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Essai: Ni fait, ni à refaire !

Amr Zoheiri, Lundi, 18 février 2013

Le Guide des droits de l’homme dans les Constitutions du monde aurait pu devenir une référence en droits comparés. Malheureusement, son auteur Abdallah Khalil, pécialiste
en droit international des droits de l’homme, s’est perdu dans d’innombrables exemples et axes de recherche. Aperçu.

Abdallah Khalil, spécialiste en droit international, s’est engagé dans un projet colossal, digne d’être réalisé par les Nations- Unies. Mais un chercheur seul ne peut, malgré toute sa bonne volonté, venir à bout d’un tel ouvrage. L’auteur s’est ainsi aventuré à « comparer » sans équipe de recherche les Constitutions du monde suite à une idée qui lui est venue après la révolution du 25 janvier.

Malgré les belles promesses de la préface du livre sur la quête d’un idéal répondant aux attentes des citoyens, le livre n’aboutit pas à des conclusions concrètes ou même à des recettes à suivre pour sortir du tunnel. Ce rêve de posséder un jour une Constitution universelle, digne de nos quelques milliers d’années d’histoire, est certes ambitieux et légitime. Notamment si la comparaison se fait uniquement sur les deux dernières Constitutions : celle de 1971 et la déclaration constitutionnelle précédant la nouvelle Constitution de 2012, ou en se référant aux anciens modèles du temps de Mohamad Ali ou à celui de 1923. L’auteur aurait aussi pu se référer aux projets de Constitutions élaborés par des experts égyptiens en droit constitutionnel, des experts qui ont contribué à l’élaboration de Constitutions de par le monde arabe.

Mais il ne fait rien de tout cela et se lance dans une comparaison entre les Constitutions de 1971 et 2012 et celles d’Afrique du Sud, du Canada, des Etats-Unis d’Amérique, du Brésil, du Portugal, du Venezuela, de la Bolivie, d’Equateur, d’Inde, de Malaisie, de Belgique … et la liste est longue. Le projet est ambitieux avec plus de 300 axes de recherche pour un livre de 340 pages. Mais le résultat est décevant, voire n’existe tout simplement pas.

Une Constitution est par définition un droit à l’autodétermination. C’est un contrat social sur le vivre ensemble entre tous les citoyens d’une même nation, pays ou royaume … qui se mettent d’accord pour définir un contrat de société comprenant des droits et des devoirs valables pour tous.

Normalement, les citoyens sont égaux devant les lois et logiquement une Constitution est au sommet de la pyramide de cette égalité. Dans cette étude sur les Constitutions, également, les discriminations positives sont une question centrale. L’auteur évoque par exemple la notion de protection des consommateurs et destinataires « pauvres » des produits commerciaux en Equateur. On peut se demander à quoi cela sert de mentionner le mot « pauvres » ? Il s’agit ici d’une discrimination positive. Le président Raphael Correa, qui se présente cette semaine aux élections présidentielles, a pris le parti des pauvres et sa gestion vise à optimiser la rente pétrolière et les richesses pétrolières de son pays. Sa priorité est de faire sortir la population équatorienne de la pauvreté. Mais la règle principale est que les citoyens sont tous égaux face aux problèmes de la consommation selon l’article 54 de la Constitution équatorienne, considéré comme un article phare pour protéger les consommateurs. La même clause existe dans la majorité des lois du monde moderne sans nécessairement mentionner le terme « pauvres ».

La majorité des 300 thèmes de recherche contenus dans le livre sont en réalité des droits comme le droit de se marier, de fonder une famille, d’accéder à un bon niveau de vie, de participer à la gestion du pays, de faire du sport ... Bref, le droit à ... et le droit de ... L’auteur ne parle jamais des devoirs qui y sont liés, car ces droits, avant tout, se méritent, se respectent et doivent être honorés.

Une autre conception qui existe en Egypte et qui paraît inutile est celle qui consiste à dire le ministère de l’Instruction et de l’Education au lieu de ministère de l’Education. Aujourd’hui, une nouvelle lecture de l’éducation s’impose. L’éducation peut être le devoir de l’Etat, mais l’instruction précisément ce n’est pas un devoir étatique mais celui de la société, de la famille et des différentes communautés urbaines et civiles. Cette étude sur les Constitutions est partisane d’une Egypte obsolète, notamment dans la conception de la modernité. Abdallah Khalil n’a pas honoré son ambitieux contrat de représenter l’idéal constitutionnel comparé avec le meilleur des meilleurs et a déçu avec des fausses promesses.

Le Guide des droits de l’homme dans les Constitutions du monde, préparé par maître Abdallah Khalil, aux Editions Rawafed, 2012.

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