« Le seul luxe de cette revue, ce sont les plumes des écrivains participants dans le baptême de Demashq ». Par ces propos, le rédacteur en chef et poète syrien, Nouri Al-Jarrah, a défendu la revue naissante. Et cela en réponse aux craintes lancées par le poète Abdel-Moneim Ramadan, lors d’une cérémonie du lancement de la revue à l’Atelier du Caire, la semaine dernière, qui trouvait que le trop de luxe de Damas la menacerait peut-être de ne pas en voir un second numéro.
En 400 pages, Demashq, publiée par l’Institut Damas pour les études et la publication à Londres, et imprimée au Caire « sous un profil d’impression modeste » selon Al-Jarrah, embrasse des figures éminentes de penseurs, d’activistes et d’écrivains du Liban, de Palestine, d’Iraq, du Yémen et surtout de Syrie. Ainsi, la première partie de la revue, qui joue le rôle d’une référence idéologique ou théorique (intitulée « La révolution syrienne, les sources de la colère. Les défis de l’espoir et la culture de la liberté »), est jalonnée par des noms comme les Syriens Sadek Galal el Azm, Aziz Tebssi, Moufid Negm, Rafiq Al-Shami ou Sobhi Al-Hadidi. A titre d’exemple, Rafiq Al-Shami y traite dans son papier « Intellectuels et mercenaires » du système tribal qui déteste l’individualisme et ne permet pas à l’individu de créer. Il y souligne à quel point la tribu occupe une place de choix dans la révolution syrienne dépassant celle en Tunisie ou en Egypte. Mais il parie sur la capacité des gens ordinaires à se libérer des impuretés.
Quelles que soient les prises de vue dans les articles (la démocratie et la laïcité, l’islam et la modernité, ou critiquant la rupture des intellos entre révolutionnaires et partisans du régime baathiste), le credo de Demashq est d’esquisser le portrait culturel de la révolution.
C’est ce que tente de montrer Nouri Al-Jarrah dans la diversité de la revue à travers la poésie, le roman, le dessin animé, la musique, la caricature, les arts plastiques, en plus des entités et projets culturels naissant au coeur des événements turbulents des deux ans de soulèvement. Comme entre autres le rassemblement de l’art et de la liberté, la ligue des écrivains syriens, la ligue des journalistes ou Dawleti, projet d’entraînement textuel et audiovisuel centré sur la transition démocratique.
La seconde partie de la revue est consacrée à la littérature, aux récits, aux journaux de bord et aux témoignages littéraires, avec notamment un dossier d’une sélection des nouvelles kurdes traduites en arabe.
Dans l’éditorial de Nourri Al- Jarrah, qui joue le rôle d’un manifeste des intellectuels, il essaye de rendre à l’intellectuel ses lettres de noblesse. Soulignant le nombre d’intellectuels qui ont payé de leur vie sur « le front de bataille » en réclamant la liberté, comme le chanteur Ibrahim Qashoush, dont on a trouvé le cadavre dans le fleuve Al-Assi en 2011, la gorge arrachée pour avoir osé chanter « Dégage Bachar ! ».
Dans son manifeste, Al-Jarrah ne trouve d’autre issue que de renforcer la résistance des Syriens sortis chantant la liberté, mais avec « trop de meurtres pendant de longs mois, tandis qu’ils persistent dans leur révolution pacifique, il ne leur reste plus que l’arme, en défense à leurs femmes, leurs enfants et leurs âmes ».
Demashq, revue mensuelle n°1, publiée par l’Institut Damas pour les études et la publication àLondres, mars 2013.
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