Dans son atelier-clinique au Nouveau-Caire, Noha El Gamal reçoit sa clientèle. L’exercice ressemble au début à une simple expérience de shopping, le client va sélectionner parmi des dizaines de pièces riches en couleur, matières et style. Peu importe le nombre. Il n’y a pas de limites. Simplement, identifier le goût. Il faudrait les ranger d’abord en fonction des plus préférées. La styliste-Life coach vous guide ensuite vers une dizaine d’étapes. Maintenant, choisir ce qui vous rappelle votre enfance, puis ce que vous détestez le plus. Les questions s’enchaînent sur le choix, le pourquoi, la couleur, la texture, etc. « Cet exercice permet de dévoiler les schémas d’idées, les croyances limitantes, les émotions, les besoins », explique El Gamal.
Après une vingtaine d’années d’études et de travail en mode, plus précisément en style, puis en life coaching, Noha a décidé d’intégrer les deux approches dans une « thérapie de style » ou thérapie vestimentaire.
Que disent de nous nos vêtements ? Comment un vêtement peut-il modifier un comportement ou déterminer une identité ? De grandes questions qui l’inspirent à y trouver des réponses avec sa clientèle.
Psychologie et mode sont liées. C’est la conclusion que tirent des stylistes aussi bien que des psychologues, puisque, comme tout autre choix, celui de sa garde-robe a un impact psychologique, et avant tout, il permet de déchiffrer la personnalité et par la suite l’améliorer, la transformer.

On le sait déjà, le shopping stimule la sécrétion de dopamine, ce neurotransmetteur responsable de la sensation de bien-être et de plaisir, et la façon dont les vêtements peuvent être utilisés pour changer l’humeur d’une personne ne fait plus aucun doute. Certaines études ont ainsi exploré la relation entre la dépression et l’apparence négligée. Dans son livre Faites attention à ce que vous portez (Mind What You Wear), Karen Pine, professeure de psychologie, explique que ce que nous portons a des conséquences cognitives, sociales et émotionnelles. « Mes recherches précédentes ont découvert un lien entre les états d’humeur des femmes et leurs choix vestimentaires. Les femmes étaient plus susceptibles de porter des jeans lorsqu’elles se sentaient déprimées. Plus récemment, j’ai trouvé un autre lien clair entre l’humeur et les vêtements, découvrant que lorsque les femmes sont stressées, leur monde se rétrécit, ce qui les amène à porter moins de leur garde-robe, en en négligeant 90 % », précise Pine. Mais plus profondément, il s’agit de voir les fonctions mentales et émotionnelles remplies par le choix vestimentaire. N’est-ce « une seconde peau » ?
Ce domaine de recherche est d’ailleurs assez récent et les recherches sur le sujet sont plutôt limitées. Dawnn Karen se dit une « pionnière » dans le domaine de la « psychologie de la mode », (une expression qu’elle a déposée), mais elle n’est pas la seule à combiner les sujets. Au cours de la dernière décennie, le département d’études de la mode et de l’habillement de l’Université du Delaware a offert un cours appelé les aspects psychologiques sociaux des vêtements où les étudiants de Jung explorent la psychologie derrière le comportement des consommateurs alors que la psychologue cognitive, Carolyn Maire, a créé le département de psychologie de la mode au London College of Fashion de l’Université des arts de Londres.

Montre-moi ce que tu portes, je te dirai qui tu es
Une étude de Y. Kwon publiée en 1991 suggère que les choix vestimentaires des individus peuvent refléter ce qu’ils pensent d’eux-mêmes, et pas seulement ce qu’ils veulent que les autres ressentent à leur sujet. « La façon de s’habiller est en effet une réflexion de la façon de se présenter soi-même au monde extérieur qui est en soi un écho de son monde intérieur. Nos vêtements ont un impact sur ce que nous ressentons et en même temps ce que nous ressentons influence ce que nous choisissons de porter », précise Noha.
Nous portons des vêtements pour naviguer dans différentes situations, se sentir plus confiants, plus heureux ou même plus à l’aise mais le plus souvent cette motivation fonctionne inconsciemment. En examinant la relation du client avec les différents vêtements, une première séance de 90 min permet de calibrer la personne, cerner son moi, ses points forts, ses faiblesses, sa vision de soi et quelle émotion majeure est derrière. « A partir de là, nous continuons les séances de coaching, avant de répéter la première séance pour évaluer les démarches, noter les changements. Un même style signifie la même mentalité et vice versa. Rania, une des clientes avait du mal à prendre des décisions et trouver des solutions. Elle a ainsi été encouragée à choisir 3 ou 4 pièces puis à trouver des idées de les porter différemment, par exemple, le matin au travail et le soir. L’idée était de dépasser la croyance limitante et l’encourager à trouver des solutions créatives à ses problèmes. Un styling de l’intérieur », conclut-elle.
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