avons tous tort à l’endroit de notre pays ».
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Le romancier touche de près dans son oeuvre à la réalité égyptienne et critique ceux qui parlent au nom de l’islam pour gagner du terrain politique : « Ce courant ne mérite pas cette fausse popularité, la religion est un moyen de vivre et non de procéder à des manoeuvres politiques ». Et très tôt, il prédit le devenir du pouvoir islamique : « S’ils saisissent le pouvoir, vous ne parviendrez plus à libérer l’Egypte. Même si vous y parvenez, elle sera flétrie ! Ils parient sur un peuple émotionnel qui aime sa religion. Vous vous pariez sur un peuple émotionnel qui oublie vite et patiente beaucoup. En fin de compte, nous serons tous perdants ». Un brin d’optimisme se lit tout de même en filigrane. Al-Achmawy annonce à la fin de son roman : « Les deux hommes se sont salués comme s’ils ne faisaient qu’un corps. Comme si un nuage blanc et sans danger était alors apparu dans le ciel d’été. Il disparaîtra vite ». Des cieux dégagés, c’est ce que tous les Egyptiens espèrent.
Al-Morched (l'indic) d’Achraf Al-Achmawy, éditions Al-Masriya Al- Lobnaniya, 2013.
Les doigts intérieurs
Avec son expérience de la justice égyptienne, Al-Achmawy nous résume la politique menée d’un régime à un autre en Egypte, dans un style reposant sur le dialogue, comme celui entre le général Hicham et le brigadier Chérif, fonctionnaires de police : « Vous savez c’est quoi votre problème ? C’est que vous cherchez uniquement le résultat, vous vous préoccupez de le traiter et vous pensez avoir abouti, pourtant, vous êtes dans un cercle vicieux. Cela fait plus de 20 ans que vous n’avez pas résolu de problème à sa racine. Vous vous contentez de suivre comme les spectateurs. La politique de la sécurité est devenue celle de l’assurance. Vous laissez entendre que vous protégez le peuple, alors que vous isolez le dirigeant et son entourage ».
Le général le plus âgé et qui a le plus d’expérience continue dans son dialogue en analysant la situation que le lecteur identifie comme la situation de l’Egypte aujourd’hui : « Votre administration parle de doigts étrangers et vous oubliez les doigts intérieurs qui ont tué celui qui nous a fait lever la tête. Même s’il existe des doigts étrangers, ils ont besoin tout d’abord d’un régime corrompu et tyran, ensuite de mains internes désespérées et payées pour exécuter les plans ».
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