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Khaïry Douma : Les questions défendues par Latifa Al-Zayyat sont toujours vivantes de nos jours

Rasha Hanafy, Lundi, 17 août 2015

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Le Centre national de la traduction s'apprête à publier une ancienne thèse de l'activiste et romancière, Latifa Al-Zayyat. Annonce qui coïncide avec son 92e anniversaire. Khaïry Douma, conseiller scientifique du Centre, s’explique sur ce projet.

Khaïry Douma

Al-ahram hebdo : Vous avez annoncé la semaine dernière, sur votre page Facebook, que le Centre national de la traduction allait publier une thèse de doctorat faite par l’écrivaine et militante égyptienne, Latifa Al-Zayyat. Parlez-nous de ce projet ...
Khaïry Douma : Latifa Al-Zayyat n’était seulement ni militante des droits des femmes, ni écrivaine et romancière de renom, mais elle était également une universitaire et une excellente chercheuse. Al-Zayyat a toujours fait la séparation entre son travail à l’Université de Aïn-Chams, en tant que professeur et présidente du département de langue anglaise à la faculté des lettres, et son travail en tant qu’écrivaine et militante. Raison pour laquelle elle ne s’intéressait ni à parler, ni à publier ses recherches universitaires. Personne ne savait qu’elle avait fait des études de journalisme à la faculté des lettres, de l'Université du Caire. Moi-même je ne savais pas, pourtant elle était mon professeur et elle faisait partie du jury de soutenance de ma thèse de doctorat. J’ai pu avoir une idée sur la thèse de Latifa Al-Zayyat, alors que je lisais un livre de Abdel-Mohsen Badr, professeur de critique littéraire. Il s’agit d’une thèse de doctorat intitulée « Le Mouvement de traduction littéraire de l’anglais en Egypte de 1882 à 1925 et son rapport avec la presse de l’époque ». Al-Zayyat a soutenu sa thèse en 1957, et elle avait comme directeur de thèse l’écrivain et professeur de journalisme Abdel-Latif Hamza. Elle l’a rédigée en langue arabe. Le Centre national de traduction va publier cette thèse qui n’a jamais été publiée. Cette publication fait partie d’une série intitulée « Etude de traduction », qui s’intéresse aux études faites sur la traduction de l’arabe vers d’autres langues et l’inverse.

— Est-ce que ce projet vise à commémorer son 92e anniversaire ?
— En fait, non. L’idée de publier ce travail de recherche de Latifa Al-Zayyat existait depuis quelque temps. J’ai passé deux ans ou presque à chercher la thèse à l’Université du Caire. Je dois dire qu’on avait beaucoup de difficultés à lire la thèse, car celle-ci est très ancienne et l’écriture n’était pas claire. On a dû faire un travail de vérification avant d’imprimer le texte, afin qu’il soit lisible et publié. Je dois écrire le préambule qui expliquera toutes les circonstances dans lesquelles se déroule cette publication. Dans quelques mois, tout sera prêt et le livre sera entre les mains des chercheurs et des lecteurs.

Khaïry Douma

— Quelles ont été les retombées de cette recherche sur la traduction littéraire à cette période de l’histoire de l’Egypte ?
— Cette thèse montre l’ampleur du mouvement de la traduction et son influence sur le mouvement romancier égyptien, les arts et la vie culturelle ainsi que sur la vie politique et sur les relations entre l’Egypte et l’Angleterre. Selon cette thèse de Latifa Al-Zayyat, avant 1882, la traduction était effectuée de la langue française vers l’arabe. Après l’occupation anglaise, la traduction a porté sur la langue anglaise. Latifa Al-Zayyat remarque que l’occupation britannique a déployé tant d’efforts pour construire des lycées, afin de remplacer les congrégations françaises et enseigner la langue anglaise à la population. Al-Zayyat a également remarqué que le processus de traduction était en grande majorité un processus d’arabisation, afin que la population saisisse les valeurs et les habitudes de la société anglaise. Les ouvrages traduits ou arabisés étaient publiés sous forme de série dans les journaux pour attirer le plus grand nombre possible de lecteurs. Al-Zayyat a mené sa recherche sur les romans, les pièces de théâtre, la prose et la poésie.

— Le moteur de recherche Google a rendu hommage à cette grande écrivaine et militante, le jour de son anniversaire, le 8 août. Ne pensez-vous pas que ce soit un fait remarquable ?
— J’apprécie que Google rende hommage à Latifa Al-Zayyat, née le 8 août 1923 et décédée le 10 septembre 1996. Nous n’arrivons pas à nous souvenir de toutes les dates de naissance et de décès. Pourtant, nous avons de nombreux savants, écrivains, chercheurs dans plusieurs domaines. Le fait de rendre hommage à Al-Zayyat donne l’occasion aux nouvelles générations de mieux la connaître et de savoir qu’elle est célèbre pour son roman La Porte ouverte, qui a remporté la première édition du Prix Naguib Mahfouz pour les lettres. Latifa Al-Zayyat est considérée comme étant une pionnière du féminisme oriental et comme étant « la première Egyptienne » à évoquer le problème de la condition féminine dans le monde arabe.

— Quelle est, d’après vous, la façon idéale de commémorer les pionniers qui ont enrichi notre espace culturel, social, politique et scientifique ?
— Je pense que pour rendre hommage à un pionnier dans le domaine culturel ou social, il est d’une importance extrême de publier les ouvrages inconnus du public, comme c’est le cas de cette thèse d’Al-Zayyat. Il est également essentiel que les instances culturelles, publiques ou relevant de la société civile, débattent avec les jeunes générations des oeuvres de ces pionniers, de leurs idées et leurs principes.

— Latifa Al-Zayyat défendait la culture nationale, l’émancipation de la femme, la justice et la liberté. Pensez-vous que ces thèmes puissent être débattus publiquement sans interdits ?
— Tous ces termes font partie des valeurs humaines. Les questions défendues par Al-Zayyat sont toujours vivantes de nos jours. Elles sont débattues dans le monde entier et il n’y a aucun interdit les concernant.

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