Les contes du perroquet sont le pendant des Mille et une Nuits, aussi bien par leur origine indo-persane que par leur forme. Moins connus que les Nuits, Les Contes du perroquet ont été écrits au XVIe siècle. Il s’agit de contes à tiroirs dans lesquels le perroquet raconte chaque soir à sa maîtresse, Khodjesté, des histoires pour l’empêcher d’aller retrouver son amant. Comme toute la littérature populaire, ces Contes du perroquet, ou Tûti-Nâmeh, étaient à la base oraux et des efforts ont dû être consentis pour les rassembler, les vérifier et les traduire dans des dizaines de langues. Ils font désormais partie du patrimoine littéraire de l’humanité. La version publiée aux éditions Orients/Klincksieck, en France, est de Ziyad-Ed-Din Nakhchabi. Elle a été traduite du persan par Henri Muller et revue par Mohamad Qaderi, qui a adapté les contes dans une langue simple et naturelle « afin de les rendre plus intelligibles et familiers à toute espèce de lecteurs ».

Illustrations de Golo.
Ces contes reflètent les dons du perroquet qui emploie les mêmes astuces que Schéhérazade des Mille et une nuits. A la magie de ces contes s’ajoutent les dessins et illustrations de Golo, célèbre bédéiste. « Egyptien de coeur », comme on le décrit, qui a vécu longtemps entre la France et l’Egypte, devenu grand connaisseur des mythes anciens et contemporains et qui a produit des dizaines d’ouvrages dont le plus célèbre, les illustrations des Mendiants et orgueilleux d’Albert Qossery.
L’influence du conte

Illustrations de Golo
Au fil des tableaux colorés, ornementés, emplis de touches humaines et souriantes, on se déplace d’un conte à l’autre et on découvre l’influence du conte. Un jour, l’amoureux mari de Khodjesté, le commerçant Meïmoun, qui devrait faire un long voyage au loin sur la mer, dit à sa femme : « Quand tu auras une affaire et une question importantes à régler, ne conclus rien avant d’avoir pris l’avis du perroquet et de la charouk, n’agis pas sans la permission ni le consentement des oiseaux ». Dans sa longue attente, et son enfermement, Khodjesté répond aux flirts d’un prince étranger qui est tombé amoureux d’elle et promet de lui rendre visite à minuit.

Illustrations de Golo
Conformément aux conseils de son mari, elle prend la permission de la charouk, une femelle de perroquet, qui considère alors cet acte comme un crime et une grande infamie. Le refus de la charouk a mis Khodjesté en fureur à tel point qu’elle la frappa violemment et sépara son âme de son corps. L’intelligent perroquet n’a pas voulu connaître le même sort, il invita alors sa maîtresse à aller retrouver son amant. Il lui fait ensuite croire qu’à travers les histoires qu’il lui raconte, il lui enseigne un stratagème qui lui permet de se prémunir contre tous les ennuis et toutes les humiliations qui pourraient la toucher. Khodjesté, très curieuse, demande davantage d’histoires au perroquet. Chaque soir l’histoire se prolonge jusqu’au moment où le coq chante et l’aurore apparaît, et à chaque fois, le départ de Khodjesté est remis. Telle une Schéhérazade qui multiplie les artifices pour échapper au despotisme de son époux, et pour fuir son destin, le perroquet ne cesse de donner des conseils à sa maîtresse pour tester les connaissances de son amant, son intelligence et la finesse de son esprit. En réponse aux craintes de Khodjesté autour du caractère de son prince charmant, le perroquet lui invente à chaque fois une épreuve : « Ô maîtresse, en ce moment même vas le trouver, raconte-lui l’histoire de la fille du marchand et mets ainsi à l’épreuve la finesse de son esprit. S’il trouve la bonne réponse, tu sauras qu’il est intelligent ».

Illustrations de Golo.
Et Khodjesté, pleine de curiosité et d’avidité, demanda : « Quelle est cette histoire ? ». Schéhérazade représentait la libération de la femme des mains du despotisme de l’homme. Son intelligence, et surtout son savoir triomphent, à travers le conte. Or, elle arrive à changer une « loi » qui condamne les femmes à mourir le lendemain de leurs noces pour un crime qu’elles n’ont pas commis. Le conte et la parole font ainsi face à l’oppression, à la mort et au néant. Les histoires du perroquet font que Khodjesté reste dans sa demeure. Ils l’empêchent de rejoindre son amour. Ces histoires représentent le pouvoir intellectuel, celui de la pensée, et de la conscience collective. Les Contes du perroquet se déroulent dans une ambiance plus pesante et plus traditionnelle que celle des Mille et une nuits. Le mot, en effet, est salvateur pour le perroquet qui triomphe de la mort, mais contrariant pour la femme qui cherche sa libération de l’emprise du mari absent et qui cherche l’amour et la liberté.
Ce genre de conte populaire, qui a influencé un Voltaire, ou un Montesquieu, au XIXe siècle, et qui continue à nourrir l’imaginaire des écrivains contemporains, donne ses lettres de noblesse à l’art du roman. Les contes à tiroirs restent un trésor dans lequel les écrivains ne cessent de puiser. Ils continuent à étonner le lecteur un peu partout dans le monde.
Illustrations de Golo dans le livre Les Contes du perroquet.
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