Comme à l’accoutumée, la collection des livres au pied de l’ancien mur d’Ezbékiyeh a attiré le public grâce à sa large palette et à ses prix modestes. Comme c’est le cas depuis cinq ans, on peut voir de jeunes visiteurs se précipiter vers les séances de dédicaces, organisées par les maisons d’édition privées, pour retrouver leurs stars préférées et leurs livres favoris. Cette année, c’est la maison d’édition Dar Noun qui a connu cette scène de liesse, dès le deuxième jour. Noun s’est spécialisée dans les livres et les romans de terreur, un secteur très attirant pour le public adolescent.
Le flottement de la livre égyptienne a jeté son ombre sur le salon. En réaction, les critiques sont nombreuses sur les réseaux sociaux. Certains ironisent, en définissant ces prix comme des prix provocateurs face à la régression sans précédent du pouvoir d’achat des lecteurs égyptiens. Mais contre toute attente, de nombreux éditeurs égyptiens (comme Karma) ont proposé des réductions de 40 %. Presque 50 maisons d’édition se sont abstenues en raison de la hausse des frais de participation, un chiffre jamais atteint dans l’histoire de l’Egypte, même dans les moments les plus critiques juste après le Printemps arabe. A l’effet de la dévaluation de la monnaie égyptienne, s’ajoute le choix d’un lieu peu adapté. Le Parc des expositions de Madinet Nasr ne convient plus à un événement de cette envergure, classé comme le 2e plus grand salon du livre au niveau mondial. L’espace n’est pas équipé pour répondre à tous les besoins et garantir des services de qualité par rapport au prix de participation imposé aux éditeurs.
Absence des éditeurs
En 2015, le salon comptait 26 pays participants contre seulement 14 en 2014. En 2016, le nombre avait connu une belle hausse, atteignant 34 pays mais cette année le chiffre n’est que de 35.
Lors d’une conférence de presse, l’Organisme général du livre a annoncé 670 maisons d’édition participantes en 2017, contre 850 les deux années précédentes. Quant aux maisons d’édition arabes participantes, il y en avait 250 en 2015 et 2016, et seulement 200 en 2017. Les maisons d’édition étrangères ont enregistré un recul énorme, avec seulement 13 maisons participantes cette année, contre 50 en 2016 et ce, malgré la hausse du nombre de pays représentés ayant atteint 13 contre 7 seulement l’an passé.
Malgré cette mauvaise posture, le plus gros recul enregistré reste celui des éditeurs égyptiens, avec 451 maisons d’édition cette année contre 550 l’année dernière. Un simple calcul indique que 100 éditeurs égyptiens n’ont pas pu couvrir les frais de participation. S’ajoutent à cela leurs difficultés quotidiennes liées aux coûts excessifs d’impression qui se sont multipliés après la dévaluation de la livre égyptienne.
Cette année, l’organisation du salon a voulu se rapprocher des problèmes majeurs qu’affronte le gouvernement. Ainsi, un axe principal des colloques est consacré au projet « Egypte 2030 », pour en présenter la vision, qui défend le développement durable et qui place la crise de l’industrie du livre en tête du chapitre culturel. Le plan Egypte 2030 envisage d’affronter les trois principaux problèmes de l’édition en Egypte, à savoir l’existence d’une déficience dans les statuts de l’Union des éditeurs, un marketing du livre faible et un environnement favorisant le non-respect des droits à la propriété intellectuelle. Des maux que l’Organisme général du livre tente de dépasser, voire même de solutionner. Plusieurs colloques ont déjà eu lieu dans le but de débattre des problèmes et discuter des options alternatives pour sortir de l’impasse actuelle.
Des droits d’auteur bafoués
De nouveaux défis sont apparus cette année pour les organisateurs du Salon du livre. Il s’agit de la propagation de la contrefaçon de livres et de la diminution des maisons d’édition arabes et étrangères. Pour pallier ces nouveaux problèmes, l’organisme a mis en place plusieurs mesures, notamment pour combattre la contrefaçon. La première consiste à intensifier la collaboration avec l’administration policière chargée de vérifier l’authenticité des oeuvres d’art, quelle que soit leur forme, et le respect des droits d’auteur. Désormais, les fraudeurs pris en flagrant délit perdront immédiatement leur emploi et les personnes qui ont fait l’objet d’un procès pour contrefaçon se verront interdites du Salon du livre, sauf si une réconciliation avec l’éditeur a eu lieu ou s’ils sortent indemnes du procès. La présence diminuée des maisons d’édition arabes et étrangères artistiques a eu pour conséquence la hausse du prix de participation des libraires au mur d’Ezbékiyeh, qui réunit pêle-mêle des livres de tous les horizons et qui est passé de 100 kiosques en 2015 à 119 pour cette édition 2017.
Des critiques ont également été adressées au comité d’organisation du salon à cause de la mauvaise gestion des conférences et des invités, non renouvelés depuis 4 ans. Il n’existe pas de fil conducteur reliant les différentes activités qui sont isolées les unes des autres. Al-Hagg Ali, directeur du GEBO, en charge de l’organisation du salon, affirme : « Il faut trouver des thématiques transversales communes telles que la jeunesse ». Et de conclure : « L’objectif des conférences des salons du livre est à avant tout de faire la promotion des livres et d’attirer le plus de public possible. Elles doivent donc être inspiratrices et toujours renouvelées » .
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